Lutte politique et pratique militante
N ous vivons actuellement une situation si difficile et si complexe dans les rapports sociaux, que les concepts même de fierté de dignité et de solidarité s’ef- fondrent sous la pression des seules valeurs que le libéralisme triom- phant veut laisser fleurir : celles qui idolâtrent et célèbrent l’argent roi. Dans ces conditions, le rapport de force de la lutte politique qui oppose les tenants du capitalisme aux travailleurs, aux peuples domi- nés, aux forces de progrès en général, est nettement en faveur des premiers cités, lesquels n’hési- tent pas à proclamer la fin des idéologies, la pérennité de leur sys- tème et même par conséquent, l’inutilité de la lutte politique et donc des partis politiques. Heureusement, le développement est inégal. Et même si la tendance générale actuelle est à travers le monde, au renforcement de la domination du capitalisme, des poches de résistance des courants progressistes anticapitalistes se manifestent ici et là, et marquent des points importants. L’offensive idéologique du libéra- lisme atteint évidemment les couches populaires et cherche à les paralyser. Mais l’implacabilité de son système d’exploitation génère toujours des îlots de révolte, d’in- soumission à ses lois, parmi ses vic- times et les petites victoires rem- portées ici et là engendrent de grandes espérances. La lutte politique de classes, moteur de la société ne peut donc disparaî- tre sans la disparition des classes antagonistes. La lutte politique que même les travailleurs ici et ailleurs n’est pas une lutte tout juste pour remplacer des hommes insuffi- sants, indignes ou immoraux placés à la direction des instances de décision par d’autres qui seraient meilleurs, mais une lutte pour la véritable transformation sociale, une lutte pour changer radicale- ment la société, pour remplacer le système hideux d’exploitation capitaliste par une société plus juste, plus humaine.
Ici dans notre pays, où l’exploitation capitaliste est renforcée par des rap- ports de domination coloniale, la lutte politique pour les commu- nistes et les forces du progrès réel prend fondamentalement un aspect particulier. Son trait spéci- fique tient dans la combinaison de la lutte pour la libération de notre peu- ple du joug colonial et de celle pour la libération sociale.
Ainsi, les deux principaux axes de notre combat sont d’une part, la conscientisation de tout notre peu- ple toutes les couches sociales confondues sur la nécessité de son engagement franc et massif dans la lutte anticolonialiste et d’autre part, la mobilisation responsable et réso- lue des travailleurs et des masses populaires sur la question fonda- mentale du changement de société. C’est une réelle difficulté. Mais, il faut en dépit des artifices juridiques démontrer les mécanismes du fait colonial et démontrer aussi aux tra- vailleurs, qu’en définitive, la lutte anticolonialiste n’est qu’un aspect de la lutte de classe. Oui, il faut parvenir à totale- ment éclairer cette question afin que ceux-ci soient au premier rang de cette lutte et que les résultats de celle-ci ne soient pas dévoyés ou récupérés. Ainsi, il ne s’agit pas simplement de proclamer la nécessité du change- ment dont le pays a besoin en atten- dant en vain le grand soir de la révo- lution nationale et sociale en occul- tant et en faisant l’impasse sur les luttes pour des objectifs partiels. Il s’agit dans le cas concret de notre pays en tenant compte de la puis- sance de l’aliénation coloniale de définir la meilleure pédagogie qui soit de notre pratique militante. Cette question, aujourd’hui comme hier est toujours sur la sellette, sur- tout quand la lutte des forces anti- colonialistes connaît une impor- tante période de reflux. Cela s’ac- compagne d’une crise du militan- tisme, résultant d’un ensemble de facteurs d’ordre économique, sociologique, idéologique et moral. L’état de chômage endémique et de sous perfusion économique, la surconsommation et le poids de l’aliénation ainsi que la pression idéologique permanente condui- sent un très grand nombre de nos compatriotes à chercher refuge dans des déviances (alcoolisme, drogues, jeux) et dans le spiritua- lisme. Tout cela engendre une cer- taine acceptation, une résignation qui entrave la volonté de se battre et de s’engager dans le véritable combat salvateur. Il faut que nos organisations de base animées par des responsables véritables «mantouletan» privilé- gient la constance de l’action dans la réalisation des tâches internes (organisation, bilan, éducation théorique et pratique) ainsi que dans celle des tâches externes (promotion de notre politique en direction des masses). Il faut que chacun de nos militants soit en mesure de riposter par exemple à l’interpellation : «Le communisme est mort» que ce dernier ne peut pas mourir, premiè- rement par ce qu’il n’est né nulle part comme formation sociale, et deuxièmement par ce que le capita- lisme est bien encore en vie et que c’est son rôle historique en tant que doctrine théorique et forme d’orga- nisation de renverser ce dernier. Cela signifie la place importante qu’il faut désormais donner à la formation idéologique. Trop de lacunes et depuistrop longtemps dans ce domaine, entrave la qualité d’intervention dans les masses…
C ar quand les consciences les plus fortes restent suffisamment vigilantes, elles s’arc-boutent, résistent et conduisent imman- quablement au redressement d ’abord, au redéploiement de la lutte en fin de compte. M ais faudrait-il tout de même que la pratique militante mise en oeuvre ne choisisse pas la voie de la facilité ! Faudrait-il qu’elle se déploie en s’appuyant sur une véritable éducation populaire qui éclaire aux yeux des masses les p roblèmes de société auxquelles celles- ci sont confrontées. Faudrait-il enfin qu’elle répudie car- r ément celle conduite aujourd’hui par nos politiciens actuels qui évi- tent de travailler à conscientiser les masses pour les entrainer de façon durable sur des positionnements p olitiques conséquents, conformes à l’intérêt général sur la base de réflexions profondes les projetant dans un engagement résolu dans la construction d’une Guadeloupe nouvelle, travail- leuse et responsable.
O ui, il faut aller résolument vers les masses, à la rencontre des gens dans leur vie quotidienne, d ans leur quartier, non pour les flatter et tenter de les séduire le temps d’une campagne électo- rale, mais pour susciter la réflexion sur notre réalité et la n écessité de la changer, mais pour les entraîner réellement dans la lutte politique en citoyen majeur, pratiquant une pensée libératrice et critique et devenus véritable- ment acteurs de leur propre déve- loppement et de celui du pays.