L’orientation après le Baccalauréat La procédure «Parcoursup»

Tout élève de terminale qui sou- haite poursuivre des études supérieures doit passer par un site internet pour faire une préinscription. Une procédure commencée en 2002, il y a près de vingt ans, avec les études spécialisées.

C ette dernière s’est ensuite généralisée quelques an- nées plus tard avec un dis- positif kafkaïen appelé APB (Admission Post Bac). Ce dispositif décrié avait entre autres résultats, d’obliger les étudiants à classer leurs voeux et, dès la réponse des universités, à choisir dans un temps assez court, sans possibilités de rétractation. Pire, il arrivait que des étudiants classés ex-aequo pour une formation donnée soient départagés par un tirage au sort. Stress assuré pour des lycéens en année d’examen ! Ce site totale- ment inadapté à sa fonction a été depuis remplacé par un autre site appelé «Parcoursup» qui est censé fonctionner de façon plus humaine. C’est le ministre de l’Éducation nationale qui le dit !

Pourtant, quand on regarde les détails, ils révèlent exactement la philosophie libérale qui se cache derrière. En effet, il faut tout d’abord que le lycéen fasse sa demande de préinscription en joi- gnant ses bulletins de 1ère et de terminale, un avis du conseil de classe et une lettre de motivation, soit quatre documents. Faites le compte, il y a environ six cent mille lycéens chaque année qui postulent pour l’enseignement supérieur. Cela fait des millions de documents à exploiter.

Tâche impossible à réaliser à l’uni- versité qui est déjà en sous-effectif criant dans tous les postes. On confie donc le tri à des machines et à des algorithmes. Ces algorithmes sont, pour partie, rendus publics et pour partie, tenus secrets par les établissements d’enseignement supérieur. C’est-à-dire, en clair, que ces établissements peuvent choisir de discriminer selon des critères qui leurs sont propres «leurs» étu- diants. En réalité ce ne sont pas «leurs» étudiants, mais les étu- diants de la République. L’égalité républicaine, si elle n’a jamais été réalisée, est depuis longtemps une fiction. Ici, on atteint des sommets de cynisme. Au point que le défen- seur des droits, Jacques Toubon, s’en est ému en janvier 2019, pour dénoncer le manque de transpa- rence de cette procédure qui, par exemple, fait que telle université de Paris favorise les lycéens pari- siens (la classe sociale est évidem- ment liée au domicile dans ce cas) ou que telle autre université fait entrer dans ses critères de sélection le taux de réussite au baccalauréat dans le lycée d’origine.

De plus, on occulte complètement le fait que certains étudiants se révèlent dans le supérieur, en fai- sant les études qui leur plaisent. Sélectionner dès le lycée est contreproductif. On a fait valoir, en plaisantant, qu’Einstein aurait sans doute été refusé à l’université avec ce système car c’était un élève très moyen au lycée… Ce système de sélection à l’entrée dans l’enseignement supérieur, correspond à une évolution géné- rale «à l’américaine» qui a déjà été le cas en Grande Bretagne ou au Canada dans la décennie précé- dente. Des études de plus en plus chères qui vont de pair avec une paupérisation des étudiants, comme l’a révélé au grand public la dramatique immolation récen- te d’un étudiant lyonnais.

Cette évolution n’a rien d’inévita- ble. Elle rencontre l’opposition des professeurs du secondaire, bien relayée par les syndicats ensei- gnants, des enseignants du supé- rieur (jusqu’aux doyens d’univer- sité qui dénoncent le manque de moyens) et, bien sûr, par les étu- diants eux-mêmes. Elle doit être dénoncée avec vigueur et mon- trer le piège tendu aujourd’hui aux citoyens, avec la multiplica- tion des machines et des algo- rithmes dans leur vie de tous les jours. On touche du doigt le véri- table danger démocratique que représente l’utilisation des nou- velles technologies. Et il est parti- culièrement grave que, dans le cas de Parcoursup, ce soit la jeunesse qui soit victime de ce mauvais coup. Selon l’expression consa- crée, on insulte l’avenir.