Olga Lipinska défend la Pologne socialiste

Certes,la nostalgie (et en particulier l'ostalgie,qui est la nostalgie de la RDA) est réactionnaire et contre-productive,car nous constatons souvent que les personnes sujettes à ces sentiments ne fontque r egretter un "bon vieux temps" largement idéalisé et n'ont rien à proposer de concret pour le futur.Ils vivent dans le passé,et peuvent être qualifiés sans erreur d'idiots utiles.

C ependant, à l'heure où les capitalistes lancent une vaste offensive anticom- muniste (un peu du genre de l'o- pération Barbarossa) pour célébrer les 20 ans de la chute du Mur de Berlin, il convient de faire contre-poids à cette propagande (dans la mesure de nos moyens insignifiants et de notre grande faiblesse) en ayant une vision plus contrastée, moins simpliste et moins officielle de l'Histoire que celle qui nous est contée par les milieux dirigeants capitalistes, via leurs médias officiels. C'est l'Histoire des perdants contre l'Histoire des vainqueurs (car nous sommes les "losers", mais les "losers" d'aujourd'hui peuvent être les "winners" dedemain).

Ce témoignage de l'artiste polo- naise Olga Lipinska, prononcé à la télévision polonaise le 4 juin 2009, participe à notre objectif. C'est pourquoi nous vous le proposons gracieusement.

"J'ai critiqué la Pologne socialis- te et j'ai peut-être aidé à ce qu'elle soit la baraque la plus gaie dans le camp socialiste, mais je n'aime pas le capitalisme. Nous avons passé les dernières vingt années à courir après l'ar - gent. Le socialisme réel s'estef fondré parce que tel était le vœu de Gorbatchev, pas à cause de l'Eglise.

Ces vingt années de liberté ne sont pas des années de liberté pour l'être humain moyen. Pour lui, c'était beaucoup mieux avec le socialisme, mais il n'ose pas le reconnaître et, quand il peut, il crache sur le socialisme, car c'est à la mode. Je ne suis pas du tout une fan de la Pologne socialiste, mais paradoxalement, cette liberté que vous fêtez, monsieur le journaliste, aujourd'hui à l'occasion de l'anniversaire du 4 juin 1989, c'est la fin de la liberté pour le Polonais moyen. Il était alors libre du souci de devoir faire vivre sa famille, de la peur qu'on l'expulse de son logement, il était libre de la peur d'a - voir à perdre son travail, de celle que la banque lui prenne tout ce qu'il a, il avait un sentiment de sécurité totale. Et cette absence de peur , c'est terminé. La peur est apparue, et, à cause de lapeur , la fuite vers Dieu.

Je n'aime pas du tout ce régime actuel. J'ai travaillé dans le capitalisme à la télévision française et j'y ai même obtenu des succès réels. On m'a proposé de rester en France au poste de metteur en scène de programmes.

Je n'ai pas voulu. Je suis rentrée à la maison après un long séjour et j'ai dit à mon mari : "Que c'est bien que nous n'ayons pas le capitalisme chez nous". J'ai vu ce qui se passait là-bas, j'ai vu cette course effrénée, cette course de rats, des gens qui s'arrachaient les cheveux de désespoir et de peur de perdre leur emploi. Cela n'existait pas chez nous. Au contraire, nous avions du temps pour tout et un manque d'êtres humains pour faire le travail.

Dans les 21 revendications des grévistes de Gdansk de 1980, il n'était pas question de capitalis - me, ils demandaient d'améliorer le visage du socialisme. Je pense que si les ouvriers des chantiers navals avaient su qu'aujourd'hui on les jetterait dehors, même ces revendications ils les auraient déchirées".