Y' a-t-il une liberté de la presse en Haïti ?

Nous avons profité du passage de la délégation des journalistes Haïtiens, menée par M. Fritz Calixte, pour leur poser quelques questions sur la liberté de la Presse dans leur pays. On dit que c'est un instrument qui fait bouger les lignes de la démocratie dans toutes les sociétés voyons ce qu'il en est pour Haïti.

Nouvelles-Etincelles : Y'a-t-il une liberté de la presse en Haïti ?

Fritz Calixte : Ah, ça, franchement c'est une question ! On est sorti d'une époque de dictature où la presse était brimée, bâillonnée, pour passer à une société où la pr esse n'a pas de limite. Donc, on fait l'effet balance car, on est sorti d'un extrême à l'autr e sans connaître de période de transition. Les gens qui étaient journalistes, c'étaient des militants politiques, des progressistes, il y avait aussi des partisans du régime en place. Après l'année 1986, et après la période de fait immédiat de la transition, ces militants qui avaient des convictions profondes et qui étaient contre le régime, ceux qui avaient de l'éthique, ces gens-là ne sont plus en activité. Du coup, on se retrouve face à une relève à prendre avec des gens qui n'étaient pas formés. Ce qui fait, qu'on a des informations qui vont un peu dans tous les sens qui ne cadre pas comme cela aurait dûêtr e pour impulser la démocratie

. Nous avons un besoin de journalistes qui traitent des questions économiques. Ils doivent être capables de décortiquer des décisions économiques, de même, ils doivent êtr e en mesur e de mettre les gouvernants face à leurs responsabilités. Pour l'instant, nous avons une Pr esse qui à 99% est politique où toutes les notes se valent. Donc, tout le mode commente l'actualité politique sans être formé. Il y a d'autres domaines tout aussi importants dans la sphère publique qui sont laissés de côté, où le citoyen ne comprend pas ce qui se trame. S'il y avait une presse capable d'analyser les décisions politiques, les décisions économiques, sociales, on aurait pu aider la démocratie à aller de l'avant. Quand on écoute la radio à longueur de journée, tout le monde dit n'importequoi, porte des accusations farfelues, sans preuve. D'autre part, nous n'avons pas de presse d'investigation, voilà encore une de nos difficultés.

N.E : L'Etat aide t-il la presse ?

F .C :A la limite, dans cette cacophonie médiatique, dans cette force apparente, l'Etat trouve son compte mais cela constitue aussi sa faiblesse. Nous avons une presse capable de parler fort, de faire trembler, mais une presse qui ne peut pas aller dans les dossiers. Aucun journaliste ne va vérifier les informations qui leurs parviennent.

N.E : Si je comprends bien, il n'y a aucun or ganisme régulateur ?

F.C : Non, ce n'est pas possible pour deu x raisons, on a toujours eu une peur bleue du retour de la dictatur e. Donc, tout ce qui apparaitrait comme une forme de contrôle a du mal à se mettr e en place. Nous avons une instance qui donne des agréments, le Conatel (Conseil National des Télécommunications), si il décide de fermer une radio parce qu'elle ne répond pas aux normes, le lendemain, il y aura une levée debouclier . Le Conatel sera obligé de r evenir sur sa décision qu'elle soit fondée ou pas. Le Conatel n'a en réalité aucun pouvoir véritable pour assumer sa mission.

N.E : Quelles sont les presses qui sont les plus importantes dans le pays ?

F.C :Nous avons aujourd'hui beaucoup de radios et cinquante deux chaines de télévisions en Haïti. Pour la radio, ça ne se compte plus. Il y a la libr e expression, peut-être même trop, ce qui fait que personne n'écoute personne.

N.E : Qu'espérez-vous pour votre pays ?

F.C : J'espère qu'on achève cette période de travail démocratique et qu'on arrive plus ou moins à planifier notre devenir, car là, réside la plus grande de nos difficultés.