Avec ces belles réussites, il faut donner aux jeunes guadeloupéens les moyens de vivre et travailler au pays

87.9 % c’est le taux de réus- site définitif au baccalauréat 2019. Il faut sincèrement féli- citer nos jeunes qui souvent malgré d’énormes difficultés gardent le cap de la réussite, voire de l’excellence. Félicitations aussi aux ensei- gnants et éducateurs qui ne lâchent rien face aux difficul- tés de plus en plus grandes du métier. Il leur faudra encore beaucoup de courage et de ténacité.

Une pensée affligée ce- pendant pour tous ces enfants qui cir- culent de classe en classe, d’école en collège sans avoir acquis les rudi- ments de base dont on a besoin pour vivre aujourd’hui. Ceux-là sont aussi nos enfants, ils ont droit à toute notre attention et à celle surtout des autorités qui décident de leur sort. Aujourd’hui nous ne nous atta- cherons pas à la qualité du cru 2019, mais essentiellement à ce qu’on en fera.

Avoir le bac c’est en principe la porte ouverte sur d’autres études, longues ou courtes, mais devant dans tous les cas déboucher sur l’exercice d’un métier. Un métier pas toujours choisi mais qui vous assure une acti- vité rémunérée pour faire face à vos besoins, à vos envies, réali- ser vos rêves, vous accomplir en tant que personne socialement utile, bâtir votre citoyenneté, votre vie d’adulte tout court. En Guadeloupe, avoir le bac ouvre le plus souvent la porte à l’exil contraint, car les réelles perspectives sont rares, sou- vent difficiles d’accès pour des jeunes qui n’ont ni moyens de transport, ni bourse d’études ni soutien familial conséquent. Mais notre société guadeloupéenne s’est déjà tellement accommodée de vèglaj, d’idées fausses sur l’iné- luctabilité des départs et leurs bien- faits, que cela est devenu un rituel chaque année. Nous avons pourtant une univer- sité, des structures de formation, pour certaines flambant neuves, avec des équipements et un per- sonnel tout aussi flamboyant. Que nous manque-t-il alors pour capti- ver nos jeunes et leur permettre de tirer le meilleur de ce que nous avons chez nous ? Je crois qu’il n’est pas exagéré de dire que les débou- chés sur la vie active sont bien trop maigres voire inexistants dans cer- tains domaines. Mais là encore le vèglaj ambiant empêche de saisir le réel. La communication institution- nelle étend au quotidien son voile trompeur et on se prend souvent à espérer une chance qui arrivera peut-être pour quelques-uns mais pas pour la majorité. Souvent le dépit s’installe, l’aigreur, les rivalités s’exacerbent, les injustices sociales deviennent de plus en plus criantes et insupportables. Alors on va chercher ailleurs ce qu’on n’a pu trouver dans son pays qui dit-on a de nombreux atouts. Atouts ? Oui, bien sûr. Mais pour qui ? Les jeunes et leurs parents sont souvent réduits à croire qu’on ne peut échapper à cette situation d’échec qu’en partant sous d’au- tres cieux. Ce faisant, notre Guadeloupe se vide de sa jeunesse après avoir sué pour la hisser au niveau du bac qu’elle a souvent décroché avec mention.

Mais ces départs conçus comme inévitables gardent ils en germe quelque perspective de retour ? A-t-on fait germer dans le coeur de n os adolescents le désir d’être utiles à leur pays quel que soit leur cursus scolaire et professionnel ? La réalité est de plus en plus dure pour nous parents qui n’osons ou ne pouvons les retenir. Les statistiques sont implacables : notre pays se vide de ses enfants en âge de travailler et de procréer. Que se passera-t-il alors demain si la population ne se renouvelle pas normalement ? Les atouts dont on parle, n’ont-ils pas besoin d’intelligences, de forces, de bras, de techniciens chevronnés, de développeurs, de chercheurs, de soignants, d’édu- cateurs, de formateurs... pour faire prospérer le pays ? Les parents vieillissants n’ont-ils pas besoin de l’aide et de la ten- dresse des leurs enfants et petits- enfants pour avoir la fin de vie qu’ils méritent ? Pendant combien de temps encore la Guadeloupe subira cette fuite des cerveaux alors qu’elle en a tant besoin pour son développement ? Nous avons donc le devoir d’aider nos jeunes à vouloir vivre et tra- vailler au pays. C’est cela que nous, parents, amis, enseignants, éducateurs, formateurs devons réussir de toute urgence. Très tôt, nous devons leur don- ner le gout d’être utiles à leur pays, de l’aimer et le défendre quand il est menacé. Ce n’est pas en fuyant «notre beau pays» que nous corrigerons ces défauts. Partir pour appren- dre, se former, se perfectionner... oui. Mais toujours avec l’objectif de revenir pour contribuer à son évolution. C’est le combat que nous devons mener et gagner. Au point où nous en sommes, il faut une réaction populaire capable de réveiller ou de déciller les yeux de nos dirigeants élus, pour qu’ils com- prennent que la situation actuelle est pleine de dangers pour notre pays. Il faut les aider à compren- dre qu’avec un tel niveau de réus- site de notre jeunesse, il faut lui donner les moyens de vivre et de travailler au pays. Il faut que cela devienne un leitmotiv pour la période actuelle, car il faut contre- balancer la tendance génocidaire qui vise à vider la Guadeloupe de ses forces vives. Il faut véritablement avoir les outils juridiques pour ins- taurer concrètement la priorité à l’emploi des Gua-deloupéens sur leur sol dès lors qu’ils possè- dent les compétences requises. Gémir, prier, pleurer, n’y suffiront pas. Il faut agir. Et qui plus que le p euple qui souffre, est fondé à agir pour aiguillonner ses représentants qu’il a élus. Nous sommes dans un p ays de «droit» aime t-on dire. Alors que le peuple fasse appliquer le droit des Guadeloupéens à vivre e t travailler chez eux.