ESCLAVAGE :Changer le monde, ça passe aussi par des réparations !

Ouvrons le dossier des réparations !

Si l'esclavage et la traite négrière ont été abolis en Europe depuis plus d’un siècle et demi, nos sociétés sont encore façonnées par les conséquences actuelles de ces crimes du passé. Des crimes de l’Histoire qui se distinguent par la racialisation des victimes et la contestation de leur humanité. Ainsi, la domination coloniale et cet esclavage qui, dit-on, appartiennent au passé, nous ont laissé comme héritage une réalité politique et socio-économique désastreuse dont les traumatismes perdurent jusque et y compris dans nos sociétés contemporaines. La disparition de cette aberration est une condition essentielle dans la construction de nouvelles formes de solidarité visant la création d’un monde plus égalitaire pour les prochaines générations.

Quand un crime est commis, il doit être réparé !

Tous les peuples qui ont subi la domination coloniale ou l'esclavagisme ont un droit moral et formel pour demander l’ouverture du dossier des réparations. Réparer, corriger les distorsions de l'histoire, ce n'est pas s’enfermer dans le passé mais le, connaître afin de transformer le présent et préparer l’avenir. Il est temps d’acter le principe du droit à la réparation et la multiplicité des formes à envisager : réparations mémorielles, sociales, politico-économiques, judiciaires, foncières et environnementales. Il est urgent de faire avancer cette revendication, fondatrice d’une rénovation de notre société française, et de la mettre en œuvre de manière ef fective au plus tôt en nous unissant.

UN PASSÉ PAS SI LOINTAIN...

Regarder le monde tel qu’il est aujourd’hui nécessite de se pencher sur un double processus - la traite négrière et l’esclavagismequi a laissé des séquelles sur plusieurs continents, notamment l’Afrique et l’Amérique. De fait, ce passé n’est pas si lointain si l’on ajoute aux quatre siècles d’esclavage, un siècle de travail forcé qui n’a été aboli qu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Vouloir réparer, c’est donc analyser les conséquences du passé sur le présent pour construire un avenir meilleur !

POURQUOI DES RÉPARATIONS ?

Cette question apparaît encore incongrue en France alors qu’elle fait l’objet de débats publics et de mesures concrètes dans de nombreux pays. D’ailleurs, la loi Taubira de 2001 prévoyait explicitement de “déterminer le préjudice subi et d’examiner les conditions de réparation due au titre de ce crime”, avant que ce passage de la loi ne soit retiré au dernier moment ! Ce que demandent les forces regroupées autour de cet appel unitaire, c’est d’appliquer à la traite négrière et à l’esclavage une politique de réparations mise en oeuvre à la fin des guerres, lors des catastrophes sanitaires, environnementales... L’histoire de l’Humanité est ponctuée de réparations mais, en la matière, ce sont les colons qui ont été indemnisées, soit par l’Etat (décret de 1848), soit par les esclaves euxmêmes dans le cas d’Haïti ! Cette revendication historique ne date pas d’aujourd’hui : les premieres à avoir mené ce combat sont les esclaves eux-mêmes !

RIEN NE PEUT JUSTIFIER D’ABANDONNER CE COMBAT !

L ’idée que l’esclavage a toujours existé nous est souvent opposée quand on parle de réparations. Mais l’esclavage dont nous parlons a été un véritable processus “industriel”, intercontinental et d’une durée jamais vue à l’échelle de l’humanité. De plus, les traces économiques, sociales, culturelles de ces crimes contre l’humanité sont connues, tout comme est connu le rôle des Etats, celui des banques et des institutions financières. Ainsi, la problématique des réformes agraires nécessaires - sur la pro- priété des terres et la finalité des cultures - est en prise totale avec cette question historique.

Les réparations... pour les propriétaires !

Le décret de 1848 abolissant l’esclavage prévoit que «L'Assemblée nationale réglera la quotité de l'indemnité qui devra être accordée auxcolons».

Le prix de l’indépendance : Haïti

Pour maintenir son indépendance acquise en 1804, la République d’Haïti devait s’acquitter du versement d’une soulte de 150 milliards de francs-or, ramenée à 90 millions en 1838 (équivalent à 21 milliards de dollars), dont la majeure partie à des banques françaises. La dette sera définitivement honorée en 1883, mais les intérêts et emprunts nécessaires ne seront totalement remboursés qu‘en 1946 !

L’Afrique saignée à blanc

Les études font état de 12 à 18 millions d'Africains déportés. A ce chiffre, il faut ajouter les victimes décédées sur le sol africain, en tentant d'échapper à la capture. On estime que pour un Africain déporté vivant, trois ou quatre personnes sont mortes. Il y a donc eu de 36 à 72 millions de victimes de la traite pendant ces quatre siècles. Le continent africain compte au début de la traite 50 millions d'habitants...

Le travail forcé

En juin 1930, une convention internationale tendant à l’interdiction du travail forcé dans les colonies est élaborée par le Bureau international du travail. Trois Etats refusent de la ratifier : la France, la Belgique et le Portugal. Il faudra attendre 1946 pour quel’Assemblée nationale constituante adopte l'abolition du travail forcé suite à la proposition de loi défendue par le député Félix Houphouët- Boigny : «Art.1er . Le travail forcé ou obligatoire est interdit de façon absolue dans les territoires d’outre-mer».

17000 morts pour 500 km de rail...

«La région du Congo, très peu peuplée, n’était évidemment pas capable de fournir les effectifs nécessaires. Il fallut faire venir des populations originaires du Moyen-Congo, du Tchad et de l’Oubangui-Chari. (…) Le grand reporter Albert Londres avança le chiffre de 17000 morts. Il n’était sans doute pas loin de la réalité, les études réalisées ultérieurement confirmant cet ordre de grandeur (…) A l’issue de ce gigantesque chantier, le Congo était exsangue…» Jean Monville, ex-PDG de Spie-Batignolles dans Une histoire de Spie. Naître et renaître à propos de la ligne ferroviaire Brazzaville - Pointe Noire.