«Les femmes guadeloupéennes à la croisée des violences»

En Guadeloupe, selon les ser- vices de police et de gendarme- rie, au cours de l’année 2018, 1004 femmes ont été victimes de violences physiques, 308 femmes ont fait l’objet de menaces ou chantages, 3 femmes ont été séquestrées, 26 femmes majeures ont été vic- times de viols, 33 femmes mineures ont été victimes de viols, 18 femmes majeures ont été harcelées et agressées sexuellement, 45 femmes mineures ont été harcelées et agressées sexuellement et 4 ten- tatives de féminicides.

La violence dans notre so- ciété augmente sans cesse et sous toutes les formes : Physique, sexuelle, morale, psychologique, institu- tionnelle, au travail, au sein du couple, dans la famille, à l’école, dans les rues, avec éclat, sournoi- sement… On connait le dicton :«la bayè ba sé la bèf ka janbé».

Rien de très étonnant à ce que la violence s’exerce de façon plus pesante sur les femmes. Ces der- nières étant déjà fragilisées par le rôle et la place qui leur étaient assi- gnés à travers les siècles passés.

Aujourd’hui, la coupe déborde. Les femmes refusent de subir en silence. Elles se rebellent, dénon- cent leurs agresseurs. Elles n’accep- tent plus d’être battues, méprisées, humiliées, enfermées, privées des libertés élémentaires.

Mais leurs homologues masculins ont encore beaucoup de mal à accepter l’idée qu’elles puissent se rebeller, et encore moins, les dénoncer et rompre la relation toxique qui s’est installée. Cela devient pour beaucoup d’entre eux insupportable. Certains vont jusqu’à tuer ces femmes qui ont osé, selon eux, l’inacceptable.

D’autres utilisent d’autres moyens pour selon eux leur «gâcher la vie» : menaces, harcèlement, fausses accusations, privation de moyens de subsistance… tout y passe. Tous ces faits sont malheureusement devenus courants et on pourrait même dire banals au regard du peu de cas qui est fait des atteintes et agressions portées aux femmes.

Sous la pression des faits : le nom- bre de victimes et les actions de protestation des organisations et mouvements de femmes, on parle de «Féminicide» au plus haut som- met de l’Etat. On tente d’éteindre le feu mais avec des moyens aussi dérisoires qu’inadaptés aux réalités socio-culturelles. On choisit des grandes formules telle «le Grenelle»… Mais «gran parad, piti kout bâton !».

Les organisations qui depuis très longtemps, avec des moyens limi- tés aident les femmes en détresse à tenir le coup, ne sont pas déci- dées à accepter des «mesurettes» à la place de moyens financiers, humains et institutionnels capa- bles de fournir au pays des struc- tures appropriées pour lutter effi- cacement contre les violences faites aux femmes.

En Guadeloupe, nous n’avons pas attendu le grenelle de Macron pour nous pencher sur le phénomène de la violence faite aux femmes et avancer quelques mesures de bon sens, qui malheureusement, n’ont pas eu beaucoup d’écho dans la sphère dirigeante. Cependant, nos nombreuses actions de protesta- tion ont eu un certain effet notam- ment sur le nombre de femmes tuées.

La situation des femmes en Guadeloupe mérite plus que jamais attention et actions concrètes.

Une étude récente montre que les femmes en Guadeloupe sont beau- coup plus sujettes aux faits de har- cèlement sexuel et sexiste dans la rue, au travail dans les groupes d’amis… Cela confirme les révéla- tions faites par de nombreuses jeunes femmes qui ne peuvent accepter cette situation comme normale et qui veulent comprendre pourquoi c’est ainsi.

C’est pourquoi L’Union des Femmes Guadeloupéennes a organisé le samedi 23 novembre dernier à la salle Georges Tarer une conférence- débat sur le thème : « Les femmes guadeloupéennes à la croisée des violences».

C’était une manière d’apporter sa réflexion à l’élimination de la vio- lence à l’égard des femmes.

Ce fut un grand moment de débats et d’échanges sur des sujets de société qui nous concer- nent tous homme, femmes, jeunes, moins jeunes.

Trois intervenants ont introduit les débats : la jeune Solène Vangout qui a mis en lumière la place de la Femme dans le Droit international et les passerelles qui existent aujourd’hui, pour que les femmes guadeloupéennes fassent prendre en compte leurs revendications dans le Droit international.

La sénatrice Victoire Jasmin qui a fait état de la législation française en matière de violences faites aux femmes et les moyens qui existent en faveur des associations.

Enfin la jeune Mélissa Marival nous a invités à parler des violences sexuelles sans complexe ;

L’assistance ne s’est pas fait prier pour réagir en témoignant, en ana- lysant et en préconisant des mesures qu’elle juge indispensable.

Nous avons retenu de façon parti- culière la pertinence des analyses qui prennent leur source dans notre société guadeloupéennes et qui montrent de façon claire l’in- teraction de deux standards sexuels différents : la RESPECTA- BILITE pour les femmes et la REPU- TATION pour les hommes.

Nous avons retenu comment les codes sociaux et moraux qui ont découlé de ces deux standards ont pu, à travers le temps, générer la situation que nous connaissons aujourd’hui.

En s’appuyant sur les recherches de la guadeloupéenne Stéphanie M ulot, docteure en anthropologie sociale et ethnologie, Melissa a montré l’étendue et la complexité d es violences sexuelles et l’impor- tance de les analyser sous un regard dit «local» car, cela ne peut se faire sans questionner notre société.

L es définitions qu’elle a retenues pour la «RESPECTABILITE» d’une part et la «REPUTATION» d’autre part, nous ont donné des informa- tions essentielles sur la particularité des violences sexuelles faites aux femmes en Guadeloupe.

Cette conférence a permis de démonter les mécanismes qui conduisent à ces violences, de com- prendre pourquoi elles ne sont pas toujours condamnées par la société, et comment la victime devient res- ponsable alors que le coupable dis- pose de circonstances atténuantes.

Le débat a aussi montré que ces questions des violences faites aux femmes ne pourront trouver des solutions efficaces et pérennes à partir des seules dispositions venues d’ailleurs.

Il faut que les Guadeloupéens, hommes et femmes ensemble décident de convoquer leur société pour éliminer eux- mêmes, ce qui est nocif ou dépassé selon leurs propres ana- lyses. Ensemble, ils doivent inventer une manière de vivre, de s’aimer de progresser, d’être heu- reux… Le concept de «révolution culturelle» a été retenu.

Mais dans l’immédiat il faut des moyens pour accueillir correcte- ment les femmes en détresse et les protéger de leurs agresseurs.

Ces moyens font partie des besoins des commissariats, des tribunaux, des services sociaux et des nombreuses associations qui militent pour la protection des femmes et des enfants, et la sau- vegarde de la famille.

Les conclusions du Grenelle de Macron ne laissent présager aucune avancée conséquente sur ces points.

A la demande de l’assistance, l’U.F.G. travaillera en profondeur, sur la base de cette conférence dans l’ensemble du pays et pourra com- pléter ses propositions pratiques pour une solide contribution à ce vaste débat de société.

Nous recommandons à tous de répondre aux prochaines invitations de l’U.F.G. sur le sujet pour y appor- ter leur réflexion.