Vers l’autonomie alimentaire de la Guadeloupe

Le vendredi 21 juin, l’association «Nouvèlvwa» tenait à la média- thèque du Lamentin, un sémi- naire/atelier intitulé «Vers l’au- tonomie alimentaire de la Guadeloupe : potentialités et perspectives de développement pour une croissance verte». L’association que l’on connaît surtout pour la revalorisation du «Fruit à pain» a innové en s’as- sociant à l’INRA-AG.

C’ est donc M. Harry-Ozier Lafontaine en sa qualité de président du centre qui a ouvert la journée en rappelant qu’il était impératif de changer de modèle pour faire face au défi de l’alimentation mondiale. Mais il a souligné que tout cela se faisait dans un cadre législatif de la croissance verte, la «nouvelle vie» pour dimi- nuer notre dépendance alimentaire vis-à-vis de l’extérieur et conquérir notre souveraineté alimentaire pas seulement en Guadeloupe mais dans toute la Caraïbe. La parole a ensuite été donnée au maire. Il souligne que la journée du fruit à pain est un classique et donc une forme d’identité de sa com- mune, Le Lamentin. Mme Nathalie Minatchy s’est dite honorée du choix de sa personne pour «marrainer» cette journée. Elle a remercié l’INRA où elle a tra- vaillé et a rappelé qu’elle milite pour une agriculture paysanne et qu’au sein de l’UPG, doutant de la qualité des produits transformés arrivant en Guadeloupe, il est impératif que nous protégions notre foncier, nos espaces boisés et que nous maximi- sions nos besoins en biomasse (fruit à pain par exemple). Elle n’a pas oublié d’ajouter que son combat actuel était mené pour la non-implantation d’un golf de montagne sur les terres agricoles saines de Petit-Bourg. La Chambre d’agriculture représen- tée par M. Barlagne a mis l’accent sur le soutien au «mieux produire» et au «manger local». Nous avons un marché à conquérir et la Chambre est là pour soutenir et conseiller les agriculteurs. Mme Erdan au nom du Conseil départemental a félicité pour le tra- vail engagé par de nombreux orga- nismes et associations luttant pour notre souveraineté alimentaire. Le Conseil départemental proprié- taire du foncier procède à l’installa- tion de jeunes agriculteurs, lutte contre le contre le gaspillage. Tous ces chantiers étaient pourvoyeurs d’emplois a-t-elle terminé. M. Ozier-La fontaine a fait applaudir la présence de Mme Laura Roberts, chercheur à l’université de Trinidad et Tobago, venue à la demande de l’association exposer le fruit de ses recherches sur le «fruit à pain». Après ces préliminaires, les intervenants sont entrés dans le vif du sujet. M. Lafontaine a introduit la problématique de la souveraineté alimentaire. - Balance commerciale défici- taire s’aggravant d’année en année dans toute la Caraïbe - Mauvaise qualité des aliments importés - Maladies : diabète, cancer… - Terres polluées (chlordécone) Après le cri d’alarme poussé par la FAO, l’Etat français propose de produire en qualité et en quantité et de veiller à la sécurité alimen- taire. Tout cela s’accompagne d’une politique tenant à : - Parfaire la connaissance des peuples, possesseurs de savoirs ancestraux - Faire de la recherche - Payer correctement les agri- culteurs - Privilégier une agriculture à petite échelle (agriculture familiale). L’INRA depuis 2006 s’est donc fixé des objectifs précis : - Augmenter la production ani- male, végétale -Faire l’éducation des jeunes -Faire l’éducation des jeunes -Changer les modes d’exploitations, tendre vers l’exportation - Diversifier l’agriculture - Mettre en production les 10 000 hectares non cultivés en Guadeloupe - Initier à l’agriculture urbaine -Faire de l’agro-transformation -Construire des réseaux où l’INRA ne sera qu’un acteur parmi d’autres -S’ouvrir à l’international - Enfin, des laboratoires ouverts avec collaboration étroite des agri- culteurs sont installés. M. Bussière a expliqué comment sont nécessaires, la compréhension des plantes pour associer certaines cultures (jardin créole) et la connaissance des sols donc de leurs propriétés, les phénomènes d’éro- sion, de volcanisme, de sécheresse qui aident à l’implantation des cul- tures permettant l’élaboration de fiches techniques. La sélection de variétés nouvelles, résistantes aux maladies sont fournies aux agricul- teurs (ex : igname) ainsi que l’adap- tation des intrants locaux privilé- giant l’épaillage (papier, plastique, végétal). L’INRA investit beaucoup dans ces systèmes et aussi dans la conservation des savoir-faire (graines, plantes d’origines végé- tales, microbiennes, animales) afin
