Pourquoi s’acharnent-ils sur Dieudonné ?

Nous avons choisi de publier cette lettre ouverte de trois avocats martiniquais à la Ministre de la Justice Taubira non pas parce que nous prenons position pour l'humoriste Dieudonné qui, à notre connaissance, ne partage pas notre vision d'une société socialiste et communiste, malgré ses professions de foi anti-impérialistes et anticolonialistes. Nous ne le faisons pas non plus parce qu'il est un métis, français d'ailleurs. Beaucoup de ses opposants reconnaissent en lui un humoriste de talents. Nous ne connaissons rien de ses œuvres. Nous portons cette lettre à la connaissance de nos lecteurs parce qu'à travers les questions directes posées à Madame Taubira, elle pose les vrais problèmes d'une société française prisonnière de son passé raciste et esclavagiste.Car , la façon dont ont été traitées les attaques racistes et xénophobes dont a été victime la Ministre de la Justice française, parce que noire et descendante d'esclaves, par la classe politique et les médias français, et l'acharnement qu'ils mettent à poursuivre Dieudonné qu'ils accusent de racisme et d'antisémitisme, sont plus que suspectes. L'engagement du Ministre de l'Intérieur Manuel Valls et sa détermination à «liquider» Dieudonné expriment l'essence de la politique de la Nation française de ne pas reconnaître sa responsabilité dans les crimes de l'esclavage des nègres. Par la même occasion, dans une France en crise, le pouvoir se livre à une opération de diversion en tentant de présenter Dieudonné comme l'ennemi, la menace intérieure, pour détourner l'attention des Français et masquer l'échec de sa politique. L'histoire récente en Europe nous a déjà montré la finalité de cette pratique de diabolisation.

LETTRE OUVER TE A MADAME CHRISTIANE T AUBIRA, MINISTRE DE LA JUSTICE À PROPOS DE L'AFFAIRE DIEUDONNÉ

Madame,

Nous avons pris connaissance avec consternation et une profonde indignation de vos diverses réactions concernant l'humoriste Dieudonné. Vous avez dit entre autre : «Le racisme et l'antisémitisme sont des délits, qui souvent mènent au crime... Parce que lorsqu'on commence ce jeu pervers et nauséabond, ça commence par des différences visibles et ça finit par des différences imaginaires. Ça commence par des ricanements et ça finit par des meurtres isolés ou en série... un pitoyable bouf fon spécule davantage sur les dividendes d'un scandale que sur les risques judiciaires. Ces provocations putrides testent la société, sa santé mentale, sa solidité éthique, sa vigilance. Il nous faut y répondre». Selon vous cette affaire n'est «pas que judiciaire mais aussi politique», «désinvolture», et pour cela vous exigez «une réaction à la hauteur du danger». Pour vous «Sanctionner Dieudonné est indispensable mais ne suffira pas». Des propos aussi radicaux, fermes et engagés contre le racisme antisémite que Dieudonné est supposé incarner , nous amènent à nous interroger et à vous interroger. Mme T aubira, où étiez-vous, le 05 février 2013 lorsque la Cour de cassation française a rendu un arrêt par lequel la France, pays du Code noir, prétend une fois de plus expulser les Noirs de l'Humanité ? Peut-être avez-vous oublié qu'en 2001, alors que vous étiez député à l'Assemblée nationale de la France, vous avez été le rapporteur de la loi qui reconnaissait que la traite et l'esclavage des Noirs constituaient un crime contre l'humanité. Nous parlons de cette loi à l'imparfait car elle ne serait plus, les juges français prétendant en faire une coquille vide. Il semble en ef fet impossible que vous ignoriez qu'en 2013, alors que vous étiez déjà Ministre de la justice de l'Etat français, (le même qui a organisé, pratiqué et profité de ces crimes contre les Noirs), la plus haute juridiction de ce pays rendait un arrêt disant que cette loi n'a aucune portée normative.

