Déboulonnage des statues vu sous l’angle de la démocratie participative

Qu’on le veuille ou pas, divers évènements constituent les fon- dations de tous les peuples au fil du temps. Ainsi, la construction du peuple guadeloupéen par exemple, n’est pas figée. Elle est inévitablement impactée par sa conscientisation concernant les évènements naturels ou générés par la perception que des hommes peuvent avoir de l’hu- manité, des rapports sociaux, des rapports entre les Etats et les nations. Il nous paraît urgent aujourd’hui de jeter un regard, sous l’angle de la démocratie participative, sur des faits, des idées ou des revendications, qui se dévelop- pent ici ou ailleurs de plus en plus comme par un effet de mode, de mimétisme, d’igno- rance, de révisionnisme ou de négativisme.

En Guadeloupe, les exem- ples ne manquent pas. Loin d’être exhaustifs, nous pouvons citer les enseigne- ments suivants qui ont bâti tant de générations guadeloupéennes et qui se sont révélés vrais ou faux, des vérités ou des mensonges invo- lontaires ou volontaires ayant pour objectifs l’aliénation ou l’obscuran- tisme : «Nos ancêtres, les Gaulois» - «Maréchal, Maréchal, nous voilà», s’agissant du maréchal Pétain à qui hommage fut rendu dans les écoles par une chanson - «Notre sauveur, Victor Schoelcher qui a aboli l’escla- vage» - «Notre reconnaissance à Jules Ferry, fondateur de l’école laïque, obligatoire et gratuité»… Des appellations de rues, lieux, ou bâti- ments nous rappellent quotidien- nement des hommes et des fem- mes qui, d’une manière ou d’une autre, ont marqué notre existence : Victor Hugues, Condé, Christophe Colomb, de l’Olive et Duplessis, Fort Napoléon, Habitation Roussel- Trianon etc… Ala faveur des recherches effec- tuées par des historiens, guade- loupéens ou étrangers, d’autres personnalités passionnées d’his- toires, des vérités ont été rétablies et des doutes mis en exergue. Il n’est pas de notre intention, dans ces colonnes, de porter un jugement pour confirmer ou infirmer les révé- lations qui en découlent. Chacun a la liberté d’apprécier, selon son niveau d’information, de connaissance, d’éducation, de formation. Toujours est-il que, dans certains cas, on est tenu de se conformer à la législation pour ne pas tomber sous le coup du délit de «révisionnisme» ou de «négativisme», par exemple. A titre d’exemple, la loi Taubira qualifiant «l’esclavage, crime contre l’huma- nité», approuvée par le peuple gua- deloupéen, ou celle concernant la notion de «race».

Alors, peut-on accepter, sans mot dire, que des actes de destruction, de déboulonnage, de vandalisme, de remplacements d’appellation, peuvent se commettre en soli- taire, en groupes, voire en asso- ciations régulièrement créées, sans aucune consultation de ceux qui constituent le peuple en ques- tion, sans même user au moins de la démocratie représentative au niveau de la collectivité concernée ? L’histoire d’un peuple est celle de toutes ses composantes.

Il convient que des actes d’une telle importance, qui sont qualifiés, à tort ou à raison, de vandalisme, de pro- fanation, doivent être décidés après une consultation, un référendum, qui serait la bienvenue, à une époque où l’on parle de plus en plus de démocratie participative.

Démolir la tombe d’Antoine Richepance à Basse-Terre, «fouté zo ay an lanmé»ou bien «les rapatrier en France», doit être une volonté du peuple guadeloupéen. Et d’ail- leurs, Antoine Richepance ne demanderait pas mieux de se retrouver en toute sérénité, dans sa ville natale Metz, aux frais du contribuable guadeloupéen. Sans être dans l’obligation de lus- trer sa tombe par le Conseil départemental, n’est-il pas préfé- rable de ne pas gommer cette page de l’histoire pour que les générations à venir aient toujours la preuve de ses crimes, commis en Guadeloupe ? Ne doit-il pas expier ses péchés éternellement sur les lieux de ses crimes ?

Alors oui, pour des dossiers aussi délicats, ne nous laissons pas vaincre par l’émotion, si profonde qu’elle soit. Ne courons pas non plus le risque de passer pour des illuminés. Faisons preuve, avant tout, d’éduca- teurs éclairés, de pédagogie de conscientisation, travail qui peut être excessivement long et difficile pour ne pas être taxés de fascisme ou de totalitarisme. Ayons surtout le sens de la concertation, par la démocratie participative, d’autant plus que la science nous démontre souvent que les vérités d’hier sont des erreurs aujourd’hui et vice versa.