Réveil de l'Eglise de Guadeloupe ?

Dans un courrier récent de prêtres du diocèse de Guadeloupe adressé à leur évêque, Monseigneur Jean-Yves Riocreux, nous relevons le passage suivant : «Nous sommes profondément étonnés de n'entendre aucune réflexion provenant de l'Eglise sur des questions sociales cruciales : la violence qui sévit en Guadeloupe, les problèmes de l'eau… Nous sommes étonnés de voir qu'il n'est jamais offert au presbyterium de porter un regard sur les réalités de vie de ce peuple en Guadeloupe, alors que le Pape François nous y invite… Nous sommes étonnés de voir disparaître la culture du peuple guadeloupéen dans la liturgie, dans les réflexions…». Au vue des questions soulevées par cette interpellation, il nous est apparu nécessaire de publier en guise d'éditorial de très larges extraits de l'article de Jocelaine Loussasa-Chipotel, militante communiste et chrétienne, pa ru dans le n° 480 du 19 juillet 2012 desNouvelles-Etincelles.

POURQUOI LE PAPE N'A PASCHOISI UN EVÊQUE DANSL'EGLISE DE GUADELOUPE ?

Cette question ne r elève d'aucune provocation, ni de la recherche du sensationnel. Nous la posonspar ce que nous nous intér essons depuis longtemps à notr e Eglise de Guadeloupe. L'Eglise catholique est, en fait, une véritable institution qui jouit d'une influence certaine dans la société guadeloupéenne. Vous voyez le fondement de la question ? Il est important, pour les Chrétiens certes, mais aussi pour tous ceux qui s'intéressent à l'avenir du pays, de connaître le pasteur qui reçoit la charge de conduire une telle institution et de comprendre les raisons qui ont motivé ce choix.

UN NOUVEL EVEQUE NOMMEEN GUADELOUPE

Après quatre années d'administration du diocèse de Guadeloupe, le père Jean Hamot qui assurait la charge de pasteur depuis le départ à la retraite de Monseigneur Ernest Cabo en 2008, va passer la main. En effet, le Pape vient de nommer un nouvel Evêque pour le diocèse de Basse-T erre / Pointe-à Pitre, Monseigneur Jean-Yves Riocreux. Il vient du diocèse de Pontoise, dans la région parisienne. Nous ne le connaissons pas encore. Il ne fait pas partie des prêtres de l'Eglise de Guadeloupe, il n'est pas Guadeloupéen. Ce constat ne doit pas être considéré comme un jugement de valeur. Nous n'avons aucune compétence pour cela, ni aucune r esponsabilité dans l'Eglise de Guadeloupe. Comme l'a reconnu le père Jean Hamot, lui-même, cette nomination soulève quelques interr ogations parmi les Chrétiens.

COMMENT COMPRENDRECES RÉFLEXIONS ?

Après 42 ans de magister pastoral par des prêtres guadeloupéens, on a, Chrétiens ou non, le sentiment qu'un coup d'arrêt est porté à ce projet pastoral inspiré du concile Vatican II en marche depuis la nomination du pr emier Evêque guadeloupéen, Monseigneur Siméon Oualli (1970-1984), poursuivi par Monseigneur Ernest Cabo (1984-2006) et assumé par l'administrateur diocésain, le pèr e Jean Hamot. La question qui est sur toutes les lèvres est celle-là : Pourquoi, après quatre années d'attente, le Pape n'a pas choisi le nouvel Evêque parmi les prêtr es guadeloupéens ? Nous savons que ce choix relève du pouvoir discrétionnair e du Pape qui nourrit sa réflexion des appréciations qui lui sont fournies à partir des enquêtes menées dans le plus grand secret. Mais, tout de même, nous savons que, sur la cinquantaine de prêtr es en activité dans le diocèse, il y a 1/3 de Guadeloupéens et que la moyenne d'âge serait de 55 ans. Il y a tout de même une petite marge lorsque l'on se rappelle que la limite d'âge pour exercer la charge d'Evêque, est de 76 ans. Nous savons par ailleurs que l'Eglise de Guadeloupe compte des prêtes de grandes compétences, d'expériences et de hautes qualités humaines. Certes, il y a parmi eux, ceux qui sont malades mais, certains ontils refusé ? On ne saura jamais le fond du dossier qui a déterminé le choix du Pape. On peut seulement espérer qu'il s'agit d'une transition en attendant l'éclosion des bonnes semences.

DE SIMÉON OUALLI ÀERNEST CABO EN PASSANTPAR LE SYNODE DIOCÉSAINDE 1995 : NAISSANCE D'UNEEGLISE DE GUADELOUPE

Pour nous la vraie interr ogation est celle-ci : cette Eglise de Guadeloupe qui se construit depuis 42 ans, va-t-elle continuer ? Les prêtr es, avec qui nous avons parlé, nous disent que oui, et qu'il est impossible de r evenir en arrièr e. On veut bien les cr oire. Loin de nous l'idée de jeter le tr ouble chez les Chrétiens, mais le fait pour le nouvel Evêque de n'avoir pas cité, parmi ses référents : les Evêques Oualli et Cabo nous interpelle. Car, même si ces pasteurs ont toujours parlé d'une Eglise universelle, ils se sont appliqués, entrainés par des prêtr es comme Chérubin Céleste, l'apôtre d'une Eglise au service et parmi les hommes, à révolutionner les pratiques liturgiques, les rapports du Chrétien à la société. Ils ont ancré l'Eglise dans le réel guadeloupéen, en faisant entrer le créole, le gwo-ka, toute la cul tur e dans la vie de l'Eglise devenue peuple de Dieu. Cette Eglise de Guadeloupe qui est sortie des murs des édifices abritant les sacrements pour vivre avecles hommes et participer à la résolution de leurs problèmes, c'est celle-là que nousr econnaissons et que nous voulons voir se développer comme un pôle où se cultive l'aspiration à la justice, à la liberté, à un monde meilleur.