Hommage à Solitude

Le dimanche 24 novembre 2013,un vibrant hommage a été rendu à la Mulâtresse Solitude à «l'Espace Réconciliation Fondal ka» de la commune de Petit-Canal.

P our l'occasion, plusieurs centaines de Guadelou- péens ont répondu à l'invi- tation. Au cours du débat qui a eu lieu sous le chapiteau central, M. Luc Reinette membre diri- geant du CIPN, a mis l'accent sur les deux positions qu'a eu Victor Schœlcher s'agissant du maintienen esclavage de l'homme noir. Dans un premier temps Victor Schœlcher a écrit qu'il était opposé à l'abolition du fouet sans lequel les maîtres ne pourront se faire respecter. Après, il a évolué quand il est devenu Ministre de la marine, il a œuvré pour l'abolition de l'esclavage. Les participants à cette journée commémorative se sont installés en cercle sous le chapiteau principal autour de M. Luc Reinette qui a joué le rôle de l'historien. Il y eu beaucoup d'échanges, beaucoup des questions ont été posées dont certaines sont res - tées sans réponses. Après le débat qui s'est avéré très intéressant, c'est M. Serge-Bruno Martel qui a présenté deux poè- mes forts d'émotion en hommage à la grande dame Solitude

. De même, M'Bitako a lu un passage de son dernier recueil pour saluer celle qui a joué un grand rôle dans la révolte mais qui est restée dans l'ombre des lettres de l'épopée. Le groupe culturel «Lanmou fanm ka» a fait mousser le sang des participants au son du ka. Le programme s'est poursuivi avec la contribution de M. Didace Gotin qui a chanté pour Solitude un chant qu'il a composé pour sa mère. Ensuite, Mme Marie-Line Dahomay a chanté en entrainant le public au rythme de «Matouba zétincel». Le groupe Kamodjaka a pris le relais avec une prestation chorégraphique formidable. La prestation a eu lieu en plein air au beau milieu de l'Espace. Ils ont installé au sol, sept ka qui représentent les sept rythmes du gwoka : lewoz, graj, kaladja, mendé, padjenbel, woulé et toumblak. Les sept ka ont laissé sortir de leurs entrailles sept dif férents sons. Sept femmes enceintes (Elodie, Léticia, Adéline, Kloé, Séphora, Stéphanie et fély) à l'i - mage de Solitude ont présenté une chorégraphie intitulée «Manman rèbèl». Le groupe Kamodjaka fort applaudi par le public a fait une belle prestation pour honorer dignement la mémoire de Solitude. L'hommage rendu à Solitude va contribuer à réparer une faille de notre mémoire collec - tive. Les organisateurs devraient collecter tout ce qui est fait autour de la Grande Dame pour lui éditer son propre recueil. Gageons que Solitude sorte de l'ombre comme le furent en leur temps, Delgrès et Ignace ses compagnons de combat.

Pour être mieux informé sur le déroulement de la journée commémorative,le journal Nouvelles-Etincelles a donné la parole à M.Luc Reinette membre du CIPN (Comité International des Peuple Noirs) qui nous a dit un peu plus sur la manifestation.

Nouvelles-Etincelles : Quel enseignement tirez-vous de cette journée ? Luc Reinette :

Il y a des Guadeloupéens qui sont très intéressés par l'histoire de la Guadeloupe à travers Solitude. La manifestation a commencé par des témoignages, il y avait des chants im

provisés. Mme Marie-Line Dahomay a présenté un chant qui a séduit le public présent, de même que celui de M. Didace Gotin. Dans l'après-midi, nous étions dans un débat qui effectivement portait sur la mulâtresse Solitude, nous ne pouvions pas parler d'elle sans la resituer dans le contexte de l'é- poque de 1794, date de la 1ère abolition. Il faut faire le distinguo entre l'abolition de 1794, cinq années après la Révolution françai - se de 1789 et 1848 qui était une négociation entre les Français qui calculaient le prix de chaque nègre acheté dans le cadre d'une transac - tion. C'était important pour que les Guadeloupéens comprennent qu'en Guadeloupe, nous avons eu deux abolitions de l'esclavage, contrairement aux Martiniquais qui n'ont eu qu'une seule. Ensuite, nous avons rappelé la guerre de Guadeloupe. Depuis l'arrivée de Richepance, le 8 mai 1802 à Pointeà-Pitre jusqu'à la fin de Delgrès le 28 mai 1802, entre temps, nous notons deux apparitions remarquées de Solitude, l'une au niveau du poste de Dolé de la commune de Gourbeyre, le 10 mai et l'autre le 22 mai toujours à Dolé. Ignace a fait un premier voyage en Direction de Basse-Terre pour rejoindre Delgrès et ensuite il est reparti du Fort Saint-Charles, aujourd'hui devenu Fort Delgrès, pour essayer de tenir position à Pointe-à-Pitre. C'est dans ces deux allées et retours que nous parlons de Solitude. Nous nous sommes rendu compte qu'il y a peu d'écrits sur Solitude. Ce que nous devons retenir, c'est que Solitude demeure le symbole des femmes de Guadeloupe qui se sont illustrées durant les derniers combats notamment ceux de Basse-T erre entre Français et Guadeloupéens. Quelque part nous sommes les héritiers, les enfants descendants de Solitude. C'est-à-dire que nous sommes porteurs d'un message, d'un testament, nous devons poursuivre le combat jusqu'à ce que nous soyons libérés.