La France a de nouveau of ficiellement érigé le principe que votre peuple ne peut bénéficier d'une norme protégeant leur dignité humaine et que le texte que vous avez porté est sans valeur. En clair cela veut dire que les crimes contre l'humanité ne peuvent être constitués -lorsque les victimes sont des Noirs. Ou en termes encore plus clairs, que les Noirs ne font pas partie de l'humanité. Où étiez-vous, Mme Taubira, le 05 février 2013 lorsque la Cour de cassation française, dont vous êtes le Ministre de tutelle, a rendu cette décision immonde ? Quelle a été votre réaction face à une telle immonderie ? Avez-vous considéré que par « Ces provocations putrides » les juges français ont testé «la société, sa santé mentale, sa solidité éthique, sa vigilance...» à l'égard des Noirs? Avez-vous considéré qu'«il nous faut y répondre» ? Avez-vous considéré que cette décision ouvertement négrophobe n'était «pas que judiciaire mais politique» et nécessitait «une réaction à la hauteur du danger» ? Qu'avez-vous fait contre «ce jeu pervers et nauséabond» des juges français qui utilisent leurs pouvoirs à des fins racistes négrophobes. Qu'avez-vous répondu, Mme Taubira, à ces juges français racistes négrophobes, négationnistes, injurieux et qui, à l'inverse de Dieudonné, ne sont pas drôles ?RIEN ! ABSOLUMENT RIEN !

Votre silence a abasourdi ceux de votre peuple ! Votre impassibilité nous a désarmés ! Notre incompréhension était si grande que nous vous avons adressé une lettre ouverte pour vous demander de défendre «ce droit au respect des descendants des crimes contre l'humanité que vous avez contribué à faire reconnaître». Qu'avez-vous répondu à cette lettre?

RIEN ! ABSOLUMENT RIEN ! Quelques mois après l'immondice de la cour de cassation, vous étiez personnellement comparée à un singe, d'abord par une femme française qui préférerait vous voir dans un arbre plutôt qu'au gouvernement, puis par une enfant française qui proposait une banane à la guenon en vous désignant, et enfin par un journal français qui vous trouve “maligne comme un singe”

