Fruit à pain : un projet agro-industriel «les flocons d’or»

Nouvelles-Etincelles a interrogé Alexe Adélaïde, Technicienne en études marketing international. Directrice du Bureau d’études «SCINDIGUADELOUPE» (Scénographie, ingénierie nova- trice, développement des initia- tives). Chef de Projet de l’orga- nisme TEGABIO.SFA- SARL BELLES SAVEURS (Technopole gastronomique bio. Services et filières associés), dirigé par le Docteur Jean-Claude Pierrot.

Alexe Adélaïde quelles sontvos motivation ?Alexe Adélaïde :C’est en réponse aux approvisionnements extérieurs réguliers de produits alimentaires peu nutritifs (aliments de base : lait en poudre pour bébés, flocons de pomme de terre, farine de blé pour le pain quotidien, les gâteaux, dom- brés, crêpes, pizzas…) proposés à la population de Guadeloupe, qu’en ma qualité de Technicienne en études marketing international et en biologiste en pré-formation à Toulouse, à mes débuts universi- taires que j’ai porté cette réflexion pour développer une production authentiquement locale au niveau industriel pour répondre à cet apport nutritionnel en «Prêt à l’em- ploi» et préconiser une sécurité ali- mentaire locale. Observer en 1992 au titre d’étudiante stagiaire que l’agriculture tropicale s’étudiait sous des hectares sous serres à l’univer- sité de Kassel, au département «Organic Agricultural Sciences» à Witzenhausen en Allemagne avec pour terrain d’expérimentation, l’île de Saint-Domingue, ne pou- vait qu’attiser ma détermination au retour au pays d’impulser un projet agro-industriel

. C’est en 2010 que l’écoute de ce doux rêve à capter l’attention d’un fervent patriote, en la personne du Docteur Jean-Claude Pierrot qui y croit plus que jamais à ce projet.

Depuis plusieurs années on assiste à l’éclosion de différentes initia- tives autour du «fruit à pain» appelé aussi «manman zanfan». Comment expliquez-vous ce regain d’intérêt pour l’arbre à pain et le fruit à pain, jadis délaissés ?Originaire d’Océanie et du Pacifique et importé à la fin du 18 è me siècle dans les Caraïbes pour la richesse nutritive exceptionnelle et l’abon- dance de ses fruits, l’Artocarpus Altilis (nom scientifique) commu- nément appelé ; l’arbre à pain fait l’objet d’étude pour beaucoup d’institutions internationales et de nombreux acteurs scientifiques et économiques travaillent aujour- d"hui à la conservation de l’arbre à pain, à sa culture et à la reconnais- sance de son potentiel extraordi- naire pour lutter contre l’insécurité alimentaire et améliorer les condi- tions de vie des populations en mal- nutrition et/ou sous-développées.

Ainsi, le Breadfruit Institute à l’initia- tive du Global Breadfruit Project (projet de diffusion internationale des cultures à partir d’Hawaï et d’Allemagne), la Global Mana Foun- dation et le Global Breadfruit Heritage Council à Hawaï, le dépar- tement de «Food Production» de West Indies University à Tobago et Trinidad, La Trees that Feed Foun- dation en Jamaïque ou encore les gouvernements des Comores, de l’île Maurice mais aussi des institu- tions internationales comme l’Or- ganisation des Nations Unies pour l"alimentation et l"agriculture (la FAO) travaillent de manière approfondie sur ce légume. Cet organisme a même soutenu en octobre 2017 Le Second Pacific au Sommet mondial du fruit à pain et de la région Pacifique à Apia aux îles Samoa.

Les travaux des chercheurs s’accor- dent sur l’excellente valeur nutritive du fruit à pain, mais également sur ses impacts positifs en matière de santé et le Docteur Mona Hedreville y accorde une grande importance à sa large consommation pour la régulation du rythme cardiaque. C’est donc sous l’angle de la sécu- rité alimentaire (Global Hunger Inititative) et de la santé nutrition- nelle que s’orientent les recher- ches scientifiques et que se déve- loppent les initiatives contempo- raines les plus importantes de pro- motion, de cultures et d’exploita- tion économiques du fruit à pain.

Il est important de préciser, que face aux conséquences sanitaires sur la production de légumes racines tra- ditionnels de la pollution des sols de Guadeloupe et de Martinique au chlordécone -pesticide épandu pen- dant 20 ans pour lutter contre le charançon de la banane- la promo- tion de la culture et de la consom-▲m ation de fruits de l’arbre à pain qui échappent à la contamination, pré- sente une alternative de premier o rdre pour la sécurité alimentaire.

Il est donc du devoir de chaque Guadeloupéen, Martiniquais et Guyanais de s’impliquer dans la d émarche participative écono- mique et sociétale que préconise le Bureau d’études SCINDI pour renta- biliser au mieux, de manière indus- trielle ce légume bio, sans gluten.

