En Afrique du Sud Le syndicat des métallos veut remettre le Parti communiste sur les rails de la lutte de classes !

Du 17 au 20 décembre, le congrès de la NUMSA (Syndicat national des métallurgistes) a été au centre de toutes les attentions :serait-ce la fin de l'alliance tri-partite issue de l'apartheid ? Le syndicat allait-il répudier l'ANC,quitter la COSA- TU,s'éloigner du Parti communiste ?

NUMSA est une force. A vec 330 000 adhérents, c'est un syndicat en plein essor (30 000 syndiqués de plus en un an), le plus important de la COSATU qui organise un secteur aussi combatif que stratégique dans un pays qui dépend largement de ses exportations sidérurgiques.

NUMSA est aussi un syndicat qui revendique fièrement sa nature révolutionnaire, son adhésion au marxisme-léninisme et sa perspective : l'organisation de la classe ouvrière pour assurer la transition vers le socialisme.

NUMSA est enfin le syndicat qui est allé le plus loin dans la critique de la politique néolibérale de l'ANC. Ce qui était mis à la discussion lors de ce congrès, pour la première fois, c'était la possibilité qu'un syndicat de la COSATU ne soutienne pas l'ANC pour les élections de 2014.

Au-delà des raccourcis relayés dans la presse, l'analyse du syndicat dévoilée lors de ce congrès révèle une analyse de classe juste de la réalité sud-africaine, des faillites de ses partenaires historiques mais aussi des lignes d'action conséquentes, ne laissant aucun espace à l'ennemi de classe

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QUELLE ANALYSE DE CLASSE 20 ANS APRÈS LA FIN DE L'APARTHEID ?

Où en est l'Afrique du sud, au lendemain de la mort de Mandela, vingt ans après la fin de l'apartheid ? Pour NUMSA, le régime d'apartheid est encore vivace, il survit sur la base du système capitaliste hérité et d'une alliance entre une vieille bourgeoisie blanche et une nouvelle noire.

NUMSA reprend l'analyse historique du Parti communiste, celle de la survivance d'un « colonialisme d'un type spécial».

Premièrement, l'alliance entre bourgeoisie noire et blanche estmanifeste.

Une nouvelle bourgeoisie a su utiliser le pouvoir politique pour accéder à des leviers de commande économiques (c'est le programme « Black economic empowerment ») ou négocier des contrats publics, sur une base de corruption (les «tenderpreneurs», patrons vivant des contrats publics).

La vieille bourgeoisie blanche, elle, n'a pas lâché les commandes du «complexe minier énergétique-financier», comme l'appelle NUMSA, cœur du pouvoir économique. Aujourd'hui encore 75% des positions supérieures de l'économie sont occupées par des blancs.

Deuxièmement, l'économie sudafricaine est encore largement une économie de type coloniale. Elle dépend largement des exportations de matières premières. Les mines, l'acier et la pétrochimie représentent 70% des exportations du pays. Dans le même temps, l'embryon d'industrie manufacturière a été démantelé, l'agriculture peine à assurer la subsistance de son propre peuple (25 % des Sud-africains sont sous la menace de la faim), faute d'une réforme agraire jamais actée : seules 10 % des terres promises ont été restituées.

Troisièmement, la majorité vit encore dans des conditionsmi-sérables.

LE PARTI COMMUNISTE, TOUJOURS LE PARTI DE RÉFÉRENCE … MALGRÉ LES DERNIÈRES INFLEXIONS ET FRICTIONS

Historiquement, le syndicat a été très proche des communistes. Pourtant, depuis un an, la situation s'est dégradée, au point d'alimenter un débat public virant à l'invective. Une poignée de dirigeants du Parti communiste, désormais installés dans des postes gouvernementaux, ont dénoncé dans les dirigeants du syndicat des «traîtres», tandis que les syndicalistes voyaient les dirigeants du SACP comme «co-optés» par l'ANC. Le Congrès a remis les choses à leur place, réaf firmant des principes forts tout en partageant une analysecritique, relativement lucide.

