Quand le PCR appelle à rédiger le projet réunionnais

A La Réunion, la liste d’extrême droite est arrivée en tête avec plus de 30% des suffrages. C’est un score supérieur de 10 points à celui de la France et qui plus est, cette liste est en tête dans toutes les communes de La Réunion. C’est un contraste sai- sissant avec les scores anecdo- tiques de l’extrême droite dans notre île, alors qu’en France, elle plaçait un candidat au second tour de la présidentielle en 2002, et arrivait en tête aux Européennes de 2014.

S uite à ses résultats, des com- mentaires s’en sont pris aux personnes qui ont voté pour cette liste à La Réunion, sacrifiant selon eux la fin du modèle social Réunionnais.
STRATÉGIE AU SERVICE
DU POUVOIR
Il semble pourtant évident que ce vote ne peut être une adhésion aux thèses racistes de l’extrême droite, qui vont à l’évidence à l’encontre de ce qui fait le peuple réunionnais. C’est une nouvelle forme de protes- tation qui s’est exprimée, après l’ex- périence lourdement réprimée des Gilets Jaunes. D’une ampleur inouïe, celle-ci s’est transformée à cette occasion. En effet, tous les jours les Réunionnais peuvent suivre en direct ce qui se passe en France. Ils sont donc sous l’influence d’une propagande qui simplifie les rap- ports politiques sous cet angle : un gouvernement et une force d’oppo- sition qui a l’apparence de vouloir combattre le système. Cette pré- sentation donne le beau rôle au gouvernement au moment décisif du vote, car il table sur le rejet des thèses de l’extrême droite plutôt que sur le programme de son candi- dat. C’est cette stratégie qui avait été mise en oeuvre lors de la prési- dentielle et elle a réussi. Après les Européennes, le pouvoir compte de nouveau arriver à ses fins de cette manière lors de la présidentielle de 2022 : qualifier son candidat pour le second tour face à l’extrême droite, son adversaire idéal. Le traitement de l’information poli- tique sur les grands médias français ne s’attarde pas sur les programmes des partis, mais se concentre sur les personnes. Ainsi, la cheffe de l’ex- trême droite est mise en scène comme étant une contestataire. Comme des millions de Français, de nombreux Réunionnais croient trouver refuge dans un vote d’ex- trême droite pour manifester leur mécontentement de l’incapacité du pouvoir à répondre à leurs préoccu- pations. Aussi c’est donc ce piège qu’il faut d’abord décrypter avant d’accabler les victimes.
LE REMPART PCR
Les commentateurs qui fustigent le vote des Réunionnais oublient éga- lement de rappeler que le vote pro- testataire n’est pas nouveau à La Réunion. Depuis des décennies, les Réunionnais subissent les injustices et sont tentés par le vote sanction. Jusqu’à une époque récente, le PCR arrivait à être le rempart à la pro- gression de l’extrême droite en orientant la bataille sur l’essentiel : utiliser le vote pour exiger le respect des Réunionnais par Paris. Il suffit de constater que l’affaiblissement du PCR coïncide avec la montée en puissance du vote d’extrême droite à La Réunion. L’expertise du parle- mentaire sortant Younous Omarjee ne pouvait pas remplacer le rôle his- torique et symbolique du PCR. On se rappelle qu’au référendum constitutionnel européen, en 2005, le PCR avait fait voter NON. Cette décision l’a remporté par 60% (59,95%). Le peuple Réunionnais était aussi en phase avec le peuple de France (55%). La Réunion était le seul Rup à faire voter NON. Le peuple Réunionnais était aussi en phase avec ses dirigeants. L’appel de Paul Vergès a été décisif alors qu’il était à la présidence de la Région. Il n’a pas sacrifié les intérêts stratégiques de La Réunion par une posture de court terme. A l’époque, elles étaient nombreuses les per- sonnes politiques et morales qui exhortaient le Président de Région à ne pas «donner un coup pied dans son bol manzé». Il y a 2 ans, à la présidentielle, l’enga- gement du PCR en faveur du candi- dat Jean Luc Mélenchon a été déci- sif pour le placer en tête du premier tour : 24, 53% contre 23,46 pour l’extrême droite, soit une avance de 1,07%. Au lieu de consolider cet avantage stratégique, on lui substi- tue une posture qui a conduit à un suicide collectif. Cette fois, tout en tenant compte du contexte, la liste de Mélenchon est réduite à 19,03% et laisse filer la première place à 31,24%. Un exemple de confusion : dimanche soir, la mairie du Tampon a exprimé son désarroi devant le score du RN et fustige le pouvoir parisien alors qu’elle avait accueilli en grande pompe Marine Le Pen. L’absence de vision stratégique est à la base de la victoire du RN. Tout au contraire était la réaction responsable de Julie Pontalba, la candidate du PCR : «il (le peuple) nous urge de rédiger le projet réu- nionnais». M.M. Source : Témoignages