Quelles notes doit-on attribuer aux administrations publiques ?

Les 28 dirigeants de l’Union européenne réunis en sommet le dimanche 30 juin 2019 n’ont pas réussi à trouver de compro- mis sur la répartition des postes clés pour la gouvernance «du vieux monde».

C’ est avec une grande colère que le Président français, Emmanuel Macron, s’est exprimé sur l’impasse politique dans laquelle se retrouve le conti- nent au moment même où sur l’échiquier internationale les grandes puissances ont décidé de se constituer en bloc : «Nous don- nons une image de l"Europe qui n"est pas sérieuse […] pas crédible sur le plan international». C’est probable- ment avec beaucoup de stupéfac- tion, que le Président français se retrouve confronté au difficile consensus politique à mettre en place, conséquence d’une diversité et pluralité d’idéaux politiques au sein de l’hémicycle de l’assemblée européenne. Il n’est pas inutile de rappeler que le Parlement français (Assemblée nationale et Sénat) est majoritaire- ment en faveur de la politique menée par le gouvernement. Politique, rappelons-le, qui encense le capitalisme sauvage détruisant les acquis sociaux obtenus par la lutte des travailleurs, bafoue les libertés des peuples, réduit de plus en plus la répartition des richesses créées, mais plus alarmant, contri- bue à la destruction de notre envi- ronnement et à l’épuisement de nos ressources naturelles

