Régionales : Ce qui se trame

Dans en viron 120 jours, les Guadeloupéens seront appe - lés aux urnes pour élire l’Exécutif de la Région.Cette élection interviendra dans un climat particulier.À droite àgauche, et ailleurs,ça carbure,car,partout,on souhaite mettre un terme à l’expérience L ur el. P ourquoi le loc ataire du P alais régional de P etit Paris suscite-t-il tant de désamour ? Peut -il se succéder à lui-même ? Qui veut la peau de «Toto» et pourquoi ? Politoscopie d’une élection jouée d’avance où tous les coups bas sont permis…

GILLOT RASSURÉ ?

Frédéric Jalton, le dernier poids lourds du PS est bien mort, mais Dominique Larifla, qui n’hésita pas à le trahir jadis, est loin d’a- voir un pied dans la tombe. L ’hebdomadaire «Sept Mag» dis - ait il y a peu, qu’il était un faiseur de rois. C’est vrai qu'il a large - ment contribué à scier la branche sur laquelle Ary Broussillon, l’ex- maire de Petit-Bourg se croyait installé pour longtemps. Mais, doit-on croire que la capacité de nuisance de Larifla à sa propre famille politique soit encore intacte ? Jacques Gillot, son cousin, qui aurait pu être son dauphin, vient par calcul, de marquer sa différence. Il a choisi de rester dans le camp de Victorin Lurel. Sauf accident, les deux hommes qui sont à la tête des deux «assemblées majeures» devraient faire cause commune en mars 2010. Il est vrai qu’entre une néo-trahison en mode Larifla et une amitié ka w vlé fè de Lurel, Gillot n’avait guère de choix, surtout s’il sou- haite garder son poste de séna- teur. Car, Gillot sait parfaitement que l’assemblée unique n’est plus tout à fait une arlésienne. Le gouvernement Sarkozy, dans le cadre électoraliste de sa réfor- me de modernisation des institutions françaises, peut changer la donne avant 2012. Donc Gillot, prudent, a préféré pren- dre «son pain au premier boulanger». Il est ainsi rassuré sur son avenir… proche.

L’ERREUR DE JALTON

Éric Jalton, lui, va jouer son va tout. Après avoir longtemps hésité, il semble bien qu’il ait pris la décision d’affronter son alter Toto. Pendant des semaines, l’homme a douté. D’abord, il y a eu la gros- se erreur de com’ faite en donnant à Daniel Marsin l’occasion de se refaire une santé, quand au mois de juillet, ce dernier dans une interview dans le quotidien Hersant, laissait entendre que la guéguerre entre les deux leaders des Abymes était achevée. Plus qu’une erreur de com’, c’est une erreur politique que Jalton a commise. L ’électorat bipolarisé des Abymes lui a fait la démons - tration en s’abstenant massive- ment lors du premier tour des cantonales. Éric Jalton qui espérait une victoire éclatante de Chantal Lerus a dû déchanter. Il est intéressant de noter que Lurel s’est montré très discret lors de cette partielle. On croyait qu’il soutenait Alix Nabjoth, en réalité, Lurel a machiavéliquement laissé faire. Car, une victoire de Nabajoth, qu’on a souvent pré- senté comme son candidat, n’au- rait fait que remonter encore d’avantage Jalton. D’ailleurs, Lurel depuis quelque temps, a envoyé quelques signaux en direction du maire des Abymes, histoire de calmer le jeu.

PHILIPE CHAULET SÉNATEUR ?

À l’autre extrémité du pays, Lurel dans son propre fief, la Côte- Sous-le-Vent, veut «en finir» avec Jean-Claude Malo. L’ex-président de l’Association des maires, a déjà annoncé qu’il est prêt à faire cause commune avec Jalton. C’est d’ailleurs pour Malo une question de survie politique. Car, une alliance même passive entre Lurel et Philippe Chaulet, signifierait le retour de ce dernier à la mairie de Bouillante Mais, les choses sont encore plus complexes, LMC qui va sans doute quitter la scène politique, atteint par la limite d’âge, voudrait bien que sa fille «hérite» de la mairie et peut-être, à terme, de son mandat de sénatrice. Cela ne sera pas possible, en tout cas pas pour cette fois. Lurel, dit-on, dans son propre entourage, verrait bien Chaulet au Sénat, histoire de damner le pion à LMC et tenir Philippe Chaulet éloigné du poste de député. Ainsi, dans tous les cas de figures, Malo est sacrifié, il doit donc sortir du bois s’il veut sauver sa tête. Un parcours avec Jalton lui garantirait au moins un poste à la Région. À l’autre bout de la gauche, le regroupement appelé «Alterna- tive», initié par José Toribio et quelques autres éléments de la gauche non-lureliste, n’a pas encore réellement trouvé son ancrage, ni même sa tête de liste. C’est à suivre.