Pour le syndicat des métallos, le SACP subit une infiltration par des éléments opportunistes de l'ANC, qui tentent de prendre le contrôle de l'appareil du parti, tout en l'intégrant à l'appareil d'Etat à tous les niveaux - d'abord dans les instances gouvernementales.

Le résultat, depuis quelques années, c'est que le SACP est privé de toute perspective révolutionnaire, refuse de plus en plus de poser la question centrale de la propriété et joue de moins en moins un rôle actif pour mener les campagnes de masse en faveur de la classe ouvrière.

Les critiques de NUMSA envers certains dirigeants du SACP - et non envers le parti - a conduit ces derniers à des réactions d'une violence extrême, le secrétaire-général (et ministre) du Parti appelant même à «nettoyer» le syndicat de ses éléments gauchistes.

NUMSA renie-t-il sa relation spéciale avec le SACP ?Pas le moins du monde. Pour le syndicat, le Parti communiste reste le parti d'avant-garde de la classe ouvrière, le seul à pouvoir mener une transformation révolutionnaire socialiste en Afrique du sud.

Certains poussent le syndicat à créer un nouveau «parti ouvrier». Pour l'instant, NUMSA encourage l'adhésion au Parti communiste, envisage la reconquête de classe du parti, sans négliger les autresalternatives.

Car , avec lucidité, le syndicat a conscience de l'agenda opportuniste de certains leaders populistes qui visent à créer une autre organisation, à côté de l'ANC et du Parti communiste.

Ainsi, les «Combattants pour la liberté économique» (EFF en anglais) menés par Julis Malema, semblent sur le papier sur des positions révolutionnaires, marxistes et anti-capitalistes.

Or, NUMSA relève les ambiguïtés des positions de fond la proposition de nationalisations sans contrôle ouvrier , le refus de s'engager dans la perspective du socialisme - et rappelle que ses dirigeants sont des «businessman», souvent liés au milieu des «tenderpreneurs», Julius Malema le premier d'entre eux, lui ancien chef de la branche jeunesse de l'ANC.

Pour le syndicat, priorité à la reconquête du Parti communiste, pas de flirt avec les démagogues de EFF, bien que - si la situation continue à se dégrader avec les dirigeants de l'ANC - rien n'est écarté.

LA LIGNE DU SYNDICA T : ANIMER LES LUTTES, POUSSER POUR DES NATIONALISATIONS, RECONQUÉ- RIR UN « BLOC DE CLASSE »

Quelles perspectives dresse le syndicat des métallos à l'horizon 2014 ?

D'abord, continuer à animer les luttes. Le syndicat des métallos est sans doute le plus combatif en Afrique du sud. Le secteur de la sidérurgie avait connu une grande grève à l'été 2011. Cet été, c'est l'automobile qui a été touchée par une vague de grèves.

La priorité immédiate : augmenter les salaires, lutter contre la précarité (« les labour brokers »), contre la privatisation du patrimoine public et la poursuite de la ségrégation urbaine avec le «etolling».

Ensuite, pousser pour mettre les nationalisations à l'ordre du jour.

C'est l'idée fixe de NUMSA, la ligne de fracture entre «révolutionnaires » et « réformistes». Appliquer la Charte de la Liberté, nationaliser la grande industrie et les banques, impulser une politique de réindustrialisation et de redistribution massive des richesses.

A noter que NUMSA insiste sur le terme même de « nationalisation », de reconquête des grands secteurs de la nation au profit du peuple, et non d'une vague «socialisation», aux contours flous.

Enfin, reconquérir un «bloc de classe révolutionnaire». C'est le sens de la ligne adoptée finalement vis-à-vis de l'ANC, de laCOSA TU et du Parti communiste, malgré des tensions extrêmes.

Pas de rupture de l'alliance, pas de scission mais pas non plus un blanc-seing a-critique au nom de l' «unité» : le syndicat des métallos s'engage comme force d'impulsion dans la reconquête des organisations révolutionnair es, de classe en Afrique du sud : la COSA TU et le Parti commun iste

Source : ptb