Sé nonm-la pou konstwi !

T ous ceux qui ont connu, collaboré et partagé les engage- ments du père Chérubin Celeste, prêtre charismatique de l’église catholique en Guadeloupe, doivent certainement mieux comprendre, dans ce moment particulier de la crise sanitaire que nous vivons, la profondeur de cette pensée qui a guidé toute sa vie : «sé nonm-la pou kontswi !».

En Pasteur éclairé de l’Evangile de Jésus-Christ et de la théologie de la libération, Chérubin Celeste qui avait une grande expertise des rapports sociaux en Guadeloupe, a constamment enseigné que l’important, c’était l’homme et surtout son aptitude à défendre sa dignité, son intégrité, ses droits, son aspiration, à vivre dans un monde de justice et d’égalité.

Son sacerdoce de prêtre du Prado (prête ouvrier), il l’a mis au ser- vice des hommes et particulièrement des plus exploités et des plus pauvres, à travers ce leitmotive : «Sé nonm-la pou kontswti !».

Il plaidait et agissait avec passion pour la formation des jeunes, la conscientisation, l’évangélisation à partir du terrain, convaincu que rien ne se fera, si l’homme ne connaissait pas son histoire, sa culture, son environnement géographique, s’il ne parlait pas sa langue.

C’est cet homme-là, formé au réel guadeloupéen qui sera capable de changer sa société et le monde en bien. Quel est le rapport avec ce temps d’après coronavirus ?

Depuis le déconfinement, décideurs politiques et économiques par- lent de relance des activités, de nouveaux modèles économiques, de nouveaux rapports au travail, de financements. Ils oublient l’es- sentiel, l’élément moteur qui peut permettre de réaliser tous les schémas élaborés dans le secret de leurs cabinets : l’homme, le tra- vailleur, le créateur des richesses.

Contrairement aux cris de détresse poussés par les profes- sionnels de la collecte des aides publiques, les plus grandes victimes de la pandémie ce sont les salariés, les travailleurs indépendants, les artisans, les petits entrepreneurs, les agri- culteurs, le monde du spectacle.

Ce sont tous ces hommes et femmes fracturés psychologi- quement par deux mois de confinement, rongés par l’an- goisse d’un lendemain qui s’annonce bien sombre qu’il faut d’abord remettre debout, redonner confiance par des gestes forts, préparer leur retour à l’activité par la compensation des pertes subies, par la formation-reconversion.

Les aides annoncées par l’Etat et les Collectivités locales ne pourront pas changer le cours des choses, si l’acteur principal, l’homme, n’est pas associé à l’élaboration des projets qui concernent son avenir.

Comme dirait le père Chérubin Celeste, le prête militant «Sé nonm pou konstwi !» pour construire la Guadeloupe. Cette pensée si vivante du prêtre militant, trouve écho dans ce que nous écrivions dans notre parlons vrai du n° 863 en date du jeudi 23 janvier 2020.

«L’artisan du changement, c’est toujours l’homme. C’est à dire un homme qui a fait sa propre révolution culturelle, qui s’efforce de chan- ger de mentalité et de comportement pour se penser différent et voir son environnement autrement ; qui s’enracine dans sa terre mère ; qui considère comme source de vie, de progrès et d’émancipation les richesses naturelles portées par cette terre mère qu’il s’emploie à défendre, à valoriser et à exploiter d’une manière créative».