Camille Chauvet : «Le groupe Hersant contrôle tous les annonceurs» et asphyxie la presse martiniquaise

Journaliste militant depuis plus de 20 ans,Camille Chauvet a été de tout combat,de cette presse martini- quaise pour qui il se bat. Aujourd’hui,directeur du magazine «Le Naïf»,a accepté de faire pour les Nouvelles Etincelles une radiographie de la presse de son pays.

Camille Chauvet : Un état des lieux actuel de la presse écrite en Martinique aujourd’hui ne peut que retenir l’hégémonie sans partage du groupe Hersant. Dans l’information générale, un seul hebdomadaire «Antilla» et plusieurs mensuels «Le Naïf», «LaT ribune des Antilles», et dans la presse spécialisée plusieurs mensuels informent dans des secteurs divers : Le monde spor - tif, le monde agricole, le monde de l’entreprise, le monde économique, y compris une presse people. L’ensemble de ces médias ne pèse pas grand-chose face à la machine Hersant qui adosse à son quotidien un magazine sportif, un mag-féminin, et deux hebdos concernant les programmes télévisés. La presse politique à deux jour- naux qui paraissent régulièrement le «Progressiste» et «Justice» et de faible tirage. En fait, il n’y a pas de secret, le groupe Hersant à sa régie publi - citaire qui contrôle tous, oui, tous les annonceurs. Les autres médias sont donc asphyxiés. L’opinion publique est en perma- nence sous l’influence des contenus informationnels des publica - tions de ce groupe de presse. Mais, depuis les années quatrevingt-dix l’influence du directeur de la rédaction, feu Henri Mangattale faisait de ce quotidien, un journal plus ouvert, per - mettant que toutes les opinions s’expriment dans les colonnes deFrance-Antilles. L’actuel rédacteur en chef Rudy Rabattaly continue dans cette même voie. Les autres magazines vivotent, car sans publicité, seuls quelques annonces légales conduisent dans leur caisse un petit capital, c’est le cas d’Antilla. Une analyse plus en profondeur de ce monde de la presse écrite révélerait l’importance des sommes récoltées par France-Antilles par sa régie pub, et aussi les contenus informationnels aliénants. Entre les «vacances d’été, la métropole, les petits villages, et l’avenir de la Martinique aux mains des petites têtes blondes», ce serait chose facile d’établir un lexique. En fait, c’est un véritable chantier qu’il faut ouvrir sur cette presse écrite.

Q : La presse audio ? C.C :

Depuis l’ouverte des ondes, aucun média ancré dans la culture du Pays Martinique ne s’est imposé, seuls les médias franchisés nourris par les sociétés de pub aux mains des annonceurs venus du froid ou encore des békés gar- dent une ligne de professionnalisme. Nos radios sont dans la musique et des tentatives de structuration qui n’aboutissent jamais. Très récemment Roland Laouchez le patron de la TV KMT a lancé une radio tous infos, mais sans moyens car sans publicité. RCI reste à part car ancré au cœur du pays par des émission populai- res et des animateurs embléma- tiques qui lui ont fait une noto- riété sans égale à ce jour. Ceux d'aujourd'hui en profitent. Ceci dit, RCI est aussi dans la niche desannonceurs.

Q : La presse télévisée ? C.C :

Je pourrais répéter le même discours, la Télé d’Etat au service de la politique du pouvoir en place est hégémonique. Aucune télé ne peut rivaliser avec compte tenu de ses moyens. La télé privé ATV attend un repreneur, et garde comme fleuron un journa - liste venu du froid Kanal Martinique Télévision s’est imposée par la ténacité de Roland Louchez et le Médiamétrie lui reconnaît d’être la télé la mieux implantée dans la cultu - re du Pays Martinique. Ce qui ne lui permet quand même pas d’avoir accès au premier bouquet de la TNT. L’interdiction venant de fille de Lucette Michaux-Chevry la sous-ministre, guadeloupéenne chabine domestique au service de Nicolas Sarkozy.

Q : Qui contrôle les médias ? C.C :

Qui contrôle ? Question en apparence simple, mais fort com - plexe. La question qui se pose en fait est comment les informations de la presse écrites et audiovisuel - les sont traitées. Certains médias appartiennent à des groupes dont les intérêts sont liés à ceux qui défendent bec et ongles la présence française aux Antilles. Les békés et les groupes de communication restent contrôlés par ces gens venus du froid, installés aux commandes des sociétés de publicité qui financent leurs relais, et laissent quelques miettes à leurs larbins. En Martinique, il y a un problème de la concentration de la pub aux mains de quelques médias. La presse écrite et audiovisuelle est de dominer par un journalisme de révérence, par des agences de publicité, par des réseaux de connivence, et par l’autocensure de nos journalistes. Triste constat mais c'est comme ça.

Q : La presse d'opinion arrive-t- elle à se faire une place et un lectorat ? C.C :

Oui, une toute petite place, mais une opinion sans influence réelle sur le cours des événe- ments déjà en réglé et en général cadencé par les médias lourds que sont RFO TV et Radio et RCI. Toutefois, certains médias comme le Naïf dérangent tempo- rairement le système en mettant au grand jour des af faires que ne veulent pas traiter les autres… pour cause de pub.

Q : Quelles sont les mutations qui sont à prévoir pour ces prochaines années ? C.C :

L ’arrivée de la TNT et la venue sur le marché martiniquais et guadeloupéen d’un groupe franco-belge pour mettre en place un quotidien.

Q : Le Net a-t-il bouleversé la presse écrite ? C.C :

Danik vous êtes bien placé pour le savoir . Notre génération vit simultanément la révolution de l’informatique, l’entrée dans la société de la communication et de la société du savoir, nous ne pouvons encore en mesurer les ef fets.

Q : La crise de février a-t-elle eu des effets sur le traitement de l'info en Martinique ? Sur lesjour nalistes «officiels» ? C.C :

Sorti de l’émotion et de l’ac- tivisme des acteurs du monde de l’information, je ne crois pas auxef fets de ces journées.

Q : Le référ endum à venir a-t-il créé des «envies» de médias, de débats ? C.C :

Les choses suivent leur cours habituel. Il faut sans doute attendre les résultats du vote du 10 janvier 2010, et sans doute après le cours de l’histoire va s’accélérer quelque soit le résultat.