Venezuela : Comment vit-on dans une commune du Grand Caracas ?

Les communes sont des formes d’organisation populaire, territo- riale et productive, dont le modèle économique se base sur le bien commun et la propriété commune. Cette forme a été promue par l’ancien président Hugo Chávez, en particulier au cours des dernières années de son mandat. Dans l’un des dis- cours les plus connus de Chávez, intitulé «le coup de timon», le chef d’État avait fait une série d’autocritiques sur le processus de la révolution bolivarienne, concluant sur une «commune ou rien !» Comme méthode pour avancer dans le socialisme.

Les Vénézuéliens ont ré- pondu à l’appel. Selon le ministère du pou- voir Populaire pour les communes et les mouvements sociaux, il y a aujourd’hui près de 48 000 conseils communaux et 3115 communes créées au Venezuela. Rien qu’en mai 2019, 20 autres ont été enre- gistrées légalement.

PREMIER ANNIVERSAIRE DE LACOMMUNE D’ALTOS DE LIDICE

La commune socialiste d’Altos de Lidice rassemble 350 familles à tra- vers sept conseils communaux. C’est la première commune fondée dans le quartier populaire de La Pastora et la centième organisation communale du Grand Caracas.

Pour le bien commun

En 12 mois de construction com- munale à Altos de Lídice, il a été possible d’inaugurer une pharmacie communale, avec des médica- ments donnés par des organisa- tions de gauche de l’étranger. La pharmacie offre des médicaments - si difficiles à trouver en période de blocus- aux communard(e)s, la priorité étant donnée aux per- sonnes âgées, aux enfants et aux femmes enceintes

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Un autre domaine dans lequel de grandes nécessités ont été pro- duites par les sanctions états- uniennes est celui de l’alimentation. En plus de garantir la distribution d’aliments à bas prix via les Comités Locaux d’Approvisionnement et de Production (CLAP), les membres de la commune Altos de Lídice pré- voient également d’ouvrir un res- taurant communal pour garantir les repas aux populations les plus vul- nérables du secteur. Pour détermi- ner qui en bénéficiera, l’équipe de santé, en collaboration avec les médecins de la Mission sociale «Barrio Adentro», procédera à un recensement, une pesée et une consultation de chaque habitant(e) de la zone communale.

En plus d’améliorer le régime ali- mentaire, on stimule la coopération entre les communes afin d’assurer une alimentation moins chère. En un mois seulement, deux marchés communaux ont eu lieu, en mettant en vente notamment des produits des Communes El Maizal, dans l’état de Lara, San Martín dans le quartier San Juan, dans la zone ouest de Caracas, et El Panal 2021, dans le quartier 23 janvier, près du Palais présidentiel de Miraflores, dans le centre de la capitale. Café, pain, sardines, légumes, un peu de tout, produit par tous, pour tous.

On a également réussi à planter du maïs et des poivrons sur la partie la plus haute du “barrio”, là où ce quar- tier populaire touche les limites du Parc national Warairarepano, qui s’étend tout autour de Caracas.

▲En écoutant les témoignages, on peut voir qu’un autre aspect qui g énère l’unité d’action des habi- tants autour de la commune est le besoin de services publics. Afin de garantir la propreté des rues et le bon fonctionnement de tout ce qui e st d’utilité publique, la Commune a créé une Brigade d’Entretien qui répond aux besoins quotidiens en eau, mais coordonne également le système de collecte sélective et de recyclage des ordures, qui a déjà recueilli 200 kilos de matières recy- clables pour générer des revenus aux habitants.

Le service d’eau n’est pas encore continu, mais aujourd’hui, la société publique Hidrocapital a distribué des dizaines de réservoirs d’eau dans toute la communauté et l’ap- provisionne régulièrement en camion-citerne.

Après avoir lu la liste des objectifs atteints et de quelques autres, Jésus ajoute : «Nous célébrons l’effort et la victoire. Elle est due à la patience, à l’effort et à la volonté de vivre mieux, de vivre dans un monde meilleur. Même si les oligarchies his- toriques nous ont envoyés vivre ici dans des baraquements, sur les hauteurs, cela ne veut pas dire que nous devons vivre mal.

Reconnaissance internationale

Lors de la célébration de l’anniver- saire, avec gâteau et chanson tradi- tionnelle, les communard(e)s ont reçu des messages de soutien du Brésil, de la Colombie, de l’Argentine et des Etats-Unis.

Le travail ne s’arrête pas. Dimanche prochain, de nouveaux délégué(e)s des conseils communaux seront élus pour un mandat de deux ans. Ensuite, il s’agira de former le parle- ment communal, puis la banque communale, chargée de créer des liens communautaires et de gérer l’argent produit par la commune.

Le Parlement communal serait la plus haute instance d’autonomie, composé de trois délégué(e)s des unités sociales productives créées au sein de la commune, un repré- sentant de chaque conseil commu- nal et un représentant de la banque commune.

Ces structures de base sont prévues par la Loi organique des communes, promulguée en 2010 pour donner un caractère constitutionnel à l’ini- tiative. Avec la législation a été créé le ministère des Communes, qui en plus de promouvoir la création de p ropriétés communales, conseille l’organisation et offre un soutien financier, politique et technique.

Obstacles à l’intérieur de l’État

Lorsqu’un collectif propose de créer un nouveau modèle socio- é conomique à l’intérieur des struc- tures de l’ancien modèle de pro- duction, des contradictions appa- raissent. Le délégué du comité des finances et l’un des fondateurs de la commune, Jizeeh Luy, un com- merçant de 60 ans, ne s’en cache pas : «être membre d’une com- mune fait de vous une personne très critique vis-à-vis de l’Etat».

Le prochain grand défi est de résou- dre le problème les transports publics à Altos de Lídice. En raison du blocus états-unien, les pièces de rechange sont difficiles à trouver, de sorte que les propriétaires d’auto- bus et de fourgonnettes privées ne veulent pas monter la colline pour éviter l’usure des véhicules. Et les unités de transport public sont éga- lement arrêtées par manque de pièces de rechange.

La proposition des communard(e)s est que la mairie ou le gouverne- ment du district de la capitale leur donne une partie des bus avariés, à l’arrêt depuis des mois, voire des années, dans des aires de stationne- ment des institutions publiques.

V ers l’État communal

Malgré ces difficultés, ce qui peut apparaître dans les livres comme une utopie, comme quelque chose d e lointain ou même d’inaccessible, est bien une réalité au Venezuela. L’article 10 de la Loi organique des C ommunes le définit en ces termes : “La commune est une forme d’or- ganisation politico-sociale de droit et de justice établie dans la Constitution, dans laquelle le pou- voir est exercé directement par le peuple, par autogestion, selon modèle économique de propriété sociale, de développement durable (…). La cellule fondamentale de conformation de l’état communal est la commune”.

Bien sûr, un texte de loi ne suffit pas. Pour que le rêve écrit sur le papier puisse s’incarner, nous avons besoin de gens comme Jésus Garcia. Militant social 24 heures sur 24, il décrit l’avenir proche, le regard bril- lant : «Je me suis fixé un objectif : en 2017, structurer les conseils com- munaux. En 2018, construire une commune. En 2019, atteindre l’in- dépendance. En 2020, construire d’autres communes et, en 2021, avoir une ville commune. Ce rêve que j’ai partagé avec Chávez en visi- tant la Caserne de la Montagne [où reposent les restes de l’ancien prési- dent]. J’ai dit : «Compadre, je vais travailler dur et je vais l’obtenir».