Centenaire de la naissance d’Hégésippe Ibéné

Le Comité du Centenaire de la naissance d'Hégésippe Ibéné a choisi,fort justement,Maître Guy Daninthe,ancien Secrétaire Général du Parti Communiste Guadeloupéen, l'un de ses plus fidèles disciples et camarades de luttes pour assur er la Présidence d'honneur des manifestations du centenaire.P our aider à la prise de conscience de ce que nous sommes,et éclairer le chemin que nous de vons suivre,nous publions pour nos lecteurs l'intervention prononcée par le Président d'honneur,GuyDaninthe.

«LE PHILOSOPHE DE LA F ALAISE»

Mesdames et Messieurs les of ficiels, Monsieur le Bâtonnier José GalasMesdames et Messieurs les invités,Camarade Secrétaire Général du PCGChers amis et CamaradesChers Pauline, Emmanuel et autres membres dela famille Ibéné !

Croyez-moi, je mesure à sa juste valeur, l'immense honneur qui m'est fait en ce moment. HégésippeIbéné, mon aîné d'une dizaine d'année, Kléber, comme nous l'appelions, a été pour moi et dans tous les instants, un grand frère dont l'affection n'a jamais été prise en défaut.

Après m'avoir réconforté de son soutien permanent tout au long de ces cinq années durant lesquelles le pouvoir colonial m'avait privé du droit à l'exercice de ma profession, il a guidé avec une extrême bienveillance mes premiers pas au Barreau de laGuadeloupe.

UN AVOCAT AU PRESTIGE INCONTESTE

A vocat au prestige incontesté, (d'autres diront mieux que moi le talent, la générosité et l'ef ficacité dont il faisait preuve comme défenseur et conseil)

. Avocat au prestige incontesté, Hégésippe Ibéné aura été pour moi comme pour beaucoup, un exemple et un maître. Nos Palais de justice retentissent encore de ses fameuses plaidoiries. On l'entend encore, défendant avec brio «la veuve et l'orphelin» ou pourfendant les assassins du suffrage universel, on l'entend toujours emporter miraculeusement la conviction des juges à la satisfaction de ses clients.

Les interminables journées passées au vestiaire et au prétoire se prolongeaient, généralement, dans de longues soirées consacrées au travail militant. À cet égard, au risque de déplaire à certains, lorsqu'on parle de lui comme un des plus prestigieux dirigeants du Parti Communiste, je m'autorise à dire qu'à mes yeux, il en est le plus prestigieux.

UN DIRIGEANT COMUNISTE DE GRANDE COMPETENCE, COURAGEUX, INTEGRE

Car, Ibéné qui m'a délivré ma première carte d'adhérent en 1945, à son domicile qui était aussi le siège du Parti, au 111 rue Frébault à Pointe-à-Pitre, est resté, sans discontinuer , comptable de l'existence de l'organisation communiste, depuis l'appel d'Avril 1944 jusqu'à la veille de sa mort.

C'est lui qui veillait à sa sécurité, au suivi d'une ligne politique dont il contribuait pour une part essentielle à la définition. Une ligne politique fondée sur le droit à l'autodétermination des peuples ce qui lui valut, tout avocat qu'il était, d'être poursuivi devant les tribunaux du régime.

C'est lui qui initiait et animait les actions de solidarité avec les peuples victimes de la répression et des guerres coloniales. Pardonnez-moi de troubler l'ambiance consensuelle à la mode de nos jours. Mais je dois à la vérité de rappeler qu'Ibéné homme af fable et tolérant, s'il en fut, n'acceptait jamais les trahisons aux valeurs de gauche. Enparticulier , il ne cessait de regretter qu'en matière coloniale, précisément, la droite ne se montrait pas toujours plus réactionnaire que certains socialistes.

C'est lui qui, en maintes circonstances, exposait sa poitrine aux balles des tueurs à la solde du pouvoir colonial. Il était au premier rang dans les manifesta - tions sauvagement réprimées et dans

les coupe-gorge électoraux d'Anse-Bertrand, de Petit-Canal, de Morne-à-l'Eau, de Sainte- Anne et même du Moule, entre 1953 et 1957. Car la fraude électorale, il ne la combattait pas seulement sur le papier ou en parole, mais par sa participationphysique.

C'est encore lui qui sauva son Parti d'une désintégration programmée au IVe Congrès de 1964 et l'engagea résolument sur les rails de la libération nationale et sociale du pays.

C'est lui que les militants, des plus humbles aux plus importants, comme bon nombre de travailleurs, venaient consulter et relancer, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, à son cabinet d'avocat ou à son domicile de la Falaise.

LE PARTI D'IBENE A LE PLUS CONTRIBUE AUX AVANCEES DONT BENEFICIENT NOS COMP A TRIOTES

Il est de bon ton aujourd'hui de vilipender le Parti Communiste. Les propagandistes du pouvoir colonial s'en font des gorges chaudes. Mais le Parti d'Hégésippe Ibéné n'en demeure pas moins, pour autant, celui qui a le plus contribué aux quelques avancées dont bénéficient nos compatriotes.

Je ne puis résister à la tentation de citer ces quelques vers du communiste Pablo Neruda, poète chilien, Prix Nobel de Littérature, assassiné en 1973 par la dictature de Pinochet sous-traitant de l'impérialisme américain. Dans le «Mémorial de l'Ile Noire», le poète écrivait peu avant sa mort :

«Nous sommes l'argent pur de la planète, Le véritable minerai de l'homme, Nous incarnons la mer qui ne cesse jamais, Le rempart de l'espoir : Une minute d'ombre ne nous rend point aveugles Et aucune agonie ne nous feramourir».

Qu'on le veuille ou pas donc, de même qu'après chaque cyclone, la vie reprend son cours, après les regrettables moments d'égarement de la période actuelle, finira le règne des spécialistes du «veglaj» et de la poudre aux yeux. Le pays ne manquera pas de reprendre le chemin que les communistes montrent depuis tantôt. C'est l'e nseignement optimiste de la dialectique que nous a légué le philosophe de la Falaise.

HEGESIPPE IBENE A BIEN MERITE DE NOTRE PATRIE GUADELOUPEENNE

Élu presque à la fin de sa carrière, maire de Sainte-Anne et député de la première circonscription, Ibéné aura été toute sa vie, étranger au sectarisme et partisan de l'unité des démocrates et anti-colonialistes guadeloupéens. Il n'a cessé d'en faire la démonstration depuis que, conseiller général de l'entente prolétarienne en 1945, il animait le Front Démocratique Guadeloupéen, jusqu'à sa part importante dans les batailles pour l'émergence d'une entité autonome guadeloupéenne, à partir de 1958.

Par une vie tout entière consacrée à la poursuite de la justice sociale et à la défense des revendications populaires, Hégésippe Ibéné a bien mérité de notre patrie guadeloupéenne. Aussi, en cette journée de célébration du centenaire de sa naissance, je souhaite ardemment que la nouvelle génération s'inspire de la vie et de l'œuvre de ce grand Guadeloupéen.

Que le nom d'Hégésippe Ibéné soit gravé en lettres majuscules dans l'histoire de la Guadeloupe