8 mars 2020 : L’Union des Femmes Guadeloupéennes a célébré sa 62 ème Journée Internationale des Femmes

C’est dans la belle commune de Port-Louis et à la salle «La Roseraie», située à la rue Gerty Archimède, que l’UFG a célébré sa 62 ème Journée Internationale des Femmes, en compagnie d’une centaine de femmes d’horizons divers et d’une dizaine d’hommes, plutôt jeunes, accompagnant leurs épouses. Le thème de la journée : «Résister pour vivre ! Marcher pour transformer» a fait l’objet d’une discussion nourrie et de haute tenue. D’abord introduite par l’in- tervention de la présidente, Ketty Lombion-Couriol, elle s’est déroulée sous l’agréable houlette de deux jeunes mili- tantes : Solène et Mélissa, qui ont très bien réussi l’or- ganisation du débat. Les exemples de «modes de résistance» ont été nombreux et formateurs. L’assistance a mani- festé en conclusion, ses espoirs dans un changement de menta- lité, fortement entraîné par la résistance organisée des femmes guadeloupéennes.

Résistons pour vivre ! Marchons pour transformer !

(Extraits de l’intervention de la présidente de l’UFG Mme Ketty Lombion-Couriol) Pourquoi l’Union des Femmes Guadeloupéennes (UFG) a-t-elle placé la célébration du 8 mars cette année, sous ce thème issu de celui de la Marche Mondiale des Femmes 2020 ? Que signifie, selon nous, ce slogan et en quoi répond-il à nos préoccupations actuelles ? En quoi peut-il insuffler une réflexion et des actions nouvelles au service de la cause des femmes et singulièrement des femmes de la Guadeloupe ?

La célébration de la Journée Internationale des Femmes est pour nous l’occasion, d’une part, de faire le bilan de la situation des droits des femmes et de constater pour nous en réjouir, des progrès accomplis ; et d’autre part, l’occasion de mesurer le chemin qu’il reste à parcourir et les actions à mener pour l’avenir.

De ce point de vue, on ne peut méconnaître qu’au cours de cette dernière décennie, la condition fémi- nine s’est, à l’échelle mondiale et de façon globale, améliorée. Cela ne s’est pas fait tout seul !

Il a fallu les revendications et les luttes incessantes des femmes elles- mêmes, avec dans certains cas, c’est vrai, l’accompagnement et le soutien de personnalités et de forces éclairés et progressistes !

Mais, il faut constater que les progrès accomplis sont profondément iné- gaux selon les régions du monde, et, au sein d’un même pays, selon l’ori- gine ou la catégorie sociale des femmes considérées.

Cela est vrai de façon institutionnelle comme c’est le cas notamment au Moyen Orient où les femmes sont les cibles de l’intolérance et du fanatisme religieux. Or, l’inégalité au détriment des femmes, elle sévit aussi, de façon larvée, insidieuse et sournoise dans de nombreux pays dits «avancés» et de régime démocratique comme en Amérique du Nord et du Sud, en Europe, en France et chez nous, sin- gulièrement en Guadeloupe.

Dans ces pays, les lois proclament certes, l’égalité de droit entre les femmes et les hommes et préten- dent aussi garantir à tous, sécu- rité, protection du droit à la vie et à des conditions d’existence matérielle et morale digne. Mais, au quotidien et dans la «vraie vie», la réalité est bien différente.

La réalité c’est que les discriminations et les préjugés sexistes et anti fémi- nins perdurent. C’est aussi, dans un autre domaine, que les embûches et les difficultés matérielles, les incerti- tudes du lendemain et la précarité de vie, sont encore et toujours le lot commun d’une multitude de femmes, qu’elles soient jeunes ou âgées, en charge de famille ou non, vivant en couple ou seule.

La réalité c’est aussi que malgré les discours, malgré les dénonciations, les indignations et les protestations, partout dans le monde et bien sûr aussi en Guadeloupe, les femmes, parce qu’elles sont femmes, conti- nuent d’être les cibles et les victimes de violences intolérables de toutes natures, qui sont autant d’atteintes à leurs droits fondamentaux de per- sonnes humaines et à leur dignité.

