Engageons la nécessaire révolution culturelle

D ans une allocution pronon- cée le 20 août 1978 à Capesterre Belle-Eau, le docteur Rosan Girard, l’un des co- fondateurs du Mouvement Com- muniste en Guadeloupe, livrait une analyse lucide et réaliste de l’état de la société guadeloupéenne. Dans le style tranchant qu’on lui connais- sait, il déclarait : «La Guade-loupe comme la terre entière est malade et les problèmes que les Guadeloupéens ont à résoudre, ne sont pas ceux du Socialisme mais ceux de l’existence nationale libre sur le plan politique, de l’émergence de réseaux d’activité productive sur le plan économique. … La Guadeloupe est très malade et sa maladie se manifeste presque dans tous les domaines, si l’on veut aller au fond des choses et ne pas s’en tenir aux seules apparences de quelques progrès matériels indéniable».

Et Girard a poursuivi en précisant :«Une société, c’est d’abord la pro- duction, avant d’être la consomma- tion. Dans l’euphorie ou la passivité générale, la Guadeloupe est transfor- mée par le pouvoir colonial et ses complices, les bourgeois du com- merce d’importation, en un réseau exclusif de consommation de mar- chandises produites par d’autres et en d’autres pays.

L’on consomme ici des fruits venus d’Italie, d’Australie ou d’ailleurs, des jus de fruits venus d’Amérique du Sud, des légumes verts venus on ne sait d’où. La terre n’est plus la mère nourricière, mais marchandise utili- sée directement à faire de l’argent. Dans les magasins dits de souvenirs, il y a des produits de l’artisanat de tous les pays mais pour ainsi dire pas de la Guadeloupe… Comment un pays peut-il ainsi, sans réagir, accep- ter une telle dépendance vis-à-vis de l’extérieur ?».Quelques quarante- neuf après ce diagnostic, malgré certains changements intervenus, restent toujours valable.

La question posée par Girard en 1978 est toujours ouverte et nous place face à notre responsabilité d’y apporter une réponse ou des réponses adaptées à notre époque. Nous n’abordons pas le sujet les mains vides car, dans le discours de Girard, se trouvent exposés les prin- cipales causes de la maladie qui nous ronge :

- La dominance du pouvoir colo- nial français et ses complices, les pwofitant

- Le système de l’import consommation

- L’envahissement du pays paral- lèlement à l’exclusion des Guadeloupéens des lieux de décision

- Notre passivité individuelle et collective

Tous ces obstacles au développe- ment du pays et au mieux-vivre ne pourront être levés que s’il y a une véritable prise de conscience de l’homme guadeloupéen de son identité, de ses droits légitimes sur cette de Guadeloupe et aussi un sursaut de dignité pour rom- pre avec toute forme de mimé- tisme, d’identification à ceux de l’autre bord.

Il est clair que les remèdes au mal ne peuvent venir que de l’homme gua- deloupéen, de son engagement et de son intervention individuelle- ment et collectivement.

En clair, pour changer la situation de la Guadeloupe, il faut que l’hom- me guadeloupéen se change lui- même, change son regard sur son pays et sur le monde extérieur, rompt avec les idées imposées par plusieurs siècles d’oppression coloniale et d’assimilation.

C’est l’exigence et l’urgence d’une véritable révolution culturelle qui est posée à ce stade.

Pas une révolution qui porte sur la production culturelle, la diffusion culturelle, la politique culturelle institutionnelle.

Il s’agit d’une révolution qui s’adres- se à l’esprit, à la conscience et qui doit viser à un changement de men- talité et de comportement de l’homme guadeloupéen.

Tout d’abord l’homme guadelou- péen doit avoir confiance en lui- même, dans sa capacité à réaliser les meilleures performances dans tous les domaines d’activités. Il doit croire dans le riche potentiel de son pays qui dispose des atouts pour lui permettre d’y vivre décemment, l’aimer et le défendre.

Cette révolution culturelle doit conduire à un large consensus gua- deloupéen sur le mot d’ordre«Produire et consommer guadelou- péen». Cette bataille économique, il nous faut dans l’unité l’étendre au domaine politique pour la conquête d’un pouvoir guadeloupéen.