Mais qui était, qui est Euvremont Gene ?

Euvremont Gene : Le symbole du renouveau et de la maturité du Parti Communiste GuadeloupéenLe Parti Communiste Guadelou- péen, comme tout corps vivant a connu des périodes de doute, de repli identitaire, et c’est normal. L’histoire du Parti est émaillée de crises. La première en importance mais peu étudiée, date d’entre les 2 è me et 3 è me congrès du Parti ; période durant laquelle le Parti fonctionnait avec deux Secrétaires Généraux. L’un siégeant à Pointe-à- Pitre et l’autre à Paris. A notre humble avis, cette situation a plombé et l’organisation et le fonc- tionnement du Parti. Le choix de Rosan Girard de vivre désormais à Paris et sa vision, son questionne- ment à propos du développement, de la lutte de libération à travers l’au- tonomie, avec un Parti Communiste dominant, ont entraîné une période de flottement, de tatônnements au sein du Parti. Il n’est nullement ques- tion pour nous, d’opposer tel cama- rade à tel autre camarade. Il existe parfois des attitudes égocentriques, des incompréhensions, des apprécia- tions divergentes, mais pour nous l’essentiel réside dans la capacité à mettre en avant l’intérêt du Parti et de la classe ouvrière

. Et c’est dans cette acceptation des choses, que nous rangeons Euvre- mont dans la catégorie de véritable homme politique. Arrivé au Secrétariat Général du Parti à l’issue des travaux du IIIème congrès (1964) et reconduit dans ses fonctions au IVème congrès (1968), il a procédé à la réorganisation de son Parti, surtout lors de la 2ème crise interne de 1966 en y introduisant les normes de fonctionnement Léni- niste. Tout ce qu’il a entrepris, tout ce qu’il a pu réaliser l’a été dans le cadre de l’intérêt suprême du Parti, en tant que collectif communiste agissant. Il a participé, sans arrières pensées au dépassement salutaire des contradic- tions qui existaient au sein du Parti durant ces deux crises.

Euvremont Gene : L’éditorialiste du journal l’Etincelle Que ce soit en tant que rédacteur du journal ou en tant qu’éditorialiste, Euvremont Gene se singularise comme «une plume rebelle». La teneur de ses éditoriaux fait mon- tre d’une très grande érudition et cela dans bon nombre de domaines, pas seulement dans son secteur d’acti- vité :le monde agricole, mais aussi dans le domaine politique, social, éco- nomique, culturel, sur les problèmes de développement et d’aménage- ment de l’espace etc… La clarté de ses écrits pousse certainement ses lec- teurs à le qualifier «d’éveilleur de conscience».

Euvremont Gene : L’élu modeste au service de la population On connait très peu le parcours d’Euvremont en tant que représen- tant des travailleurs dans les assem- blées bourgeoises. Néanmoins, il a occupé le poste de 2 ème adjoint au maire, à l’issue des élections de 1957 réinstallant la municipalité commu- niste du Moule.

Euvremont Gene : Un fin tacticien marxiste-LéninisteUn des aspects du talent de notre camarade réside dans le fait que, armé de la connaissance de la doctrine marxiste, il ne dissociait jamais, il ne pouvait dissocier la tactique de la stratégie.

Euvremont Gene : Un fin tacticien marxiste-LéninisteUn des aspects du talent de notre camarade réside dans le fait que, armé de la connaissance de la doctrine marxiste, il ne dissociait jamais, il ne pouvait dissocier la tactique de la stratégie.

A propos des syndicats Il était à l’origine de la création de nombreuses organisations syndicales dans la région du Moule, surtout par- mi les paysans pauvres, les ouvriers agricoles et métallurgistes. Dans un de ses éditoriaux datant d’août 1967, il déclarait : «les syndicats étant des organisations rassemblant des travail- leurs aux opinions les plus différentes, sur la base de leur action commune contre l’exploitation capitaliste, il n’a jamais été question pour nous de créer des syndicats communistes. Dans le même temps, il critiquait le neutralisme syndical en déclarant : «l’indépendance des syndicats vis-à- vis de la politique, c’est leur dépen- dance vis-à-vis du patronat et au gou- vernement gaulliste».

