L'Université un nouveau terrain de jeu pour les politiciens

L'enseignement supérieur et la recherche trouveront-ils la voie de l'excellence en Guadeloupe et en Martinique après la crise qui a emporté l'Université Antilles Guyane et qui évolue depuis bientôt une annéedans une confrontation larvée entre universitaires et politiques guadeloupéens et martiniquais.

Le communiqué commun et la lettre à la ministre Fioraso adressée par les Présidents des Assemblées de Guadeloupe et de Martinique le 7 juillet dernier ne changent rien à cetteappréciation. Les politiques tant au niveau de L'Etat que des Assemblées locales ont contribué fortement à l'aggravation de cette crise, pollué le débat et rendu plus difficile la recherche d'une solution. Dès le mois de novembre 2013 au tout début de cette situation rocambolesque nous écrivions : «Madame Foriaso porte avec l'Etat français, l'entière responsabilité de la crise qui a ouvert les portes d'un démantèlement de l'Université Antilles-Guyane avec en perspective des complications qui vont perturber grandement l'année universitaire des étudiants inscrits dans les différentes facultés de cette université». Une fois de plus les faits nous ont donné raison. Madame Foriaso, en toute ignorance des problèmes propres à cette université, comme tous ses prédécesseurs, a allumé un brasier qui menaçait de transformer en cendre un édifice bâtit avec patience et partage. Car, les disfonctionnements de l'Université mis au grand jour par la crise de Guyane remontent à loin. Ils sont datés de plus de 15 ans dans les rapports de la Cour des comptes et celui de l'inspection générale de l'administration de l'Education Nationale et de la recherche. L'irruption des politiques dans le débat en prenant appui sur les tensions internes entre les acteurs de cet établissement éclaté a focalisé la recherche d'une solution sur la question institutionnelle et la gouvernance, oubliant en passant que, l'Université est avant tout, au service des étudiants et du développement du pays. Il faut reconnaitre que c'est à la Guadeloupe que le débat a été particulièrement «bizauté». Après la revendication d'une Université de plein exercice en Guadeloupe par l'ancienne Présidente de la Région Guadeloupe, le Conseil Régional est revenu à plus de réalisme en se ralliant à l'idée d'une Université des Antilles avec deux pôles : Une en Martinique et une en Guadeloupe. Mais là, un bras de fer s'est engagé avec la ministre, la Présidente de l'UAG en exercice, le Conseil régional de la Martinique sur les questions de l'Autonomie des pôles et l'alternance de la gouvernance. Toutes les parties se disant depuis le début, d'accord sur ces points on ne voit pas très bien l'intérêt de ce bras de fer sauf bien entendu pour satisfaire des lobbies universitaires ou autres. Enfin, après deux rencontres, l'une en Guadeloupe le 4 juillet et l'autre en M artinique le 7, les Présidents des Assemblées locales de Martinique et de Guadeloupe semblent s'être accordés sur les contours : «d'une université des Antilles à part entière dans le cadre d'une large autonomie administrative, financière, pédagogique et de recherche des deux pôles uni versitaires». Considérant que le projet d'ordonnance transmis nettement insuffisant, les Présidents, ont dans la lettre adressée à la ministre, précisé les principes qu'ils veulent voir pris en compte .

Extraits de la lettre :

Dans un communiqué rendu publique le 9 juillet soit deux jours après celui des Présidents des Assemblées politiques, des membres de la gouvernance de l'UAG écrivent : «Nous sommes heureux de constater que le projet d'université des Antilles, avec autonomie renforcée des pôles, conçu et porté par la présidente de l'université et son équipe, publié de mars 2014, est partagé par l'essentiel des forces vives de nos territoires. A cet égard, nous saluons la prise de position unanime des présidents des Conseils régionaux et généraux de Guadeloupe et de Martinique affirmant leur attachement à une université des Antilles …» Cherchez l'erreur ! Les élus se seraient-ils livrés à un jeu politicien avec les étudiants, le monde universitaire et l'avenir des territoires ? Trop triste pour y croire.

Lettre du Conseil Régional de la Guadeloupe et de la Martinique,du Conseil Général de la Guadeloupe et de la Martinique

Pointe-à-Pitre, le 7 juillet 2014

A Madame Geneviève FIORASOSecrétaire d'Etat chargée de l'Enseignement supérieur et de la Recherche21, rue Descartes - 75231 Paris cedex 5

Objet: Demande d'audience en urgence sur l'université des Antilles

Madame La Ministre,

Les présidents des conseils régionaux et généraux de Guadeloupe et de Martinique, réunis le 4 juillet à Pointe-à-Pitre et le 7 juillet à Fort-de-France, ont affirmé leur volonté commune de voir créer une université des Antilles à part entière, dans le cadre d'une large autonomie administrative, financière, pédagogique, et de recherche des deux pôles universitaire de Guadeloupe et de Martinique.

Néanmoins, nous considérons que le projet d'ordonnance sur l'université des Antilles tel qu'il nous a été récemment transmis, demeure en l'état nettement insatisfaisant, car ne permettant pas une ef fectivité suffisante de l'autonomie des deux pôles.

Les principes suivants nous semblent devoir impérativement figurer dans les textes législatifs et réglementaires : - l'altemance. Pour ce faire, le non-renouvellement du président de l'université et des vice-présidents de pôle doit être acté dans l'ordonnance, avec des mandats d'une durée de 5 ans ; à charge pour la communauté universitaire d'inscrire dans ses statuts le principe de l'alternance (seul le lieu d'affectation administrative des candidats serait pris en compte comme critère d'alternance) ; des pouvoirs renforcés des conseils de pôle universitaires régionaux et des vice-présidents de pôle, en particulier :• l'élection libre des vice-présidents de pôle par les conseils de pôle ; • les vice-présidents de pôle seront obligatoirement saisis pour avis sur l'affectation des personnels BlATOSS relevant de leur pôle; • délégation obligatoire de signature du président de l'université aux vice-présidents de pôle pour les af faires intéressant les pôles énumérées à l'article L. 781-3 du projet d’ordonnance; • chaque pôle pourra décider au travers des statuts et du règlement intérieur de rétablissement, de la création d'une administration secondaire (en particulier , un directeur général des services adjoint) ; • compétence donnée aux conseils de pôle de signer et de mettre en œuvre les contrats d'objectifs et de moyens, et les conventions avec les collectivités concernées, et relatifs au développement territorial de chaque pôle; - Seul le conseil d'administration de l'université pourra adopter les décisions budgétaires rnodificatives. Aucune délégation de signature ne pourra être donnée au président sur ce point; - Le président de l'université pourra faite désigner , après avis conforme du conseil d'administration et des conseils de pôle, des agents comptables secondaires par pôle; Une répartition des moyens financiers tenant compte de critères objectifs (effectifs étudiants, enseignements dispensés, activités de recherche, des surfaces et des projets universitaires de chaque pôle), de la situation actuelle des deux pôles, et des projets universitaires de chaque pôle.

Enfin, nous réaffirmons les positions votées par nos assemblées respectives, à savoir une université des Antilles à part entière, sur la base d'une transfonnation de l’ex-UAG pour la Martinique, la Guadeloupe restant ouverte sur le fondement de la base juridique devant aboutir à la mise en œuvre de l'université desAntilles.

Par conséquent, il vous appartient de mettre en œuvre les mesures appropriées pour rétablir le climat de confiance et instaurer la sérénité au sein des communautés universitaires antillaises.

Nous vous prions d'agréer , Madame La Ministre,l'expression de notre haute considération.