UNE AUTONOMIE DE LA GUADELOUPE : MYTHE OU RÉALITÉ ?Des mots pour évoquer des maux qui l’entravent

La Guadeloupe, de son statut de colonie depuis 1635, à son sta- tut dit de Département-Région en 1982, semble être de plus en plus acquise à la notion d’auto- nomie, en tout cas, semble se positionner pour l’exercice d’un pouvoir politique domicilié en Guadeloupe. 385 ans après le débarquement de Charles Liénard de L’Olive et Jean Duplessis d’Ossonville, un regard sur un passé relative- ment récent s’impose, pour rap- peler les mots qui ont installé durablement des maux dans le mental guadeloupéen.

Ce sentiment de prise de conscience découle des déclarations de plus en plus nombreuses d’élus en respon- sabilité, à tous les niveaux, ainsi que de socio-professionnels et d’intel- lectuels, à la suite de déconvenues depuis quelques mois, avec l’Etat français : problèmes de la fiscalité, des deux derniers cyclones Irma et Maria, des sargasses, de l’eau et aujourd’hui de la pandémie Covid-19. Et pourtant, depuis 62 ans, des hommes et des femmes, bien conscients du corset éta- tique qui maintient cet archipel dans une économie de consomma- tion ou de productions au profit de la France et des pays européens, n’ont pas cessé de revendiquer une Guadeloupeautonome, en coopération avec la France.

DÉNIGREMENT, INTOXICATION, PROCÈS ET CONDAMNATIONS POLITIQUES, EXPATRIATION, DÉPENDANCE

Une autonomie pour la Guadeloupe fut, en effet, la revendication du Parti Communiste Guadeloupéen, dès son Congrès constitutif, les 29 et 30 mars 1958. Cette revendica- tion se justifiait par l"intérêt de la Guadeloupe d’avoir une plus grande marge de manoeuvre dans la manière de conduire les poli- tiques publiques locales. Par la voix d’éminents hommes et femmes, dont Gerty Archimède, Paul Lacavé, Rosan Girard, Hégésippe Ibéné et tant d’autres, qui servent de références jusqu’à présent aux politiques actuels de tous bords, ainsi qu’à tous les économistes objectifs, sociologues et anthropo- logues contemporains, ils deman- daient à sortir du cadre du droit commun français et européen.

Sans aucune analyse, des détrac- teurs du communisme, de gauche comme de droite, inféodés au Partis politiques français, entreprenaient une campagne de dénigrement et d’intoxication pour faire admettre, dans l’opinion guadeloupéenne, l’idée délétère qui se résumait par le seul slogan : «otonomi sé zasièt vid». En clair, sans la bienfaisante «mère Patrie» la France, la Guadeloupe est vouée sinon à la mort certaine, en tout cas à une situation de grande famine. Et ce premier mal, identifié par la dépendance, allait s’enraciner pour des décennies.

Des évènements politiques allaient renforcer cette situation. La liberté d’opinion et de la presse non conformiste allait prendre un coup : procès et condamnation de cer- tains communistes, saisie du journal l’Etincelle coupable de démontrer que «tout le monde le pense mais l’Etincelle le dit», pour dénoncer des scandales de toutes natures, expa- triation de communistes par l’or- donnance de 1960 pour «atteinte à l’intégrité de l’Etat».

ASSISTANAT, CHÔMAGE, MENSONGE, GÉNOCIDE

Toutes ces péripéties allaient per- mettre le développement d’une politique bien réfléchie par le gou- vernement français, par la mise en place de certaines lois sociales non adaptées, même si elles apaisaient des souffrances. Elles allaient très rapidement engendrer l"assistanat au détriment du travail pour une économie endogène. On allait alors assister à la fermeture progressive des unités sucrières, par exemple, avec la complicité de certains élus départementaux, au profit de la production du sucre de betterave entraînant du même coup le chô- mage et l’exode des campagnes vers les villes. L’importation n’allait laisser qu’une place négligeable à l’exportation.

Pour garantir la réussite de cette politique et prévenir tout soulève- ment de la jeunesse, une politique inédite de génocide par substitu- tion, sortait de l’imagination des technocrates français : le BUMI- DOM, en 1963, sous le gouverne- ment de Michel Debré. Le Bureau des migrations des départements d’Outre-mer organisait, jusqu’en 1981, l’immigration de dizaines de milliers de jeunes guadeloupéens en France, en leur promettant monts et merveilles. Très nombreux ont connu une immense déception, même si d’autres ont pu sen sortir, en dépit des promesses non tenues. Le deuxième mal s’identifiait alors : assistanat.

AVENTURISME, RENIEMENT, AMBITION, SUPRÉMATIE

Depuis 62 ans donc, le Parti Communiste Guadeloupéen n’a jamais cessé de revendiquer un sta- tut d’autonomie pour la Guade- loupe, avec différentes modula- tions, de Congrès en Congrès. C’est vrai que cette idée a été violem- ment combattue par différents cou- rants : des aventuristes dans les années 1970 et 1980 militant pour l’indépendance, des renégats et des ingrats dans son propre camp, des ambitions effrénées. Ce troisième mal que constitue la suprématie, allait empoisonner la politique en Guadeloupe A son 15ème Congrès en 2016, le PCG précisait à nouveau sa position pour un statut de souve- raineté partagée avec l"Etat français qui ne remet pas en cause la citoyenneté, mais qui peut déroger aux droits communs français et européens.

L’idée semble impacter positive- ment les esprits depuis deux ou trois ans, dans tous les milieux, y compris dans le peuple guadelou-p éen. Elle peut et elle doit aboutir. Cependant, la réussite sera d’autant plus grande et noble si, pour y arri- v er, on observe certaines vertus.

HONNÊTETÉ, SINCÉRITÉ, MODESTIE, ÉTHIQUE

T ous ceux qui sont aujourd’hui acquis à cette idée de statut d’autonomie sont désormais au pied du mur. Certains doivent, avant tout, faire fi de l’orgueil pour r econnaître, ne serait-ce qu’implici- tement, leurs erreurs d’antan. D’autres doivent faire preuve de m odestie et d’honnêteté pour ne pas faire table rase du passé au cours de ces six dernières décen- n ies. «Rendre à César ce qui appar- tient à César»est un geste qui gran- dit. D’autres encore auront à coeur de démontrer leur sincérité pour ne pas se révéler des opportunistes. En u n mot, c’est tous ensemble, toutes classes sociales et profes- sionnelles confondues, en bonne i ntelligence et avec le peuple guadeloupéen, qu’onparviendra, enfin, à cette Guadeloupe en capa- c ité d’un pouvoir politique. Le Parti Communiste Guadeloupéen conti- nuera à oeuvrer dans ce sens.