Les groupes a po : Une conscience dans le carnaval ?

Le Point de vue du Président du groupe 50/50

Dans la démarche originelle, les groupes a po se sont développés sur des valeurs de solidarité et de fraternité. La conscientisation a commencé par la prise en compte d'un carnaval guadeloupéen s'articulant autour de valeurs qui nous sont propres (telle la solidarité, et le vivre ensemble). Elle s'est caractérisée par un refus des dépenses exagérées de matériaux entrant dans la confection des costumes (plumes, paillettes etc..).

Elle s'est poursuivie en instaurant au cœur du dispositif, à savoir la musique, des tambours. Enfin, en se servant de matériaux de récupération de notre environnement immédiat, elle a permis de mettre en place des thèmes forts tant dans la dénonciation (répression, liberté d'expression, détournements de fonds), la dérision (politiciens) ou encore des faits de société (violence, pédophilie etc.), avec à chaque fois des chants ou refrains populaires tirés de la tradition pour accompagner ces thèmes

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Le travail de création a mis en évidence quelques thème forts qui demeurent encore plus de 30 ans après tels : Répression, Blé a travayè, sòsiyé, mas a tè é féyaj etc. Donc nous voyons que les groupes a po, très tôt, se sont positionnés sur les plans :

• Economique : (ne pas s'adonner à des dépenses outrancières ex : des tissus fort chers, des décors et des costumes empruntés de l'extérieur et copiés sans aucune touche culturelle guadeloupéenne.

• Social : Mettre les thèmes en adéquation avec le vécu du Guadeloupéen, lui montrer quelques fois «ses travers», et permettre à tout un chacun (toutes classes sociales confondues) de prendre part. Il n'y a plus de sélection par l'argent. • Politique : Nous voyons donc que dans cette vision, les groupes a po participent avec d'autres à la «construction culturelle du pays» et que dans cette optique, ils contribuent à forger un homme guadeloupéen. D'ailleurs, le thème du groupe 50/50 pour ses 30 ans cette année est : «Nou pé fè sanmandé».

• Partant de là, il convient de s'interroger. Comment se fait-il que, même pour une collation, on fait appel à un sponsor, comme c'est le cas dans bon nombre de groupes, ce qui dénature la mise en commun le faire ensemble, la co-construction, vecteur de valeurs de convivialité et de solidarité ? Avec le nombre d'adhérents dans ces groupes, et l'extraordinaire capacité de mobilisation (plus de 21 groupes a po), il convient d'aller encore plus loin et de se demander si les groupes a po, de par leur degré de conscientisation, ne pourraient pas se mobiliser pour des causes «légitimes» au-delà du carnaval. On l'a vu lors de la crise de 2009, le tambour servant alors d'instrument au service de la reven dication.

C'est un peu dans ce sens qu'a eu lieu la troisième édition de PÒZ repran sans, initié par le Mouvement Kiltirel Akiyo. En un mot, mettons une pause dans les faits de violence qui gangrènent la société guadeloupéenne, l'objectif étant de marquer les consciences par l

e biais d'une marche silencieuse à travers la ville et des prises de paroles.

Pour reprendre le mot d'ordre de 50/50 pour ses 30 ans : «Nou pé fè san mandé», si on part du nombre de participants à jour de leurs cotisations, dans ces groupes «imposants», avec un montant moyen de cotisation de 30 euros pour l'année, nous voyons donc les moyens financiers qu'ils peuvent disposer , pour mener à bien leurs actions, sans pour autant «quémander» des subventions ou autres subsides et se retrouver par la même à la merci ou au bon vouloir de politiciens ou autres, régissant leurs faits et gestes ou orientant leurs actions.

Il est important de rappeler que les groupes a po ont été et sont toujours de formidables relais, portent encore des messages et font des actions de soutien envers les personnes handicapées ; l'animation chaque année du groupe Mas an nou pour les personnes du foyer des personnes âgées, les campagnes contre le sida, la myopathie, les addictions à l'alcool menées par d'autres groupes, en sont les exemples les plus représentatifs Les mas a po doivent désormais se mobiliser pour jouer collectif, car le bien fondé de ces actions repose sur le rayonnement de l'information vers le plus grand nombre. Aujourd'hui, il y a un groupe a po dans pratiquement chaque commune. Nous voyons donc, si nous jouons collectif, le formidable déploiement simultané que nous pouvons faire, et par la même, un véritable maillage du territoire.

Il y a d'autres problèmes à mettre en exergue dont l'éparpillement des comités de carnaval. Cela engendre une perte d'énergie et une gabegie financière. Il faut faire des actions de masse, pour faire prendre conscience des problèmes sociétaux, et là, les groupes a po ont une formidable opportunité d'être les relais de ces problèmes, à condition d'être eux-mêmes valeurs d'exemples.