NET : Pensera t-on à Solitude le 8 mars, à l'occasion de la journée internationale de la femme ? LR :

D'ores et déjà, je peux répon- dre oui. Je peux dire également que nous nous rendons compte que le nom de Solitude a déjà dépassé les frontières de la Guadeloupe. Je suis agréablement surpris et satisfait puisqu'il y a des gens qui ne connaissent pas la Guadeloupe et qui connaissent le nom de Solitude. Elle est devenue un symbole pour notre peuple, de renommée inter- nationale. Quand on parle des fem- mes qui ont marqué l'histoire, on pense à elle. La proposition faite par le mouvement féministe français de son entrée au Panthéon en est une preuve. Ce qui est remarquable, c'est qu'alors qu'il n'y avait aucun espoir, Solitude, après Delgrès, après Ignace et tant d'autres, est allée jus- qu'au sacrifice de sa vie pour défen- dre la cause de la liberté. Aujourd'hui, le peuple guadeloupéen se reconnait en elle. Il y a des Français qui approuvent la justesse de la lutte qu'elle a menée car le système est injus - te. Donc, quelque part, quand on est convaincu que le combat qu'on mène est fondamentalement juste, rien ne doit vous faire abandonner et c'est quelque part un message pour notre peuple. D'aucuns prétendent que ceux qui veulent changer la situation actuelle de la Guadeloupe sont minoritaires, peut-être qu'ils ont raison. Pour tous les mal- heurs qui surgissent aujourd'hui en Guadeloupe, il ne faut pas chercher plus loin les causes.

BA YLAVWA A SOLITID

Fanm Gwadloup o, doubout ! Doubout pou pé goumé !Doubout pou zòt défann kòz aladinyité !Doubout pou zòt défann wòz alalibèté !Doubout, doubout, doubout, paszafè la mélé !

Fanm Gwadloup o, doubout ! Doubout oka, tandé !Doubout zòt pou lagé on konbabyen bandé,Davwa Richpans ka vin kon zonbianrajé Pou fann jakèt an nou jistan noutout tonbé !

Fanm Gwadloup o, doubout ! Apa lè a tchansé !Jou rivé pou nou fè tout linivè savéKè nou pa zannimo k'enn viré woujouké,É kè nou mérité lonnè épi rèspé !

Fanm Gwadloup o, doubout ! Doubout pou zòt sovéLibèté andanjé yo bizwen vin rachéKonsidiré sété'é on toupi nou prété,É kè té'é fò nou rann pas mèt a'yté'é mandé !

Fanm Gwadloup o, doubout ! Doubout dwèt kon gonmyéByen choukan'an tè Gwadloup kiparé pou défyé Tout siklòn é loraj méchansté té'évoyé Pou té'é kalbandé yo an labou éhazyé !

Fanm Gwadloup o, doubout ! Doubout pou ay ponnyéT ousa'y pé chiktayé, démonté ou pèsé, É si zòt pa touvé, toujou rété sonjé Tigrès dézèspéré ka granfinyé'é mòdé !

Fanm Gwadloup o, doubout ! Doubout pou pwotéjé Vi a pitit a zòt dyab ochan èskenté, Pwòp san a san a zòt yo bizwen fè tijé,Konsidiré zò té'é pé vwè sa sangouyé !

Fanm Gwadloup o, doubout, é ay goumé kotéGason é nonm a zòt, ki paré sakrifyéDènyé gout san a yo pou zòt paanchenné,Padavwa yo ni tchè é konnèt ka'yenmé !

Fanm Gwadloup o, doubout ! Mi lènmi ka pwoché !Doubout, manman, doubout !Lévé, sèsè, lévé ! Yo èché gawoulé ? Ében, yo ké touvé ! Annou fè yo gouté flanm a fanmchaltouné !

Yo ké masakré nou, men nou pé'é jan tchoulé ! Yo ké chiktayé nou, men nou pé'é jan kouché,Pas nou pa chyen kouchan mèt ayo ka souflé,É Listwa ké sonjé kè sé lib nou tonbé !

Bruno-Serge Martel