Au titre de ces atteintes, j’évoquerai, sans pouvoir être exhaustive, les plus flagrantes selon moi :

- ce sont les violences de nature sexuelle allant de l’insulte sexiste au viol (y compris de petites filles) en passant par le harcèlement de rue, sur les lieux du travail ou encore l’in- ceste avec pour paroxysme le viol des femmes et des filles comme arme de guerre dans les pays secoués par les conflits.

- ce sont les violences physiques et morales dites domestiques au sein du couple qui conduisent à la mort de tant de femmes (appelés «fémi- nicides») sous les coups d’un mari jaloux, tyrannique ou pervers. Nous en savons quelque chose en Guadeloupe

- ce sont aussi les violences écono- mique et sociales que les femmes endurent au travers des conditions de travail insécures et dans certains cas détestables et inhumaines, au travers d’emplois précaires et sous payés, d’inégalité de salaire, de harcèlement moral en guise de management.

- ce sont aussi les violences psycholo- giques qui conduisent au burn-out et à la dépression, les femmes qui ont à supporter et assumer seules souvent ou peu et mal secondées, trop de res- ponsabilités et de fatigue : double ▲journée, tâches domestiques et ménagères après le travail à l’exté- rieur, charges financières etc.

L a permanence d’un système de fonctionnement machiste crée ou e ntretient au détriment d’une majorité de femmes, des obsta- c les sur le chemin qui conduit aux pouvoirs et aux plus hautes res- p onsabilités politique.

Enfin, j’ajouterai pour violences faites aux femmes comme aux hommes dans de nombreux pays, celles qui consistent à ne pouvoir librement choisir et façonner son destin parce qu’enfermées dans un statut politique de «tutelle» ou de soumission…

Loin de courber l’échine et d’accepter passivement «l’ordre des choses» et le sort qui leur est imposé ou dévolu, que ce soit dans la sphère privée ou la sphère publique, les femmes, toujours plus nombreuses et déterminées, résistent ! Elles résistent pour vivre tout simplement, ou pour vivre mieux et certaines pour survivre. Elles le font de multiples et diverses façons, par- fois sur le mode individuel et person- nel, parfois sur le mode collectif concerté et organisé.

Quel bel exemple, à ce sujet, que celui des femmes arabes : Elles sont mili- tantes, entrepreneures, artistes, cher- cheuses… et toutes impliquées d’une façon ou d’une autre dans la défense de la cause des femmes dans leurs pays, en Égypte, en Libye, en Palestine, au Maroc, en Tunisie, au Liban ou en Algérie.

Des femmes d’Afrique noire qui s’organisent contre la domination masculine, contre le maintien des mutilations génitales féminines, contre les multinationales qui s’approprie leur terre.

Des femmes d’Amérique latine, qui au péril de leur vie se dressent contre les dictatures de leur pays, contre les narco-trafiquants qui empoisonnent la jeunesse.

Des femmes qui en Europe dénon- cent les abus sexuels, les viols dont elles ont été victimes et font tomber, enfin, les auteurs de ces crimes qui se croyaient jusque là intouchables.

Des femmes qui partout, sont en tête des manifestations, des grèves, des revendications pour une planète pro- pre et un environnement sain.

Cette résistance, elles l’opposent pour elles-mêmes, bien sûr mais ce n’est pas dans une démarche égoïste et destructive, c’est au contraire et en même temps, pour bâtir «autre chose» pour le respect et l’émancipa- tion de tous les êtres humains : qu’ils soient femmes ou hommes.

En effet, les femmes ne se conten- tent pas de résister, elles font bien plus. Partout dans le monde elles oeuvrent à la transformation de la forme de société dont elles ne veu- lent plus et dont elles sont les pre- mières à souffrir, certes, mais dont souffrent également les enfants, les familles et les peuples.

Sur tous les continents, les femmes oe uvrent à la transformation d’un monde où règnent la violence, les i njustices, l’obscurantisme, la pau- vreté, l’égoïsme, la compétition effré- née, l’appât éhonté du profit et autres entraves au bien-être et à la vie paisi- ble des individus et des peuples.

