«Prévenir vaut mieux que guérir» Un enseignement justifié par le Covid-19

En remontant le temps, seule- ment depuis la deuxième guerre mondiale de 1939-1945, les générations qui sont encore en vie peuvent parler de différentes catastrophes vécues qui ont entraîné des dizaines, voire des millions de morts. Ces ravages ont été des catastrophes naturelles, des épidémies ou des pandémies, des faits de guerres entre les nations, ces derniers étant les plus déplorables.

Le désastre humain que le monde aura vécu mar- quera ce 20 ème anniver- saire du 21 è me siècle et restera dans son histoire. Et si cette pandémie, qui tire son origine de la ville de Wuhan en Chine, et dont l’alerte a été donnée le 03 janvier 2020, n’était que le signe annonciateur d’un monde nouveau ?

Le Président de la République fran- çaise, Emmanuel Macron, a déclaré dès le 17 mars 2020, que la France, donc la Guadeloupe, était désor- mais en guerre. En guerre contre une armée de soldats invisibles du monde de l’infiniment petit, dont la seule arme de guerre, à la fois muni- tion, est le Covid-19. Des soldats ou vibrions véhiculant un ADN de la mort et capables de se répliquer à l’infini, pour porter impitoyable- ment leur force de frappe sur toute la planète. Et, bien sûr, à la date d’aujourd’hui, la Guadeloupe a déjà payé un lourd tribut : huit morts !

Personne ne peut estimer quel sera le niveau final de cette tragédie. Car, toutes les puissances dites indus- trialisées ou pas, alors qu’elles affi- chent, avec fierté et vanité, leur puissance de feu par la bombe ato- mique, ont été prises de court dans leur impréparation, leurs faiblesses et sont condamnées à oublier, ne serait-ce que momentanément, leur rivalité et leurs désaccords pour tenter de conjuguer leurs efforts. Cependant, cet ennemi commun parvient à se camoufler et obtenir même la collaboration incons- ciente de ceux qu’il infecte, en les transformant en agents transmet- teurs, ridiculement protégés. Désemparées dans cette drôle de guerre, des nations alliées ont par- fois même des comportements ubuesques déloyaux en s’appro- priant des matériels qui ne leur étaient pas destinés, sur le tarmac même des aéroports.

LA GUADELOUPE EXCELLE EN STRATÉGIE DE SOLIDARITÉ

Le peuple guadeloupéen, en respec- tant les consignes des autorités, excelle en stratégies de solidarité pour surmonter les difficultés géné- rées notamment par le confine- ment et, inexorablement, celles qui seront engendrées après le déconfi- nement, pour continuer à vivre dans les meilleures conditions éco- nomiques, sociales et sanitaires possibles. On peut et on doit s’at- tendre à une actualisation de ce que d’autres générations ont appelé : «Bay koko pou savon».C’était plus précisément durant la période dite : «An tan Sorin».N’est-ce pas de tels gestes qui ont aidé après le cyclone de 1928, la guerre de 1939-1945, l’évacuation de la Soufrière en1976, l’ouragan Hugo de 1989, lequel avait ravagé notre nature, si généreuse en pro- ductions de toutes sortes.

Malheureusement, passés ces durs moments, nous oublions rapide- ment cette sagesse «ou pa jen kon- nèt dèmen», et nous ne continuons pas à cultiver notre autonomie sur certains aspects. «Chasser le natu- rel, il revient au galop». Nous nous laissons piéger par l’instinct de la facilité, par la surconsommation en tous genres induite par le capita- lisme. Et nous voilà emportés par le prêt à porter, le prêt à cuire, le prêt même à manger, jusqu’au jour où les cigales que nous sommes rede- venues se font encore interpeler et même parfois congédier par les fourmis qui nous ont observés.

ALORS, «PRÉVENIR VAUT MIEUX QUE GUÉRIR»

Puisse cette pandémie qui, une fois de plus, nous a obligés à porter sérieusement notre regard sur nos productions locales, sur le savoir et le savoir-faire de nos agriculteurs et de tant d’autres, nous dicter aussi définitivement quelques choix raisonnables. Et comment ne pas comprendre l’exhortation récente du docteur Henri Joseph quand il s’était exprimé : «Je veux voir 5 000 Guadeloupéens à la terre comme pour les mass matin !». Cela lui avait valu une injuste volée de bois vert par une sociologue. Aujourd’hui, nous disons symboli- quement que c’est la totalité de la population guadeloupéenne, soit les 397 990 habitants qui doivent se mettre à la terre, si modeste- ment qu’ils peuvent le faire et à quelque niveau qu’ils se situent. Quelques axes de réflexion :

- Pour une politique de définition et d e protection d’une surface agricole incompressible.

- Pour l’aménagement de jardins f amiliaux autour de la maison indivi- duelle ou même au pied des immeubles, à l’instar de ce qui se passe, à Cuba.

- Pour la priorité à la plantation d’ar- b res fruitiers qui sont trop souvent sacrifiés au profit d’espaces gazon- nés ou de plantes à fleurs, sans pour autant négliger l’aspect décoratif de l’environnement. Nous pensons à l’arbre à pain appelé «manman zanfan», à l’abricotier, au bananier «pòyò» dit «ti-bandi», au sapotillier, au cocotier, au corossolier. Nous pensons à ces diverses plantes du jardin potager qui contribuaient à notre subsistance, avant l’avène- ment de ces types de jardins sur les bateaux venant de tous les coins du monde et que nous empressons de vider par caddies débordants des hypermarchés.

- Pour nous rappeler en perma- nence que nous vivons sur un archi- pel et, que quel que soit le lieu du domicile, nous parcourons moins de 20 km pour rejoindre la mer ou une rivière de baignade. Donc il n’est pas indispensable de sacrifier des dizaines de m 2 de l’espace dis- ponible, pour la construction d’une piscine aérienne ou souterraine que l’on est obligé souvent d’abandon- ner pour des raisons diverses.

- Pour apprendre avec nos parents et nos grands-parents et pour les transmettre à nos enfants, le goût des saveurs locales, et non pas lais- ser à l’école le soin de tels appren- tissages qui reviennent, avant tout, à la famille.

Nous ne parlerons même pas de ces savoirs faire en termes de couture, de bricolage, de crochets, de tri- cots, de broderie ou autres qui s’avèrent tellement utiles en période de crise économique. On nous rétorquera, nous le savons, que les aiguilles, le fil et le dé à cou- dre ne sont plus, ni à la mode, ni nécessaires car, les vêtements se portent surtout déchirés, depuis bien longtemps… Nous le répétons, à chacun son choix mais, il ne fau- drait pas que, dans les moindres cir- constances, nous nous trouvions désarmés au point de vouloir criti- quer toutes les décisions prises par ceux et celles qui en ont la respon- sabilité et vouloir, coûte que coûte, les contourner.

A «chacun son métier et les vaches seront bien gardées», (Jean-Pierre Claris de Florian, l6 mars 1755 - 13 septembre 1794).