LMC POLITIQUEMENT DÉMUNIE ?

Reste la droite. Véritable casse- tête pour les instances parisiennes qui semblent se désintéresser de cet imbroglio d’une rare complexité. À qui la faute ? Il faut se rappeler qu’en 1999, quand LMC signe la déclaration de Basse- Terre, elle cadenasse bien la droite. Objectif Guadeloupe, groupe politique à géométrie variable, RPR en France, n’hésite pas à faire un bout de chemin avec les nationalistes. LMC qui rêvait d’être un jour présidente de la Guadeloupe fait le grand écart. Elle est aussi signataire d’un » projet guadeloupéen, » soutenu par l’UPLG, le KLNG, le PCG, des partis qui n’ont jamais caché leur désir de voir la Guadeloupe «kaskod asi fwansé». Mal comprise et peu soutenue dans son propre camp, LMC perd coup sur coup référendum (2003) et Régionales (2004). C’est le début de sa fin. Objectif Guadeloupe qui avait essayé d’être un vrai parti redevient un groupuscule, et LMC qui a «tué» tous ceux qui pourraient lui faire de l’ombre : Bernier, Laguerre, Chaulet, Beaugendre, se brouille enfin avec Gabrielle Louis- Carabin, qui souhaitait prendre la direction d’Objectif Guadeloupe. Cette guéguerre, interminable, mine le camp de la droite qui explose. La création d’une section UMP en Guadeloupe ne fait qu’attiser les tensions. Aujourd’hui que Carabin a quitté le parti sarkozien et que Chaulet, qui a depuis longtemps «lâché» LMC, le préside. On sent bien que la dame de fer est politiquement démunie. Sa fille, bien que sarkozienne pur sucre, a bien tenté de venger maman, mais, la gifle infligée par le Sénat sur la ques- tion du RSTA vient de renvoyer Marie-Luce Penchard dans les cordes. Elle peut toujours tenter d’aller aux Régionales, mais, son handicap est sérieux. Toute Ministre qu’elle est, MLP n’est plus crédible, ni à droite, ni à gauche, et encore moins du côté du LKP.

LKP : LIREL KÉ PED ?

Sur le papier, la droite a sans doute déjà perdu les Régionales. Que reste-t-il ? Un Lurel en pôle position ? Mais Larifla, Jenny Marc, Dorville, adversaires féro- ces du président de Région, souhaitent lui faire un mauvais coup. La question des alliances se pose avec acuité : qui ira avec qui ? Le PCG vient de se prononcer, mais rien n’est encore joué. Tout sauf Lurel ? Tous contre Lurel ? Curieusement, Sarkozy, qui a bien compris que la droite UMP Guadeloupe ne peut rien pour lui, souhaite sans doute que Lurel soit maintenu à la Région. En Martinique d’ailleurs, le référendum du 74, réclamé par Alfred Marie-Jeanne est loin d’être gagné. Sarkozy pousse aussi ses pions, car il sait que l’ascenseur lui reviendra aux Présidentielles. À quelques mois de la grosse inconnue, c’est encore le LKP. Le groupe «politico-syndical» dont Domota est le leader, ne s’est pas encore vraiment prononcé. Mais, on commence à se rendre compte qu’il peut peser lourd. Les dernières manifs ont montré qu’il est encore capable de mobiliser. LKP va-t-il peser dans la balance ? LKP veut-il la peau de Lurel ? Jalton l’espère, Lurel le redoute, LMC en rêve… Au cours des prochaines semaines les éventuelles hausses du carburant, la réaction populaire seront un bon indicateur. Si la contestation de la rue reprend avec force, les Régionales connaîtront un singulier destin. Mais, comme l’a dit Domota en sou- riant lors d’une récente conférence de presse : An nou atann jan- vyé. nou ké vwè…!