A peine sortie de la deuxième guerre mondiale, la France reprend ses tueries coloniales outre-mer

“Il faudrait d'abord étudier com- ment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l'a- brutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral et à montrer que, chaque fois qu'il y a eu au Vietnam une tête coupée et un œil crevé et qu'en France on accepte une fillette violée et qu'en France on accepte, un Malgache supplicié et qu'en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s'opère, une gangrène qui s'installe, un foyer d'infection qui s'étend et qu'au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitivestolérées, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y le poison instillé dans les veines de l'Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l'ensauvagement du continent.”Aimé Césaire

Autoproclamée experte es-quali- té en matière de “respect” des Droits de l'homme, auteur par ailleurs de l'amoncellement du plus gros tas de cadavres humains de l'histoire de l'humanité, l'Europe occidentale, l'un des plus solides piliers du capitalisme mondialisé, fait feu de tous bois, après avoir atteint un horizon indépassable en matière d'hypocrisie, et d'indignation à géométrie variable. Parée de “vertus” plus que douteuses, elle fait tout de même la leçon au Mali, à la Libye, à la Syrie, au Cambodge, à la terre entière quoi... Les monstruosités vécues au cours de la dernière guerre mondiale, dont la terrible Shoah, n'ont contribué ni à son éducation, ni à son humanisation. Les peuples non européens sont toujours dans son collimateur. Au diable les Droits de l'homme, le droit des peuples à disposer d'euxmêmes, colonisation oblige ! Enfumages, massacres, tortures sont planifiés avec une froide cruauté. Les monstruosités commises plus tard par Hitler et son 3e Reich ne sont en définitive que des héritières directes des mons- truosités coloniales. Cet “ensau- vagement” du continent euro- péen s'abreuve aux mêmes sour- ces : “le racisme, la haine de l'indigène, la haine du colonisé”, comme le disait Aimé Césaire. A peine sortie des af fres de la deuxième guerre mondiale, l'Europe, la France, reprennent les tueries Outre-mer . Afin de célébrer la chute de l'Allemagne nazie, le 8 mai 1945, les amis de Ferhat Abbas (1) orga - nisent un défilé à Sétif en Algérie. En tête, les drapeaux alliés. Soudain des pancartes et dra - peaux algériens apparaissent por - tant ces slogans : “V ive l'Algérie libre et indépendante”, “A bas le colonialisme.” Un porteur de pancarte est abattu par un policier français. Cela déclenche une émeute qui sera suivie d'une atroce répression. Bilan : 10 000 victimes, 5 400 arrestations, 151 condamnations à mort. Kateb Yacine (2) l'écrivain algérien aujourd'hui décédé, est âgé de 16 ans. Témoin oculaire de ces massacres, il témoignage : “On voyait des cadavres partout, dans toutes les rues... La répres - sion était aveugle ; c'était un grand massacre.” Un autre témoin déclare à Henri Allègre (3) : “Les légionnaires pre - naient les nourrissons par les pieds, les faisaient tournoyer et les jetaient contre les parois de pierre où leurs chairs s'épar - pillaient sur les rochers.” (4)Le 29 mars 1947, la France coloniale s'oppose violemment à la reven - dication d'indépendance de Madagascar . Bilan, 20 000 morts. Au nombre des atrocités commi - ses par l'armée française, signa - lons que de jeunes malgaches étaient embarqués, puis jetés dans le vide, du haut des avions et des hélicoptères où ils avaient été contraints de monter. Nazies ou françaises, les atrocités commises n'ont pas de patrie. Elles sont toutes du même acabit, elles se ressemblent toutes, se valent toutes : dégueulasses ! La France vaincue, défaite, largement tributaire du fameux “Plan Marshall (5) à partir de 1948, a viscéralement besoin de toutes ses colonies, de l'ensemble de son empire colonial, baptisé par un euphémisme outrancier : “Union française.” Ce qui signifie une démarche volontaire, une adhé- sion consentie à un ensemble où les intérêts sont mutuels, les échanges acceptés d'un com- mun accord. Tel n'est pas le cas ! La France a besoin des bras, des jambes, de la matière grise de ses colonies. La France a besoin des matières premières abondantes, variées de son immense empire colonial sur lequel “le soleil ne se couche jamais...” Par ces temps de nécessaire et rapide reconstruction de la France dans tous les domaines, il n'est pas question de céder à la moindre velléité d'indépendance, à la plus infime revendication nationale, patriotique, de l'une quelconque de ses colonies. Le Général de Gaulle lui-même en avait donné l'ordre. Evidemment, la lutte de libé - ration nationale et sociale confinera à un passé révolu, toutes les prétentions des nations colonisatrices dont la France, de vouloir mainteniréte rnellement, sous domination, contre leur gré, des peuples, des nations aspirant à se débarrasser du joug colonial. Il est vrai que quelques “confet- tis”, dont la Guadeloupe demeurent. “Confettis” comme les dénommait de manière méprisante, un certain Philippe de Baleine, qui les qualifiait de “Danseuses de la France.” Il faudra bien un jour les décolo- niser. En dépit de l'exiguïté de leurs territoires, la faiblesse numérique de leurs peuples, il n'en est pas moins vrai que ces dernières colonies de la France n'acceptent pas cette situation. Elles se battent, luttent, défendent leur dignité avec les moyens adaptés à leur situation particulière.



(1) Homme politique et nationaliste algérien, pre- mier chef d'Etat de l'Algérie libre
(2) Kateb Yacine, auteur notamment du livre : “Le polygone étoilé”
(3) Auteur du livre : “ La Question”, porté à l'écran par Laurent Heynemann
(4) Rapporté par Jacques Morel dans son livre: “Calendrier des crimes de la France Outre-mer , et par Rachid Mekhaled dans le livre : “Chronique d'un massacre, 8 mai 1945, Sétif, Guelma, Kerrata”
(5) Le 5 juin 1947, le général américain, George Marshall concocte un “programme de reconstruc - tion européenne”, à la fin de la 2è guerre mon- diale, plus connu sous le vocable “Plan Marshall” et dont dépendait en grande partie, la reconstruction de la France.