Oui, aux quatre coins de la terre les femmes marchent, dans tous les sens du terme, et elles avancent pour construire un monde plus conforme à leurs intérêts et à leurs besoins, plus conforme à leurs aspirations et à leurs espérances.

Oui, les femmes marchent et avan- cent de toutes leurs forces et leur endurance ; de toutes leurs potentia- lités et leurs richesses intellectuelles. Elles marchent et avancent de toutes leurs capacités inventives et créatives pour imaginer des alternatives et mettre en place des modèles diffé- rents, capables d’assurer véritable- ment les droits des femmes à une vie digne, épanouie et libre, et par voie de conséquence, d’assurer le progrès de la société toute entière.

Et nous Guadeloupéennes, où nous situons nous dans ce mou- vement mondial ? Résistons-nous et marchons-nous pour transfor- mer les choses ?

Les femmes de la Guadeloupe ont une longue tradition, un long et riche passé de résistance face à l’adversité. De tout temps elles ont su dire non ! Elles ont apporté leur pierre à la construction d’un monde meilleur :

- qu’il s’agisse de nos héroïnes histo- riques dont le nom et les hauts faits sont aujourd’hui connus et magnifiés : Solitude, Germaine ou Marthe-Rose Toto… ou qu’il s’agisse de toutes celles, esclaves, filles ou mères d’es- claves qui les ont accompagnés dans la résistance et le combat contre la barbarie et pour la liberté.

Je rends un hommage particulier à la résistante de la ville de Port-Louis Mme Ander dite «Assé» figure des évènements d’avril 1943.

- qu’il s’agisse, plus près de nous, de figures féminines illustres aujourd’hui reconnues et célébrées pour leur cou- rage et leur pugnacité, pour leur engagement sans faille au service des causes qu’elles ont défendues.

Je pense à Gerty Archimède cette infatigable résistante et bâtisseuse de l’émancipation des femmes de notre pays et de notre peuple tout entier.

J epense aussi et tout autant, à toutes celles qui sont demeurées a nonymes peut-être, mais dont les actes courageux de résistance et les d urs combats qu’elles ont menés et mènent aujourd’hui encore pour leur dignité et celle de leur famille et de leur pays ; ouvrières agricoles, salariées d’établissements commer- ciaux et autres en grève, les ensei- gnantes rebelles, femmes debout face aux forces répressives contre la fraude électorale…

Et puis permettez-moi de souligner ici le rôle des fondatrices de l’UFG et de toutes les militantes qui les ont succédées dans les luttes de résis- tance et de revendications pour l’amélioration de la condition fémi- nine en Guadeloupe.

Je veux enfin mettre en exergue un motif actuel de satisfaction et disons le, d’espoir pour l’avenir : c’est le nom- bre important de femmes qui aujourd’hui dans notre pays, s’inves- tissent et s’impliquent dans tous les domaines de la vie publique : poli- tique, social, associatif, sportif…

C’est assurément qu’elles ont su résis- ter contre les tabous, les préjugés, les obstacles de tous ordres.

C’est assurément qu’à leur façon, elles ont entrepris de «marcher» pour avancer et pour occuper toute la place à laquelle elles ont droit.

Mais il faut reconnaître qu’elles sont encore en nombre limité au regard de la population de la Guadeloupe.

Notre objectif à l’UFG, c’est que ce mouvement s’amplifie et que de plus en plus de femmes et de jeunes en particulier loin de demeurer passives, rejoignent à leur façon, la marche et qu’elles en fassent leur marche !

Comment faire pour y parvenir ? C’est à cette réflexion que nous souhaitons vous convier, pour la partager avec vous toutes et tous, en cette belle journée de célébra- tion du 8 mars.

Nous aurons pour cela, le précieux concours de 3 intervenantes, au par- cours de vie et domaines de compé- tence différents. Elles ont accepté de nous parler de leur expérience et en quelque sorte, d’illustrer par leur exemple le thème de notre journée. Il s’agit de Mmes : Nathalie Minatchy Malika Edwige - Evelyne Danois

Le tout se déroulera sous la houlette de nos deux jeunes amies, adhérentes de l’UFG, Solène Vangout et Melissa Marival qui ont pensé et élaboré les questions pour lancer les débats et qui les dirigeront.