d e contourner les pollutions, la dépendance envers certaines firmes, l’érosion des savoirs origi- naux et l’exode des populations. L ’INRA et le CIRAD ont ainsi contri- bué à protéger des variétés d’ana- nas, de bananes, de mangues, etc. M. Blazy, directeur de recherches : a près constat du peu de diversifica- tion agricole, de la réduction des surfaces agricoles, du changement climatique, des déchets organiques non recyclés, des problèmes de sécheresse, des ouragans saison- niers, il a fallu s’orienter vers une agriculture climato-intelligente. Pour cela, l’INRA teste dans une ferme expérimentale (que nous pourrons tous bientôt visiter), l’amélioration des cultures tradi- tionnelles (canne, banane…) mais aussi des aliments largement consommés ici (aubergines, piments, pois, etc.). Elle propose des bio-intrants (bagasse) ou des légumineuses fixant l’azote des sols, des plantes répulsives ou atti- rantes ou encore favorisant les poli- nisateurs (abeilles, oiseaux). Les agriculteurs qui s’inscrivent dans ce schéma grâce à des forma- tions, feront bouger les aides accor- dées par l’Europe et donc les prix en Guadeloupe seront bénéfiques pour le pays. Les premiers résultats sont encourageants, mais il faudra une dizaine d’années pour des résultats plus sûrs. Mme Gisèle Alexandre : Quelle place occupe l’animal dans ce sys- tème alimentaire autonome ? Il serait nécessaire, dit ce chercheur, de bien utiliser les espèces dédiées aux élevages et privilégier la cul- ture des plantes pouvant servir à l’alimentation du bétail par exem- ple. Car le manque de protéines nous oblige ici à beaucoup impor- ter de l’étranger. Choisir des races adaptées au pays, étudier les algues contribuant à l’apport de vitamines nécessaires, associer des animaux aux potentiels complémentaires, sont des voies qu’il faut continuer à explorer. Le consommateur doit être associé à toutes ces démarches par l’information, ce qui per- mettra une meilleure prise en compte du «manger local». M. Farashmane de l’INRA s’inté- resse plus particulièrement aux gousses et graines du pays pour l’apport en protéines. Pour attein- dre notre objectif de sécurité ali- mentaire, nous devons nous inté- resser aussi aux algues et à la l evure (riche en protéines). L’INRA aide à la replantation des pois (boucoussou, pois de bois, p ois savon, pois tendre etc.). Des enzymes antinutritionnels(goût d’amertume) peuvent être contournés en trempant par exem- ple certains pois avant leur utilisa- t ion ou en les faisant fermenter. Autre exemple donné : la canne sur pied peut être enrichie par le séchage, la stabilisation, la levure ajoutée, la biomasse récoltée ser- vant à nourrir les animaux. M. Archimède, que nous avons entendu lors des journées pay- sannes d’avril 2019, fait remarquer que si en caprin-bovin, nous avons une auto-suffisance énergétique (nos animaux se nourrissant d’herbe) il n’en est pas de même pour les productions de volailles, porcs, poissons où nous dépendons du maïs et du soja venus de l’exté- rieur. Or, la banane, les pois, le manioc peuvent remplacer ces apports extérieurs. Des travaux sont en cours à l’INRA et dans les exploitations agricoles. Là encore, rien ne se fera sans les politiques (pour la vision d’avenir) et les consommateurs. Puis les organisateurs ont ouvert le débat. Dans la salle, se trouvaient des chefs d’entreprises impliqués dans l’agriculture et l’élevage. Ils ont donc posé aux responsables de l’INRA des questions concernant : l’organisation des marchés, le finan- cement de nos productions (POSEI), le manque de débouchés de nos productions, la mauvaise qualité des marchandises déversées ici (invendus des pays européens) et la contribution de l’INRA contre le chlordécone. M. Archimède a rappelé que l’INRA c’est l’Etat», que les chercheurs ont appris le drame du chlordécone, fait la cartogra- phie des sols et proposé des plantes à installer sur ces terres polluées. Tel était leur rôle mais avant les dérogations accordées aux planteurs qui ont utilisé le chlordécone, l’INRA préparait une thèse sur la lutte biologique contre le charançon. La SAFER avec son schéma euro- péen inadapté, le système capita- liste qui fait de nous des dépen- dants, nos terres en friche inexploi- tées sont la conséquence de la confiance que nous faisons à des politiques irresponsables, a conclu un autre responsable agricole…