. Le ministre français de l'intérieur, avait affirmé gue le gouvernement étudiait “les moyens d'agir contre la dif fusion”dudit journal, à paraître. “Nous ne pouvons pas laisser passer cela”, avait-il déclaré en marge du colloque à l'Assemblée nationale sur les réponses à apporter face à la montée du Front national. Cependant, le journal comportant des propos racistes négrophobes à votre encontre a été diffusé tout à fait librement et normalement, aucune circulaire du ministre de l'intérieur français ne l'ayant interdit. Il est vrai que, présente vous-même au même colloque, vous aviez indiqué ne pas souhaiter réagir. Mais enfin, étant personnellement visée par cette flambée de racisme négrophobe dirigée contre votre personne, il vous fallait bien réagir. Quand même ! Alors, face à ces propos selon vos propres termes «d'une extrême violence» qui «prétendent m'expulser de la famille humaine, dénient mon appartenance à l'espèce humaine», vous avez répondu : «J'encaisse le choc, mais c'est violent pour mes enfants», et vous avez catégoriquement refusé de poursuivre en justice les racistes négrophobes en raison dites-vous d'«une dignité assumée que je tiens des nombreux soutiens que j'ai reçus». Que les juges français disent que les Noirs n'ont pas droit au respect de la dignité humaine cela vous laisse de marbre, que l'on vous « expulse» personnellement « de la famille humaine» cela suscite à peine de votre part une réaction tardive et timide, bien vite effacée par le soutien de quelques uns de vos bons amis blancs. Oui, de toute évidence, Madame T aubira le racisme négrophobe vous indiffère. Mais que l'on dénonce les dérives de ceux qui se prétendent sémites et juifs, et vous voilà en première ligne, multipliant les interventions fracassantes : le racisme antisémite ne passera jamais. Pour qui se prend-il ce nègre qui ose faire de l'humour sur les Sémites Juifs? Sans entrer dans le fond, ce débat révèle de manière magistrale l'extrême virulence du racisme négrophobe qui n'a jamais cessé de diriger la France, et qui aujourd'hui se cristallise sur la personne de Dieudonné. Le même ministre de l'intérieur qui avait «étudié les moyens d'agir contre la diffusion» du journal qui vous traitait de singe, sans toutefois en empêcher la parution, a su cette fois, en un temps record, non seulement prendre une circulaire, mais en outre obtenir l'aval d'une autre haute juridiction française, le conseil d'état, pour interdire les spectacles de Dieudonné. Le racisme négrophobe est actif, rodé et efficace en France. Que la France soit un pays raciste négrophobe personne ne l'ignore. Que le racisme négrophobe soit le fait aussi bien des Blancs aryens que des Blancs pseudos sémites juifs, c'est une évidence. Que dans certaines situations, le racisme négrophobe de la France s'affiche sans fard, sans pudeur, cela arrive régulièrement. Mais qu'au 21ème siècle, une Afro-descendante issue du viol, de la déportation et de la mise en esclavage de l'Afrique par l'Europe, vienne sans vergogne et sans aucune retenue au soutien des racistes négrophobes réclamer la tête d'un Nègre au profit de pseudos sémites juifs, c'est trop. Madame T aubira vous avez franchi une limite. Que vous est-il arrivé pour que vous en soyez parvenue à ce point de négation et de trahison de vous-même ? Vous avez-dit, parlant de Dieudonné, «Il est triste, infiniment triste, d'achever une année sur les pitreries obscènes d'un antisémite multirécidiviste». Madame Taubira, il est triste, infiniment triste de voir une femme telle que vous s'indigner avec autant de force contre «les pitreries obscènes d'un antisémite» après avoir «encaissé» sans sourciller les propos négrophobes humiliants et dégradants venant des Blancs à votre encontre et, à travers vous, à l'encontre du peuple noir. Vous semblez incapable de vous émouvoir sur le sort de ceux de votre peuple et donc sur votre propre sort. Mais que vous-est-il arrivé ? Mais que vous a-t-on fait pour en arriver là ? Où est passé Walwari ? Pour en terminer, vous avez dit de Dieudonné qu'il est «un pitoyable bouffon». Nous voudrions vous rappeler que le mot bouffon peut être pris dans plusieurs sens : Le premier sens du mot bouffon est «Personnage de théâtre dont le rôle est de faire rire». En ce sens vous avez raison, Dieudonné est indéniablement un bouffon, il en a fait profession. C'est donc légitimement qu'il spécule sur les dividendes de ses bouf fonneries qu'elles soient scandaleuses ou non. Le mot bouffon désigne également un «Personnage ridicule» et l'expression Être le bouf fon de quelqu'un, signifie «être pour lui un objet continuel de moquerie». Madame Taubira, vous avez été l'objet des moqueries négrophobes de cette française qui vous a comparée à un singe d'abord au moyen de photos, puis dans des propos en vous signifiant que votre place était dans les arbres. Vous n'avez pas cherché à faire sanctionner cette française, vous avez encaissé. V ous avez encore été l'objet des moqueries négrophobes de cette petite française qui a tendu une banane à la guenon qu'elle voit en vous. Vous n'avez pas réclamé de sanction contre cette française, vous avez encaissé. Vous avez une fois encore été l'objet des moqueries négrophobes du journal français qui a titré à la une «Maligne comme un singe, Taubira, retrouve la banane». Là encore vous n'avez pas recherché la sanction du journal français, vous avez encaissé. Madame Taubira seriez-vous le bouffon des Français ? Sur quel dividende spéculez-vous pour assumer ce rôle ? Recevez, Madame, nos salutations navrées et indignées.

Claudette Duhamel, Avocat Maryse Duhamel, Avocat Dominique Monotuka, A voca