Vous portez un projet industriel «les flocons d’or» qui ambitionne de faire de l’arbre à pain et du fruit à pain un axe essentiel de notre développement. Quelles sont les caractéristiques de ce projet ?En effet, le bureau d’études SCINDI que je dirige a mené avec ses pro- pres fonds de 2010 à 2014, en par- tenariat avec des biologistes hollan- dais, une étude de faisabilité agro- industrielle pour quatre produits ali- mentaires tropicaux : le fruit à pain, l’igname, la banane poyo et la patate douce. Ce travail probant nous a permis de valider et de bre- veter ce process agro-industriel au niveau national et international. C’est ainsi que lors d’une action de communication dans notre stand, au Salon International de l’Agri-cul- ture à la Porte de Versailles en 2015, des dégustations de spécialités divers : tartes, éclairs, choux à la crème et smoothies produits par de grands pâtissiers, chocolatiers de Paris et moi-même avec pour base alimentaire les flocons de fruit à pain et de banane poyo, nous a per- mis d’être sélectionné pour recevoir à Paris en 2015, sous la bannière de plusieurs chefs, le Trophée de l’in- novation économique du monde créole. Prix offert par l’Académie culinaire du monde créole.

Le 19 juin 2020, vous lancerez avecle Professeur Julius Garvey, en invité d’honneur, la campagne de planta- tion des arbres à pain. Quels sont les objectifs que vous assignez à cette campagne et quel est le rapport avec Julius Garvey ?Les membres du bureau d’études SCINDI envisage de lancer la cam- pagne de plantation des arbres à pain sur tout le territoire de la Guadeloupe avec une priorité (en plantation symbolique) sur une propriété familiale de six hectares à Saint-François, le vendredi 19 juin 2020, lors de la Journée mondiale de la gastronomie durable. Cette journée initiée par l’Organisation des Nations Unies pour l"alimen- tation et l"agriculture (La FAO) et l’Unesco est aussi l"occasion d"at- tirer l’attention de tous sur le rôle q ue la gastronomie durable peut jouer dans la réalisation des objec- tifs de développement durable, n otamment en favorisant : le développement de l’agriculture, la sécurité alimentaire, la nutrition, la production alimentaire durable et la préservation de la diversité b iologique.

Le Professeur Julius Garvey, fils du héros national jamaïquain sera en effet reçu en invité d’honneur ainsi que de nombreux autres profes- sionnels nationaux et internatio- naux spécialistes du fruit et de l’ar- bre à pain. C’est parce que nous connaissons l’intérêt de ce grand professeur qui a contribué à l’émer- gence et à de nombreux échanges économiques dans la Caraïbe, dans le cadre de la promotion d’une agri- culture locale en offrant à la Dominique et la Jamaïque respec- tivement 400 et 500 plants issus d’une nouvelle variété d’arbres à pain plus robuste et plus produc- tive, à l’occasion du 128 è me anni- versaire de la naissance de son illustre père, Marcus Garvey que nous souhaitons lui faire partager nos perspectives.

Les nouveaux spécimens d’arbres à pain proposés ayant une vitesse de rendement accélérée, leur permet- tant de porter des fruits entre 2 et 3 ans, comparé au standard produi- sent à partir de 3 ou 5 ans. Il est de même aussi à noter la démarche participative économique et socié- tale de Marcus Garvey tout à fait identique à la nôtre aujourd’hui.

Les conditions existent elles enGuadeloupe pour penser à la créa- tion d’une filière de production et de transformation du fruit à pain ?Le bureau d’études SCINDI que je dirige propose de travailler à la structuration d’un groupement d’acteurs pour participer à l’émer- gence d’une filière économique i ntégrée de fruit à pain, en partena- riat avec des opérateurs écono- miques et scientifiques. Afin de c réer cette perspective agro-indus- trielle, le projet prévoit le dévelop- pement en agroforesterie préco- nisé par l’Etat avec le partenariat du Ministère de l‘Agriculture, de l’ali- m entation et de la forêt et sur des terrains privés avec des proprié- taires volontaires. Le concours du département de Guadeloupe est de même sollicité pour la planta- tion sur des terres en friche et l’approvisionnement en fruits à pain pour la mise en place de ce procédé agro-industriel de pro- duction de flocons alimentaires. Nous prendrons de même en compte la transformation des sous-produits et bio-déchets du fruit en rapport avec le marché. Par le biais de cette initiative por- teuse, l’innovation agro-alimen- taire conçue et promue par TEGABIO.SFA SARL BELLES SAVEURS répondra à un intérêt croissant de revitalisation des espaces fonciers agricoles, à la dynamisation d’une filière écono- mique, à la création de nombreux emplois directs et indirects, dans une approche socialement inclu- sive, mais aussi, à des formations spécifiques et particulières per- mettant de développer une pro- duction alimentaire locale et des perspectives d’exportation. Fondée sur un principe de solida- rité, d’utilité sociale et de respect de l’environnement dans le déve- loppement et l’exploitation d’une ressource agricole, le fruit à pain, TEGABIO.SFA SARL BELLES SAVEURS intègrera dans toute sa dimension le concept d’économie sociale et solidaire (ESS) par le mode de gestion démocratique et participatif qu’elle adoptera pour son projet alimentaire universel «Les Flocons d’Or» et, au sein duquel, le profit individuel sera proscrit et les résultats réinvestis.