La dépendance !

Au stade de désagrégation où se situe notre pays en ce début du XXI ème siècle, les hommes et les femmes en capacité de penser, d’analyser, d’écrire et de dire n’ont plus le droit de se payer des mots pour faire bien, pour prendre le sens du vent.

Le temps est venu de parler vrai, de dire les choses franchement, de faire preuve d’honnêteté intellectuelle. Nous n’avons ici de leçons à donner à quiconque qui fait l’effort d’apporter sa contribution à la compréhension de la situation que vit notre communauté. Dans ce monde de «masko», c’est déjà faire preuve de courage.

Mais, sans nous considérer comme les gardiens du temple, compte tenu de la permanence de notre engagement depuis plus d’un demi-siècle, dans la lutte de libération de notre peuple, nous esti- mons avoir la responsabilité de ne pas laisser embrouiller le débat.

L’état de dépendance de notre pays ne souffre d’aucune discus- sion, ne s’explique par aucun des supposés handicaps dont par- lent doctement les thuriféraires du système à l’origine du non- développement qu’il connaît.

Cette dépendance est globale : juridique, économique, sociale, financière, psychologique, culurelle. Elle repose sur trois piliers : les institutions qui organisent, sous le contrôle du pouvoir de l’Etat français, la gestion des affaires de notre pays, la soumission des élites et l’aliénation d’une grande fraction du peuple.

Ce rapport de dépendance qui est en fait l’expression du colonia- lisme en oeuvre sur notre territoire, dans sa forme la plus perni- cieuse, l’assimilation, a été diagnostiqué avec lucidité par les com- munistes guadeloupéens dès 1955. Ils ont mis en évidence cette vérité à ce jour incontestable : «La Guadeloupe ne pourra jamais se développer dans l’application bornée des lois et règlements pensés pour la France et pour l’Europe».

Ce diagnostic a débouché en 1958 sur la création d’un Parti Communiste indépendant et la revendication d’un statut d’Autonomie permettant de domicilier un véritable pouvoir poli- tique en Guadeloupe pour sortir des dépendances mutilantes.

La revendication communiste indiquait clairement, et c’est encore le cas aujourd’hui que le changement institutionnel à lui seul ne pou- vait régler la question de la dépendance. Il impliquait la conquête du pouvoir politique par les Guadeloupéens. Cette exigence n’a pas échappé aux communistes qui ont élargi le débat en précisant : «La condition sine qua non pour impulser un bond en avant dans le pays passe par la conduite d’une véritable révolution culturelle portant sur le changement des mentalités et des comportements pour faire de l’homme guadeloupéen un être social conscient de son identité, de son histoire, de sa culture et de sa responsabilité devant son pays».

La rupture avec la dépendance passe toujours aujourd’hui par cette double révolution : Politique et culturelle.