Année Henri Sidambarom : Une initiative du Conseil régional

Après l’année Guy Tirolien, Dany Bébel Gisler et Gerty Archimède, le Conseil régional continue de rendre hommage aux grandes figures qui ont forgé et porté le destin de la Guadeloupe par leur engage- ment aux côtés des faibles, des démunis, des opprimés, des exploités, en se faisant leurs défenseurs.

C’ est ainsi que le mercredi 29 janvier 2020, en fin de journée, s’est déroulée au Centre guadeloupéen de la culture indienne, rue du Débarcadère à Petit-Canal, le lancement de l’an- née Henri Sidambarom.

QUI ÉTAIT HENRI SIDAMBAROM ?

Il avait pour parents des immi- grants indiens, originaires de la ville de Kumbakonam dans le dis- trict de Tanjore, employés dans «l’habitation Rivière-Pérou», à Capesterre Belle-Eau.

Exception rare à cette époque, où l’instruction pour les immigrants était très onéreuse, il est envoyé en 1870 faire sa scolarité à Pointe-à- Pitre, chez les frères de Ploërmel.

C’est au service de l’immigration, où il travaille tout d’abord, que, par une connaissance directe des dossiers de ses congénères, il prend conscience de leurs pro- blèmes d’intégration.

Amené par la suite à s’établir, en tant que négociant à Pointe-à-Pitre, Henri Sidambarom se présente comme conseiller municipal sur la liste que patronne Narcisse Danae père et est élu le 13 juin 1897.

Son action à la mairie de Pointe-à- Pitre est loin d’être négligeable. Vers 1902, il retourne à Capesterre Belle- Eau pour s’occuper des affaires de sa famille. Il exerce des fonctions de juge de paix et, mutualiste convaincu, il fonde avec quelques amis «L’Obole du travailleur», une des sociétés de secours mutuel des plus actives et sérieuses. Il faillit même devenir conseiller général.

Sidambarom mérite une place dans l’histoire de la Guadeloupe, car c’est lui qui intervient efficacement auprès des autorités locales et du gouvernement français pour obte- nir la reconnaissance des droits électoraux et des obligations mili- taires pour les fils d’Indiens, nés à la Guadeloupe, ce qui revenait à les considérer comme des Français à part entière.

Ayant constaté que la Commission municipale de révision de la liste électorale de certaines communes, telles que Saint-Claude, où les fils d’Indiens nés à la Guadeloupe sont favorables à la municipalité, conti- nue à les inscrire sous le contrôle de l’Administration, tandis que d’au- tres où les maires estiment qu’ils sont hostiles, telle que la commune de Le Moule, la Commission les fait radier avec l’assentiment de la même «Administration».

SON COMBAT, AVEC TÉNACITÉ

Sidambarom intente alors un pro- cès au gouvernement. Le Tribunal rend son jugement le 25 février 1904 et adopte les conclusions de Sidambarom, accordant ainsi le bénéfice de la loi du 26 juin 1889 à tous les Indiens, sauf ceux qui, ayant atteint l’âge de la majorité avant la dite loi, n’ont pas fait la déclaration d’option qui leur était imposée par l’article 9 du Code civil, et ceux dont l’identité n’a pu être établie.

La situation paraît claire. Pourtant le 10 mai 1905, le gouverneur Boulloche informe Sidambarom, par une lettre, qu’après une nou- velle étude de la question, il a décidé qu’il n’y a pas lieu de donner suite. Jusqu’en 1919, la situation reste confuse. Notons cependant que, parmi les noms des Guadeloupéens du canton de Basse-Terre morts pour la France pendant la guerre 14-18, on relève pour la commu- nauté de Saint-Claude, le nom de Saverimoutou (Jean-Joseph) ce qui tend à montrer que, dans cer- tains cas, l’obligation est appli- quée aux Guadeloupéens d’ascen- dance indienne.

Le 14 février 1919, Sidambarom fai- sait à nouveau une demande au gouverneur pour fixer le régime politique et le «droit électoral des fils d’Indiens nés dans la colonie». Le 20 février 1919, il reçut la réponse télégraphique suivante : «En réponse votre lettre, honneur vous informer que ministre des Colonies consulté a fait connaître que fils et descendants hindous originaires aussi bien établissements français que Inde anglaise doivent être inscrits sur les listes électorales».

Nouveau rebondissement de l’af- faire en 1922, quand les droits électoraux des Indiens furent menacés en même temps que l’obligation du service militaire, tou- jours en vertu d’une clause de la convention franco-anglaise du 1 er juillet 1861, qui fixait les conditions d’immigration des Indiens dans les Antilles françaises.

Sidambarom reprit la plume et le ministre des Colonies, Albert Sarraut, trancha définitivement la question par cette décision : «Les Indiens de la première génération ne seront pas incorporés, en vertu de la Convention de 1861, et les descen- dants des générations suivantes seront des Français à part entière».

La ténacité de Sidambarom était enfin récompensée et les droits des Indiens définitivement reconnus.

De G.S.

Tiré du dictionnaire Encyclopédique des Antilles et de la Guyane