1791 : Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne

C’est à la mi-septembre 1791, qu’Olympe de Gouges a publié sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Dès les Cahiers de doléances, diverses revendications avaient été exprimées par quelques ano- nymes qui demandaient que les femmes puissent faire partie du gouvernement et avoir des représentantes à l’Assemblée nationale.

D ans son article de juillet 1790, «Sur l’admission des femmes au droit de cité», Condorcet s’était associé à ce com- bat, et, pendant l’été 1791, plu- sieurs autres pamphlets étaient parus sur ce thème, notamment celui de Madame de Cambis, «Du sort actuel des Femmes».

La déclaration d’Olympe de Gouges part, comme eux, de l’idée que les femmes, qui possèdent toutes les facultés intellectuelles, ont par nature les mêmes droits que les hommes. La nation étant définie comme «la réunion de la femme et de l’homme»(article 3), elle en déduit que «la Constitution est nulle si la majorité des individus qui com- posent la nation n’a pas coopéré à sa rédaction».

La déclaration d’Olympe de Gouges passa presque inaperçue et les écrits féministes des années sui- vantes, comme ceux du XIX ème siè- cle, ne s’y référeront pas. Mais la forme de ce texte, celle d’une décla- ration des droits, est unique à son époque et lui confère une force qui expliquera son succès tardif dans la seconde moitié du XX ème siècle.

PRÉAMBULE

Les mères, les filles, les soeurs, repré- sentantes de la nation, demandent à être constituées en Assemblée nationale.

Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gou- vernements, ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaltérables et sacrés de la femme, afin que cette déclara- tion constamment présente à tous les membres du corps social leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes et ceux du pouvoir des hommes, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fon- dées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution, des bonnes moeurs et au bonheur de tous.

En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage dans les souffrances maternelles recon- naît et déclare, en présence et sous les auspices de l’être suprême, les droits suivants de la femme et de la citoyenne :

Article 1La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité com- mune.

Article 2Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la femme et de l’homme. Ces droits sont : la liberté, la prospérité, la sûreté et surtout la résistance à l’oppression.

Article 3Le principe de toute sou- veraineté réside essentiellement dans la Nation, qui n’est que la réu- nion de la femme et de l’homme ; nul individu ne peut exercer d’auto- rité qui n’en émane expressément.

Article 4La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui ; ainsi l’exercice des droits naturels de la femme n’a de bornes que la tyrannie perpé- tuelle que l’homme lui oppose ; ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison.

Article 5Les lois de la nature et de la raison défendent toutes actions nuisibles à la société ; tout ce qui n’est pas défendu par ces lois sages et divines ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elles n’ordonnent pas.

Article 6La loi doit être l’expression de la volonté générale : toutes les citoyennes et citoyens doivent concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation ; elle doit être la même pour tous ; toutes les citoyennes et citoyens étant égaux à ses yeux doivent être également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autres distinctions que celles de leurs ver- tus et de leurs talents.

Article 7Nulle femme n’est excep- tée ; elle est accusée, arrêtée, et détenue dans les cas déterminés par la loi : les femmes obéissent comme les hommes à cette loi rigoureuse.

Article 8La loi ne doit établir que des peines strictement et évidem- ment nécessaires, et nulle ne peut être punie qu’en vertu d’une loi éta- blie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée aux femmes.

Article 9Toute femme étant décla- rée coupable, toute rigueur est exercée par la loi.

Article 10Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même fonda- mentales ; la femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit éga- lement avoir celui de monter à la tri-▲b une, pourvu que ses manifesta- tions ne troublent pas l’ordre public établi par la loi.

Article 11La libre communication des pensées et des opinions est un d es droits les plus précieux de la femme, puisque cette liberté assure la légitimité des pères envers leurs enfants. Toute citoyenne peut donc dire librement : je suis mère d’un enfant qui vous appartient, sans qu’un préjugé barbare la force à dis- simuler la vérité ; sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans des cas déterminés par la loi.

Article 12La garantie des droits de la femme et de la citoyenne néces- site une utilité majeure ; cette garantie doit être instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’uti- lité particulière de celles à qui elle est conférée.

Article 13 Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, les contributions des femmes et des hommes sont égales ; elle a part à toutes les cor- vées, à toutes les tâches pénibles, elle doit donc avoir de même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l’industrie.

Article 14 Les citoyennes et cito- yens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représen- tants la nécessité de la contribution publique. Les citoyennes ne peuvent y adhérer que par l’admission d’un partage égal, non seulement dans la fortune, mais encore dans l’adminis- tration publique et de déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée de l’impôt.

Article 15La masse des femmes, coalisée pour la contribution à celle des hommes, a le droit de deman- der compte à tout agent public de son administration.

Article 16 Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution. La constitution est nulle si la majorité des individus qui composent la Nation n’a pas coo- péré à sa rédaction.

Article 17Les propriétés sont à tous les sexes réunis ou séparés : elles sont pour chacun un droit inviolable et sacré ; nul ne peut être privé comme vrai patrimoine de la nature, si ce n’est lorsque la néces- sité publique, légalement consta- tée, l’exige évidemment et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.