A propos de la jeunesse Secrétaire Général du Parti, Euvre- mont Gene s’est rapidement rendu compte de la nécessité du travail spé- cifique du Parti en direction de la Jeunesse. Cela a abouti à la création les 30 et 31 décembre 1967 de l’Union de la Jeunesse Communiste de la Guadeloupe (UJCG).

A propos des élections L’éditorial signé Gene en date du 27 février 1965 intitulé : «Partons à l’as- saut des mairies», peut être double- ment utilisé, et pour illustrer le talent de tacticien et pour montrer la capa- cité de visionnaire de l’éditorialiste de l’Etincelle, «la campagne électorale est officiellement ouverte. Les élus muni- cipaux, affirment les réaction- naires, ne sont pas des hommes politiques, mais de simples admi- nistrateurs des affaires commu- nales, des techniciens, le maire, un directeur, un chef d’entreprise».«Sur la base de cette fiction, la voie est ouverte dans la confusion aux alliances sans principes. Le pouvoir préside aux parodies électorales. Il désigne les édiles de son choix». Il précisait que notre tactique qui reposait sur la lutte pour la démocratie et le progrès social est sans équivoque et par- faitement juste. On a trop souvent accusé le Parti Communiste d’être électoraliste comme si cela s’avérait être une tare de participer dans les parle- ments ou Assemblées inhérents au système bourgeois. Euvremont Gene, dans son dis- cours prononcé à la tribune de la conférence internationale des
P artis communistes et ouvriers d éclarait : «nous nous empressons d e dire que les résultats électoraux ne c onstituent point le reflet de notre influence sur l’électorat… de plus, nous apprécions les élections à leur juste valeur, c’est-à-dire sans les sur- estimer ni les sous-estimer». Pour Euvremont Gene les élec- tions demeurent un aspect de la lutte des classes. Participer aux élections est une tactique qui nous rapproche, qui doit nous rappro- cher de notre stratégie :l’accession à un Etat autonome. Dans aucune manière, en tant que marxiste-léni- niste convaincu, il ne pouvait parti- ciper à une quelconque fétichisa- tion des élections. La question des alliances ou la dyna- mique des fronts ont toujours été au coeur de la tactique électorale des communistes en Guadeloupe. Cela est aussi vrai, quand nous abordons l’action d’Euvremont, que ce soit en tant que Secrétaire politique de la Section communiste du Moule, ou Secrétaire du Comité Central ou encore, Secrétaire Général du Parti. Pour lui, la volonté d’unité et d’al- liance ne peut se concevoir que dans le respect de notre échelle de valeur et de celle de notre (nos) interlocu- teur(s). Il ne cessait de se persua- der et de persuader les autres, que tant que le lien entre la tactique électorale et la ligne stratégique est observé, le compromis est néces- saire et profitable. C’est cette dis- position qui a présidé à l’émergence du compromis historique à Sainte- Anne lors des élections municipales des 14 et 21 mars 1965, alors qu’il était Secrétaire Général du Parti : on peut aussi évoquer l’épisode électo- ral concernant les sénatoriales de septembre 1968 au cours desquelles l’entente avec Valeau a permis l’élec- tion de notre allié Marcel Gargar au poste de sénateur.

Euvremont Gene : un organisateur hors-pair dans l’organigramme du PartiSon sérieux, son dévouement, son esprit de Parti, son sens de la discipline, son respect des valeurs fraternelles et du centralisme démocratique lui ont conféré un certain charisme. De simple mili- tant de la Section de Port-Louis en 1945, il devient : • Secrétaire de la Section du Moule • Membre du Comité Fédéral • Membre du Bureau Fédéral • Membre du Comité Central en 1958, • Membre du Bureau Politique • Secrétaire du Comité Central • Secrétaire Général du Parti de 1964 j usqu’à sa disparition. Ses talents d’organisateur se décli- nent en plusieurs volets. Tout d’abord, il participe au renouveau du Parti affaibli par la crise de 62-64, puis il est le principal artisan du redresse- ment/réorganisation des structures de base au Parti après la 2 è me crise interne, la scission de 1966 que ce soit à Pointe-à-Pitre ou encore au Moule. Sous sa direction, la fête du journal l’Etincelle devient une réalité incontournable, un temps fort de la vie politique en Guadeloupe. Le Parti communiste, malgré la fraude, mal- gré les divisions et les campagnes anti-communistes devient la pre- mière force politique du pays. Les communistes en 1969, sont présents dans10 mairies, sur 34 membres du Conseil général, ils sont au nombre de 6, Paul Lacavé est le seul député communiste des Dom, un apparenté communiste siège au Sénat.

