Sortir notre société dans la putréfaction dans laquelle elle est depuis trop longtemps enfoncée

On dit souvent du peuple qu'il a les élus qu'il mérite. C'est comme une lapalissade puisque,c'est en effet le peuple souverain qui vote pour les élire.

Et comme il est proclamé depuis tantôt comme une vérité absolue et définitive que le peuple guadeloupéen ne veux absolument pas entendre parler de changement statutaire, nos élus, en tout cas certains d'entre eux, non seulement parce qu'ils n'ont pas été élus pour cela, disent-ils, mais surtout parce qu'ils sont selon eux respectueux de la volonté du peuple, préfèrent écarter toute idée de changement de cet ordre. En fait, ils refusent de voir la réalité. Ils refusent de se placer dans le sens de l'histoire et préfèrent au nom de leur intérêt personnel refuser de jouer le rôle d'éclaireur pour leur peuple en lui montrant le chemin.

Nous ne serons jamais de ceux qui vilipendent le peuple au prétexte qu'il n'adhère pas encore dans sa majorité à nos propositions de changement. Nous nous expliquons parfaitement le pourquoi de cet état de fait, puisque nous considérons notre peuple comme tous les autres peuples, ni pire, ni meilleur. Nous le savons un produit du colonialisme. Nous savons le poids de l'aliénation coloniale et de l'ambition assimilationniste qui perdure depuis plus d'un siècle. Nous avons étudié son développement socio-historique et son difficile cheminement pour passer de peuple en soi à peuple pour soi. Nous savons sa dif ficulté à passer du sentiment national à une conscience nationale claire malgré l'évidence du fait national. Nous avons vécu l'étiolement de sa classe ouvrière par le démantèlement de son secteur productif et la tentative de l'entreprise scélérate de son génocide par substitution au moyen de l'expatriation de ses forces vives par le BUMIDOM dans les années soixante (Ce qui perdure encore sous d'autres formes). Et enfin, nous mesurons l'ampleur des moyens mis en œuvre par les gouvernants français et les forces du conservatisme qu'ils soutiennent pour décérébrer les masses populaires de notre pays depuis des lustres En dépit de tout cela, nous gardons intact notre confiance dans sa capacité à accéder enfin à la compréhension du mouvement de l'histoire et de s'engager vraiment dans la bataille pour sonémancipation.

Pourtant notre P.C.G avait parfaitement compris qu'en dépit de l'officialisation de l'assimilation par la loi de la départementalisation qu'un peuple ne pouvait pas assimiler un autre. Il avait donc bien posé la question du processus de décolonisation de notre pays par la revendication de l'autonomie. En fait, ses dirigeants de l'époque, n'inventaient rien. Appliquant une des principales catégories de la dialectique marxiste (celle de la possibilité et la réalité) ils tenaient simplement compte d'un facteur subjectif majeur : l'attachement, à ce moment précis, de notre peuple à la citoyenneté française et s'inspiraient de l'expérience de certains peuples de notre région qui avaient opté pour le self-gouvernement c'est-à-dire l'autonomie. Et vaille que vaille nous maintenons le cap.

Mais la division installée au sein du camp anticolonialiste par la surenchère de la revendication de l'indépendance immédiate (mot d'ordre irréaliste qui ne tenait aucunement compte, à la fois du niveau de conscience des masses et du rapport de force réelle sur le terrain) contribua en fin de compte à af faiblir le mouvement. A cela il faut ajouter la gangrène assimilationniste qui ronge certains de nos responsables politiques lesquels plus français que les français de France se comportent en zélateurs d'un système caduque imposé par l'impérialisme français. T out cela au préjudice de toute avancée démocratique, de tout développement progressiste réel.

Ainsi depuis cinquante ans environ le pays est bloqué. On assiste à une véritable putréfaction de notre société. La récente contribution «Nous déraillons» du docteur José Suédois en témoigne magistralement. Oui, il en est ainsi quand les conditions objectives pour le succès de la lutte des forces du progrès réel sont réunies et que celles subjectives liées à l'incapacité de ces forces politiques de gagner les masses à cette lutte ne le sont pas. Oui depuis des décennies notre société pourrit. A cela, il est urgent d'y mettre un terme.

Alors, dans ces conditions, on ne peut pas prétendre répondre favorablement aux multiples préoccupations de notre peuple sur les nombreux problèmes existentiels auxquels il est confronté. D'ailleurs sur quelle fondation pourrait-t-on s'appuyer ? Alors que la crise du capitalisme qui sévit dans notre pays est structurelle, totale même puisqu'elle est à la fois économique et sociale, sociologique et morale, politique et institutionnelle, on répète que le problème n'est pas celui du statut politique en prétendant que ce changement ne serait pas forcément porteur d'amélioration dans la vie des gens.

Il est vrai et personne de sensé ne pourra le penser : que comme sous l'effet d'une baguette magique, un simple changement de statut sans contenu et orientation progressiste véritable pourra régler tous les maux dont soufre le pays.

Mais, il est surtout vrai que rien de tangible, de décisif dans le sens des modifications profondément progressistes dans la vie de nos compatriotes ne pourra se faire dans le cadre de ce système départemental caduque. Au contraire, si nous persistons dans le refus de prendre nos responsabilités, de sortir de ce système qui participe à notre «démounaj», qui n'hésite pas à nous empoisonner , pour bâtir pour nousmêmes notre maison Guadeloupe, non seulement nous hypothéquons l'avenir immédiat, mais également le futur de nos enfants.

Alors, pour se construire un meilleur vivre ensemble, dans le travail, la responsabilité, la solidarité et la dignité, nous appelons nos compatriotes les plus lucides, toutes les forces politiques et sociales ayant le sens du pays à partir tous ensemble unis et déterminés à la conquête d'un véritable pouvoir politique guadeloupéen qui nous permettra librement de décider ce qui est bon ou pas pour nous et d'avancer sûrement et à notre rythme vers des meilleurs lendemains.

T ravaillons à l'érection d'une large autonomie dans notre pays.