A PROPOS D'UN ÉCLAIRAGE NÉCESSAIRE SUR L'ESCLAVAGE : Le devoir de réparations

Nous versons au débat en cour s sur la question des réparations, l'éditorial du journal des communistes saintannais «Echanges» paru en mai-juin 2013.

Au cours du mois de mai dernier, la Guadeloupe a été traversée par une flambée mémorielle autour du thème de la libération des nègres esclaves. Cette vague identitaire s'est focalisée sur différents sites et selon différents procédés. Cela démontre avec force l'avancée d'une certaine prise de conscience ; mais il y a encore des verrous à faire sauter.

Tous ceux qui se cantonnent dans un état d'éternels subalternes ne peuvent se départir de l'apologie des thèses, des clichés, des préjugés des anciens maîtres, des néo-maîtres ou de leurs thuriféraires, dans leur tentative de justifier , de se justifier la traite négrièr e, l'esclavage et l'abolition manquée de l'esclavage qui pollue les rapports sociaux sur le solguadeloupéen.

Après avoir four ni en vain, moult ef forts pour nous intimer de ne pas évoquer l'épisode de l'esclavage, pour se donner bonne conscience, ils n'hésitent point à falsifier, à évoquer des situations anecdotiques, à mettre en avant des faits tiers, à réviser l'histoire en ce qui concerne les fondements de la traite, de l'esclavage et de l'économie de plantation. Mais cela n'est qu'une fuite en avant, car la vérité ne peut être étouffée...

Aujourd'hui, reconnaitre avec objectivité le lien dialectique existant entre la traite, l'esclavage, l'économie de plantation et leurs rôles dans l'accumulation primitive du capital en France pour la France, revient à aller avec intelligence à la rencontre des peuples victimes de ces fléaux et qui réclament réparations ; C'est une question de bon sens et d'humilité.

La question des réparations ne peut être évacuée à l'aide d'une pirouette sémantique. Quand on analyse un tant soit peu l'histoire de la jeune République d'Haïti, on est confronté au problème de son absence de décollage économique... mais, ce serait un crime que de passer sous silence, l'indemnisation-réparation des colons français et les pressions diplomatiques, économiques et militaires exercées par la puissance coloniale pour recouvrer l'argent du double pillage-rançon du peuple haïtien, au profit des descendants des anciens maîtres «déchouké» par Dessalines.

Concernant la Guadeloupe, la situation est pratiquement analogue. Même fuite en avant «pou vèglé», pour nous enfariner à propos de la question des séquelles de l'esclavage, de la pérennisation des rapports liés à l'économie de plantation et des réparations. Selon les clauses du décret du 27 avril 1848, les maîtres ont bénéficié d'indemnisationsréparations pour la perte causée par la libération de leurs nègres esclaves et cela a pr ofité à la mise en place d'un capital financier utile au fonctionnement de l'économie de plantation. Et les esclaves ? Et les nouveaux libr es ? Et leurs descendants ? Foin de tout cela !

La question des réparations n'est donc pas une vue de l'esprit, ni uner evanche à prendre. Nous nous positionnons dans un pr ocessus-perspective de dépassement. Mais l'Etat français doit avoir le courage de sa politique, de son pouvoir et de sa fonction. Il a le devoir et le droit d'accompagner dans leur cheminement, les peuples qu'il a spoliés durant des siècles. Il ne peut êtr e question ni de réparation morale, ni de réparation intellectuelle. Les r elations franco-haïtiennes peuvent êtr e «réchauf fées» si la question des réparations dues en r etour au peuple haïtien est posée et résolue dans le cadr e de la r econsidération en ur gence, de la dette haïtienne et de la mise en place d'une politique d'aides décidée de façon bilatérale.

Pour nous en Guadeloupe, répar er ne peut se per cevoir que collectivement. C'est le pays Guadeloupe qui doit bénéficier des réparations et ne peut se résoudr e à une condamnation morale de l'esclavage, tout en évacuant les séquelles de ce crime, à savoir la pér ennisation des inégalités économiques et sociales et la mainmise de l'économie de plantation. Répar er revient avant tout à mettre en place une stratégie de décolonisation visant à confier à la Guadeloupe son statut de peuple et à lui reconnaitre le droit à l'autodétermination. C'est une question politique et une manifestation du respect de l'autre.