LE MOIS DE L’AFRIQUE Cheikh Anta Diop : Le père de la renaissance africaine Elements de biographie

Cheikh Anta Diop est né le 29 décembre 1923 au Sénégal, dans la région de Djourbel, où se situe le village familial, Caytu. Sa mère s'appelle Magatte Diop et son père Massamba Sassoum Diop. Par son oncle maternel par alliance (Cheikh Anta M'Backé), Cheikh Anta Diop est apparenté à Cheikh Amadou Samba (18511927), le fondateur de la confrérie musulmane Mouride au Sénégal, qui créa aussi la ville sainte de Touba. Aussi, dès les premières années de son enfance, Cheikh Anta Diop est envoyé à l'école coranique.

C elle-ci se trouve dans le village de Koki, berceau familial des Diop. Cette première éducation en milieu mou ride est suivie de plusieurs années d'études primaires à l'Ecole Régionale (française) de Djourbel puis d'études secondaires auL ycée V an V ollenhoven de Dakar et à Saint Louis du Sénégal. En 1945, il obtient son baccalauréat en mathématiques et en philosophie. Il part alors pour la France afin de suivre une formation universitaire et entre en classe de mathématiques supérieures au Lycée henry IV, à Paris, en 1946. Parallèlement à ses études scientifiques, il suit à la Sorbonne une solide formation en philosophie en vue de l'obtention d'une licence en cette matière. Il étudie de plus la linguistique et l'égyptologie. En 1949, il cherche à soutenir sa thèse de Doctorat ès Lettres sur «l'avenir culturel de la pensée africaine» sous la direction de Gaston Bachelard et en 1951; son sujet de thèse secondaire ayant pour titre : «Qu'étaient les anciens égyptiens prédynastiques ?» et dont la préparation est ef fectuée sous la direction de Marcel Griaule. Malheureusement, cette thèse d'Etat ne pourra être soutenue à cette époque car Cheikh Anta Diop ne parviendra pas à réunir un jury acceptant d'examiner de tels travaux dans le cadre d'une thèse d'Etat. T outefois, ce sont ces mêmes travaux universitaires qui seront publiés en 1954 par les Editions Présence Africaine sous le titre aujourd'hui bien connu de Nations Nègres et Culture. Vers la même période -les années 50Cheikh Anta Diop obtient un certificat de chimie générale et un certificat de chimie appliquée à la Faculté des Sciences de Paris et entame une spécialisation en chimie nucléaire et physique nucléaire au Laboratoire Curie de l'Institut du radium. C'est finalement en 1960 que Cheikh Anta Diop soutient sa thèse de Doctorat d'Etat ès Lettres à la Sorbonne pendant 6 heures. Il obtient la mention «Honorable» qui lui ferme l'accès à l'université dans le domaine des Sciences Humaines. Mais le contenu de cette thèse est publié encore une fois aux Editions Présence Africaine en 1959 et 1960 sous les titres suivants :

L'Afrique Noire précoloniale et l'Unité Culturelle de l'Afrique Noire. Ces livres fondateurs traitent de l'origine monogénétique et africaine de l'Humanité ainsi que de l'antériorité des civilisations nègres et en particulier de la civilisation égyptonubienne. Par ailleurs ces ouvrages établissent l'existence d'une parenté linguistique et culturelle entre l'Egypte et l'Afrique Noire, et soulignent l'apport de la pensée nègre à la civilisation occidentale dans des domaines aussi divers que les sciences, les lettres, les arts, la médecine, et… la religion. Cheikh Anta Diop a de surcroît le mérite d'expliquer à travers ces œuvres la formation des Etats africains sur tout le continent à partir de la vallée du Nil suite au déclin de l'Egypte. Sur le plan politique, Cheikh Anta Diop crée dès 1946 l'Association des Etudiants africains de Paris et il milite, dès 1950, au sein du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) pour libérer le Continent Noir du joug colonial et constituer une fédération d'Etats démocratiques africains à l'échelle continentale.

En 1960, il rentre au Sénégalavec sa femme, Louise Marie Maes (Française) et ses trois fils où il déploie une activité intense sur de multiples fronts : scientifique, culturel, linguistique… : «Je rentre sous peu en Afrique où une lourde tâche nous attend tous. Dans les limites de mes possibilités et de mes moyens, j'espère contribuer efficacement à l'impulsion de la recherche scientifique dans le domaine des Sciences Humaines et celui des Sciences Exactes.

Quand à l'Afrique noire, elle doit se nourrir des fruits de mes recherches à l'échelle continentale. Il ne s'agit pas de se créer, de toutes pièces, une histoire plus belle que celle des autres, de manière à doper moralement le peuple pendant la période de lutte pour l'indépendance, mais de partir de cette idée évidente que chaque peuple a une histoire." (Cheikh Anta Diop, interview in "La Vie Africaine", n°6, marsavril 1960, p. 11). De 1960 à 1980, il est empêché d'enseigner les Sciences Humaines dans le cadre universitaire sénégalais et travaille à l'Institut Français d'Afrique Noire (IFAN) comme assistant. Ce n'est qu'en 1981, après le départ du président Léopold S. Senghor, qu'il est nommé professeur d'Histoire Ancienne, associé à la faculté des Lettres et Sciences de Dakar.

En 1987, un an après sa mort, le nom de Cheikh Anta Diop est finalement donné à l'Université de Dakar. Par bonheur, la Guadeloupe a eu la chance de recevoir la visite de cet immense «Pharaon du Savoir» en 1983 (il a tenu quelques conférences dans notre île traitant de l'origine de l'Homme et de l'Histoire Ancienne de l'Afrique). La Guadeloupe lui a rendu hommage en donnant son nom au Centre Culturel municipal de Morne à l'Eau et en instituant à sa mémoire, sous l'impulsion de Claude Bausivoir, l'évènement récurrent du «Mois de l'Afrique». Depuis, l'Association Racines fait vivre cette biennale avec un succès toujours grandissant qui réconcilie les Afro-descendants de Guadeloupe avec leur continent - Mère, l'Afrique.