Le libéralisme une idéologie au service du capitalisme

Les dictionnaires sont souvent une bonne approche de l'idéologie dominante.Au mot «libéralisme» le Larousse (édition 2011) propose trois définitions :1 Doctrine économique de la libre entreprise, selon laquelle l'Etat ne doit pas gêner le libre jeu de laconcurr ence.2 Doctrine politique visant à limiter les pouvoirs de l'Etat au bénéfice desliber tés individuelles.3 Fait d'être libéral,tolérant.

C eux qui ont un peu de mémoire sursautent, car pour qui a connu le Chili de l'Unité populaire, le libéralisme est ce courant économique que Pinochet mit en application après avoir renversé Allende et mis le pays sous une botte de fer. C'est encore cette théorie que Reagan puis Thatcher utilisèrent dans leurs politiques antisociales de choc dans les années 1980. On ne voit pas où sont les libertés individuelles dans la manière dont furent lockoutées les centaines de milliers de contrôleurs aériens américains en grève pour leurs salaires (trente ans après le contrôle aérien aux USA est toujours en sous-effectif à cause de cette répression syndicale). Les libertés individuelles ne sont pas non plus dans la destruction systématique des syndicats anglais. La situation qui aboutit à la grande grève des mineurs fut tout, sauf une impro - visation. Le Gouvernement avait fait en effet des réserves straté- giques de charbon pour affronter ce conflit qui visait très consciemment à casser les syndicats. Et dire que certains doutent encore de l'existence de la lutte des classes ! Le libéralisme reste un danger pour tous les peuples.

Mais, il y a plus. La définition occulte délibérément une don- née du libéralisme contre laquelle le marxisme et ses précurseurs se sont élevés. Un des fondateurs de la pensée libérale le dit clairement : «L'homme a toujours en soi le grand fondement de la pro - priété, et tout ce en quoi il emploie ses soins et son industrie n'appartient point aux autres en commun» (John Locke 1690). Les révolutions bourgeoises du 18ème s'en inspireront et jusqu'à aujourd'hui, cette philosophie restera dominante : la propriété est conçue comme un droit de l'homme, un droit individuel. L'article 2 de la Constitution de 1789 est explicite «Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression».

On peut admettre le point de vue, révolutionnaire à l'époque, selon lequel cette propriété désigne la propriété de soimême. L'homme se possède et n'appartient à personne. Mais ce n'est pas cette interpréta - tion que l'histoire favorise : aucune des trois révolutions libérales de cette époque (en Angleterre, aux USA, et en France) n'abolit l'esclavage (même si la France l'abolit effectivement presque cinq ans après le début de la Révolution (février 1794).

En fait, il est plus question ici de propriété matérielle, et en particulier de la propriété pri - vée des moyens de produc - tions. Un droit de l'homme ? Faux répondra une grande voix de la Révolution, Robespierre : «La propriété […] est une institution sociale» (24 avril 1793). Ro bespierre, en bonne logique, sera un des dirigeants de la Révolution à pro- poser de limiter ce qu'on appellerait aujourd'hui les hauts salaires.

Par la suite, Marx démontera point par point toute la construction intellectuelle du capitalisme en montrant, par exemple, qu'il y a des liens souterrains étroits entre le salaire, le capital et la propriété foncière. Il n'échappera à personne qu'aujourd'hui encore, cette analyse reste révolution - naire et qu'elle est loin d'être devenue la pensée courante, tantl'of fensive idéologique des défenseurs du capitalisme et de sa forme la plus brutale, le libéralisme, est permanente.

On a un exemple grandeur natu- re de cette guerre idéologique dans la manière dont les droits sociaux sont systématiquement remis en cause depuis des décen - nies. On peut analyser la manipu - lation qui justifie la remise en cause globale de l'âge de la retraite (dans l'Europe entière). Présentée comme une mesure logique devant l'élévation de l'espérance de vie, cette mesure est en fait, sans le dire, une remi - se en cause de la propriété. En effet, ce que l'on appelle les droits sociaux, peut être considéré, selon l'analyse du sociologue Robert Castel, récemment dispa- ru, comme une forme de propriété sociale collective. Jusqu'au XIXème siècle, en France par exemple, pouvoir garantir sa retraite (tout comme la maladie) était le privilège de ceux qui pos- sédait de quoi la financer. Dans le courant du XIXème est née, en Europe, l'idée que ceux qui ne possèdent rien doivent pou- voir accéder aussi à ce « privi- lège ». D'où la mise en place progressive du système de répartition dont on use enco- re aujourd'hui. Cette forme de propriété collective qui permet de financer la retraite est une généralisation du principe de la tontine, ou de celui des mutuelles ou la mise en pratique à grande échelle de cet adage populaire selon lequel une nombreuse descendance est une assurance retraite ! Toucher aux droits sociaux de la retraite aujour - d'hui, c'est toucher à ce droit collectif, cette forme de pro- priété qui est un signe de progrès social. On notera que la remise en cause, aujourd'hui, dans un pays comme la France, de ce droit, se fait pré - cisément en suggérant que, dorénavant, il faut passer à la retraite par….capitalisation. Outre que cela va alimenter clairement les circuits de la spéculation financière (les fameux fonds de pension dont la nocivité n'est plus à démontrer dans la crise mondiali- sée du capitalisme), il s'agit d'une régression de près de deux siècles de luttes sociales.

On tirera deux conséquences politiques importantes de cette analyse. La nécessité d'un combat idéologique constant pour démonter les mécanismes de l'idéologie dominante d'une part et la nécessité de rappeler sans cesse l'histoire des luttes pour les droits sociaux d'autre part. Ces deux constatations se rejoignent pour réaffirmer la nécessité d'un Parti Communiste actif et combattif au quotidien, comme garantie de mener sur le long terme cette guerre de position, selon les mots de Gransci.