Euvremont Gene : Un père de famille, reflet de la société guadeloupéenne de son temps Malgré son activité politique débor- dante, malgré ses nombreux voyages et séjours à l’étranger (il était sou- vent en mission), le camarade Euvremont avait une vie de famille. Au cours de sa vie conjugale, il a eu 4 enfants : Paul issu de son premier mariage ; Alex ; Odette et Camille, issus de son troisième mariage.

Euvremont Gene : l’infatigable propagandiste de la cause de l’Autonomie Depuis la mise en discussion du pro- jet de thèse de la IXème conférence fédérale de mars 1958 qui a donné naissance au Parti Communiste Guadeloupéen, Euvremont Gene s’est comporté sans relâche en défenseur et agitateur de la cause de l’Autonomie. Sur le sol guadelou- péen, c’est à travers ses prises de paroles, ses éditoriaux qu’il mettait en avant la nécessité de lutter contre le fait colonial drapé des oripeaux de la départementalisation. Selon lui,«seule l’Autonomie permettra le pro- grès rapide de notre économie pour en finir avec la misère du peuple».En mission à l’étranger, il a profité des tribunes des congrès des partis frères pour vulgariser, internationaliser le mot d’ordre d’Autonomie. Aujour- d’hui, parler d’Autonomie, évoquer l’émergence d’une Guadeloupe auto- nome ne fait plus peur. Ce n’est plus seulement «une affaire des commu- nistes». D’une manière ou d’une autre, l’idée a fait son chemin. L’abnégation de nos aînés est entrain de porter ses fruits.

E uvremont Gene : une victime d e la répression coloniale « Plume rebelle», ses écrits déran- geaient. Il fut poursuivi en de nom- breuses occasions et condamné. Il partageait ce sort seul ou en compa- gnie d’autres camarades. Un exemple entre autres, en 1958, l’Etat français en vertu de la «sacro-sainte» dis- position d’atteinte à l’intégrité du territoire français et de l’Autorité de l’Etat, a poursuivi et condamné les camarades Euvremont Gene, Hermann Songeons et Ibéné Hégésippe. En réalité, les cama- rades étaient poursuivis pour «délit d’internationalisme» ! Ils avaient signifié leur solidarité avec le peuple algérien en lutte contre le colonialisme français et dénoncer la «sale guerre coloniale» organisée par différents gouvernements français. La répression qui a touché Euvremont ne s’est pas arrêtée aux poursuites, condamnations et amendes. Elle l’a touché dans son travail, dans la privation de son gagne-pain en procédant à sa révocation/radiation en tant que fonctionnaire du ministère de l’Agriculture. Le combat de notre camarade contre cette ignominie a porté ses fruits car, il a été indemnisé et réintégré dans ses fonctions.

Euvremont Gene : Un internationaliste convaincu A la base de la pratique communiste, on trouve un principe clé : la fidélité à l’internationalisme prolétarien qui reconnait la solidarité, l’amitié et le respect des ouvriers et des peuples en lutte pour leur dignité. La forma- tion internationaliste de notre cama- rade a été renforcée par plusieurs stages de formation/études à l’Institut du Marxisme-Léninisme à Moscou d’août 1962 à mars 1964 et de mars 1966 à septembre 1966. Sa participation à de nombreuses ren- contres bilatérale ou multilatérales avec les partis communistes et ouvriers lui a conféré le rôle de diri- geant du mouvement communiste. L’internationalisme de notre cama- rade se concrétise de manière tous azimuts. Deux exemples : - Dans l’éditorial de l’Etincelle du 2 mai 1965, il invitait à «Agir sous toutes les formes possibles contre la politique raciste d’intervention et d’agression américaine dans la Caraïbe et l’Amérique latine».- L’éditorial du 3 juillet 1965 intitulé :«la crise algérienne, ses causes, sa signification politique, ses enseigne- ments pour notre lutte de libération nationale», est à notre avis une ana- lyse fine sur les destinées de la Révolution algérienne.