. Ainsi, sans nul doute, le Président français doit être frustré face à la lenteur et à la lourdeur «administrative» euro- péenne. Mais pendant ce temps en France, son gouvernement a anno- ncé au courant du mois de juin 2019 que sera mis en place un sys- tème de notation par les usagers des administrations de l’Etat. En quoi ce système de notation devrait favoriser une modernisation et une amélioration du service publique rendu aux usagers ? Décidemment ce gouvernement ne cessera pas de nous surpren- dre, quoi que l’idée ne soit pas nouvelle et la pratique non plus. On peut quand même s’interro- ger sur l’utilité et la perspicacité de cette mesure. La numérisation de la vie cou- rante et la demande de traite- ment de plus en plus rapide et efficace peuvent expliquer le choix du gouvernement de vou- loir sonder quotidiennement, chaque action traitée par les administrations auprès des admi- nistrés. Mais quelles seront réelle- ment les retombées de ce sys- tème de note. A l’instar des réseaux sociaux qui permettent à leurs communautés d’adhérents de pouvoir commen- ter, «liker» ou «disliker» les post ou partageer avec d’autres adhérents, les usagers des administrations de l’Etat (l’ensemble de la population française, donc région et départe- ment d’outre-mer inclus) auront maintenant la possibilité de com- menter, et donc de noter la qualité de service rendu par tel ou tel orga- nisme public. C’est à partir du site internet voxusagers.gouv.fr que nous pourrons faire part de nos expériences et appréciations à la suite de nos demandes auprès des services publics d’Etat. Ce site ne sonde que les services effectués par les organismes d’Etat. Les collectivi- tés territoriales et leurs organismes rattachés ne sont pas pris en compte. Quoiqu’en Guadeloupe, il serait intéressant de savoir quelle appréciation notre population porte à l’action menée par nos collectivi- tés. Mais là, c’est un autre débat. A partir du site, voxusagers.gouv.fr vous pourrez faire part de vos expé- riences en quelques clics : Première étape, vous racontez votre histoire en détaillant de la manière la plus précise possible votre expérience, en n’oubliant pas de donner un titre bien entendu, puis de donner votre appréciation symbolisée par des visages en émo- ticônes de 3 choix (Satisfait, Indifférent, Déçu). Deuxième étape, donner des détails sur l’organisme en question en sai- sissant le nom éventuellement du service car un champ libre vous per- met de le renseigner. Un choix déroulant entre les différents ser- vices d’état est proposé également. Troisième étape, vous laissez vos coordonnées afin que vos remarques puissent être traitées et que l’on puisse éventuellement reprendre contact avec vous. Les informations suivantes code postal de résidence, pseudonyme, adresse courriel et acceptation des condi- tions générales d’utilisations sont obligatoires afin de valider votre expérience. Et voilà comment en quelques clics vous pourrez partager avec le gou- vernement et les autres usagers votre expérience avec tel ou tel organisme public. Une fois de plus la pratique était existante et n’est pas nouvelle. Les usagers avaient déjà la possibilité de faire remonter leurs d oléances auprès des administra- tions par le biais de réclamation entre autres. La différence est qu’ici v otre expérience est partagée publiquement. D’ailleurs, ce par- tage ne traitera en aucune façon individuellement vos aléas avec l’ad- ministration dans le cadre d’un m écontentement. Il est très claire- ment dit sur le site : «…Voxusagers n’est pas l’endroit pour déposer des réclamations individuelles portant sur des démarches en cours. Si vous avez une question ou une demande concernant une démarche adminis- trative en cours de réalisation, mieux vaut vous adresser directe- ment au service administratif en charge. Mais si la démarche est réa- lisée et/ou si vous n’avez pas eu de réponse, et surtout si vous pensez que votre histoire peut aider d’au- tres usagers dans la même situa- tion, alors n’hésitez pas...». Donc en fin de compte, on peut légitiment se demander quelle est l’utilité pour le gouvernement de se doter de cet outil. A-t-il pour but de lui donner bonne conscience après les revendications portées par le mouvement des gilets jaunes ? Ou peut-on craindre qu’à terme les administrations soient notées en fonction des appréciations collec- tées et donc juger sur leur efficacité. De la même façon que certaines agences de notation ont mis à mal certains pays. Pour mémoire, les agences de notation (en anglais CRA, Credit Rating Agency) sont des entreprises privées dont l’ac- tivité principale consiste à évaluer la capacité des émetteurs de dette (entreprises, États, collecti- vités locales) à faire face à leurs engagements financiers. Peut-on voir demain une administration publique évaluer sur sa capacité à rendre un service d’intérêt géné- ral de qualité ? Pour ma part, le quantitatif et le qualitatif sont deux variables qu’il faut apprécier distincte- ment car si la qualité peut entrainer une plus grande quan- tité l’inverse n’est pas sûr. Au Président de la République fran- çaise et à son gouvernement, nous leurs rappelons que le service public désigne une activité ou une mission d’intérêt général en opposition au service privé qui recherche lui recherche la maximisation des pro- fits. Les services publics contribuent à une certaine cohésion sociale et un accès (en principe) égalitaires aux besoins élémentaires des indivi- dus. Dans les faits, ces services publics sont de plus en plus sous l’in- fluence du droit européen, qui i gnore la notion de service public et est soumis petit à petit au droit de la concurrence. Soit, le gouvernement souhaite être moderne donc modernise en per- mettant aux usagers de s’exprimer dans une version 2.0 qui en soit n ’aura pas plus d’impact qu’un courrier de réclamation adressé au SIAEG. D’ailleurs en Guadeloupe, notez que cela fait fort longtemps que nous notons nos administra- tions publiques d’Etat, tel que le centre hospitalier universitaire. Mais vraisemblablement, les élites, la France d’en haut n’en- tendent guère les administrés quand ils s’expriment dans la rue face à leur mal être dans leur quotidien et dans la dégradation de leurs conditions de travail.

A llez leur dire de demander aux personnels urgentistes, aux per- sonnels médicaux, aux corps e nseignants, aux gardiens de la paix, aux ouvriers, aux employés, artisans/commerçants et même a ux cadres victimes de burn-out, de partager leur expérience et nous verrons quelles réponses ils leurs apporteront. Oups c’est déjà fait : Fin de non-recevoir. Pendant ce temps, le Président de la République s’offusque du manque de coercition de l’Union euro- péenne. A chacun son problème. Attention ! Ne peut-on craindre à travers cette mesure, la mise en place par l’Etat d’un système de fli- cage et d’espionnage généralisé ?