BANIDOL ET GÈNE :Il faut la vérité sur le crash du 3 décembre 1969

Le 3 décembre 1969, il y a donc près de 50 ans, le vol Air France AF 212 quittant l’aéroport Simon Bolivar de Maiquetia à Caracas (Venezuela) s’écrasait une minute après avoir décollé en mer. Cet avion, un Boeing 707-320, assurait un vol Santiago (Chili) vers Paris (France via le Pérou, l’Equateur, Colombie, Pointe à Pitre et le Portugal. Il y eut 62 morts, tous les 51 passagers et 11 membres d’équipage.

La Martinique et la Gua- deloupe ont été concer- nés par cette catas- trophe aérienne car, outre le fait que l’escale suivante était Pointe à Pitre, se trouvaient à bord deux éminents responsables des Partis Communistes Guadeloupéen et Martiniquais, Evremont Gène, Secrétaire général du premier, et Dolor Banidol, membre du bureau politique du second. Ces deux mili- tants étaient allés représenter leur parti respectif au Congrès du Parti Communiste du Chili. Il y a toujours eu des zones d’om- bre dans cette catastrophe aérienne. Déjà, il y a de curieux silences ou dénis : ni l’Association internationale de l’aviation civile, ni le Bureau français d’enquêtes et accidents (BEA) n’a publié de rap- port expliquant les causes de la catastrophe. Ceci est unique sinon rarissime. Beaucoup d’hypothèses ont été émises à l’époque y com- pris celle d’un acte malveillant (perte de contrôle suite à une manoeuvre d’évitement face à un avion qui venait à l’approche, panne du moteur gauche, etc.), sans aucune validation dans un sens ou dans un autre

. Dans les milieux militants commu- nistes, il a toujours été supposé que cet accident n’en était pas vraiment un sans pour autant n’avancer aucune preuve à ce sujet.

Puis, il y a deux ans, une bombe a éclaté au travers d’un communiqué officiel signé par la quasi-totalité des syndicats français de l’aviation civile, ALTER, SNGAF, SNOMAC, SNPL AIR France ALPA, SNPNC, SPAF, UNAC, UNSA PNC. Ce com- muniqué révélait que les pièces de l’enquête étaient placées aux archives nationales et communica- bles en 2029 ! En outre, le communiqué citait un document du BEA indiquant une «forte probabilité pour que la des- truction en vol de l’appareil soit imputable à l’explosion d’une bombe placée dans le puits de train gauche de l’avion» ! Ce qui est extraordinaire, c’est le silence des autorités depuis. Une extraordi- naire politique de l’autruche et de l’irresponsabilité en espérant que ceci passe et se calme. En fait, il existe des documents qui seraient des extraits de cette enquête avec des éléments mon- trant qu’il y a bien eu des investiga- tions et que la thèse de l’attentat était celle qui était privilégiée sinon pas prouvée. On peut lire par exemple dans un document du 24 juin 1970 sous la signature du docteur J Sirot : «les lésions présentées par les résidus des corps supposés être ceux de deux leaders politiques noirs, par- lent en faveur d’une explosion» !! Dans un autre document non daté mais signé par deux ingénieurs, Mrs Courtonne et Grossetete, on peut lire toujours à propos de deux «lea- ders politiques de race noire» qu’«on se rappelle que leurs corps avaient été littéralement déchique- tés, ce qui n’était pas le cas pour les autres victimes» et la conclusion suivante : «Si on n’admet pas l’hy- pothèse de l’engin explosif placé dans le puits du train aucune expli- cation cohérente ne peut être four- nis pour cet accident !». Tous ces éléments posent certaines interro- gations minimales. En premier lieu, y’a-t-il eu attentat ou non ? Une petite et mesquine polémique est née suite à une mal- veillante interprétation des propos d’Armand Nicolas qui était le Secrétaire général du PCM en 1969, période de l’accident. On feint de croire que le problème serait de savoir si le PCM aurait sciemment sacrifié Dolor Banidol en l’envoyant au Chili dans un vol suspect. Question absurde car com- ment expliquer que le PCG ait envoyé son Secrétaire général dans le même avion sauf à supposer que le PCM aurait eu des informations
cachées au PCG. Difficile à croire. Ce vol était un vol régulier et s avoir d’avance que celui du 3 décembre aurait été ciblé paraît difficile à expliquer. La vraie question est de savoir si oui ou non il y a eu un attentat, d’autant que si tel est le cas il s’agirait d’un p remier acte de terrorisme contre un avion de ligne régulière. Deuxième question à se poser, qui aurait commis cet attentat ? Rappelons-nous cette période, celle d’un combat féroce entre diffé- rentes guérillas, et des régimes autoritaires avec un rôle essentiel sinon central de la CIA. Décembre 1969, c’est deux ans après l’assassi- nat du Che en Bolivie et la chasse permanente contre les militants de gauche sur tout le continent d’Amérique du Sud. La mort de Gène et de Banidol, issus de PC qui n’avaient pas opté pour la lutte armée, s’inscrit-il dans ce contexte si l’existence de l’attentat est avérée ? Troisième et légitime sinon terri- ble interrogation, est-il possible que les autorités françaises aient su qu’un attentat ait eu lieu (ou l’aient soupçonné) contre un avion d’Air France avec plus d’une cinquantaine de morts sans que rien ne soit fait pour que justice ne soit faite et rendue ? Car si enquête il y a eu, en revanche aucune instruction judicaire ne semble avoir été menée, ce qui reste extraordinaire ! Qu’est-ce qui a pu pour la France légitimer d’en- terrer ce dossier où ses ressortis- sants ont été tués ? Les Familles Banidol et Gène sont aussi en droit de se poser certaines autres questions. En lisant les docu- ments trouvés sur internet, on ne peut que se demander comment les investigations ont pu être faites sur les deux corps meurtris alors qu’ils étaient censés être ensevelis dans les tombeaux familiaux. Il faut donc des réponses à ces questions. L’histoire contemporaine martini- quaise est traversée de faits incon- nus mais pas de tout le monde : Qui a tué G. Nouvet le 13 mai 1971 ? Qui a tué R. Ilmany le 14 février 1974 et G. Marie-Louise ? A la veille du cinquantenaire de ce «crash» du 3 décembre 1969, il est important qu’aux côtés de ces deux familles Gène et Banidol, les Martiniquais de bonne volonté qui n’ont pas peur de scruter le passé pour assurer l’avenir se mobi- lisent pour réclamer la vérité.