Eau : Service public, structure unique, régie unique

La gestion du service public de l’eau en Guadeloupe va-t-elle connaître une accélé- ration après ces élections muni- cipales qui vont certainement rebattre les cartes de la gouver- nance au niveau des Comités d’agglomération ? Bien malin celui qui peut faire un pronostic gagnant à ce niveau. Ce qui est sûr, c’est que cette question est devenue virale et porte en germe une charge explosive capable de tout faire basculer en Guadeloupe.

L’ Etat donne l’impression, après avoir laissé se dégrader la situation, de prendre la mesure du danger.

Le Conseil régional se positionne pour être la Collectivité qui aurait réglé cette crise majeure ouverte depuis maintenant plus de trente ans en Guadeloupe.

De toute façon, les élus guadelou- péens sont au pied du mur. Ils savent aujourd’hui que le temps des brico- lages est terminé et qu’il faut recons- truire un service public de l’eau opéra- tionnel et fiable en Guadeloupe.

La résolution de cette question comme nous l’avons exposée dans une proposition adressée aux autori- tés en 1993, suppose la mise en oeuvre d’un plan en quatre points :

1- La création d’une organisation unique pour la gestion de l’eau en Guadeloupe

Cette idée a fait son chemin depuis 1993 et aujourd’hui après l’échec de plusieurs tentatives de création, sem- ble faire consensus.

Le rapport d’audit sur l’eau potable commandité par l’Etat en 2017, préconise dans ses recommanda- tions : la constitution d’une struc- ture unique appelée «solidarité eau de Guadeloupe», regroupant au moins les collectivités du sys- tème interconnecté, ainsi que la Région et le Département, attri- butaire des équipements et, a m inima assurant la production et le transport de l’eau potable. Dans leurs conclusions les rappor- teurs estiment que dans le contexte guadeloupéen, trois solutions appa- raissent envisageables :

- Celle du syndicat mixte ouvert ayant pour compétences : la production et le transport, et éventuellement la dis- tribution d’eau potable aux usagers.

- Celle de la société publique locale dont l’objet social serait limité à la production, au transport et au stockage d’eau potable.

- La SEM d’Outre-mer, dont l’objet social peut être entendu largement, avec l’entrée au capital de l’Etat, qui intervient financièrement et techni- quement dans la mise en oeuvre du plan Eau/Dom.

Les ministres qui ont en charge ce dossier subordonnent l’accompagne- ment de l’Etat à l’élaboration d’un plan quinquennal d’investissement et à la mise en place d’une gouvernance du service de l’eau en Guadeloupe.

La conférence publique de l’action territoriale (CTAP) s’est réunie le 13 mai 2020 et a réaffirmé la volonté commune des collectivités et des EPCI, de créer la structure unique de l’eau. Le choix d’un syndicat mixte ouvert composé du Conseil régional, du Conseil départemental, des EPCI, du SIAEG (en attendant sa dissolu- tion) a été confirmé. La notion de «à la carte» qui été introduite récem- ment pour satisfaire l’ambition de certains EPCI, de ne pas transférer toutes leurs compétences au syndicat ne devrait pas être retenue car cela fracture la solidarité et la mutualisa- tion recherchées.

Le Département, la Région, la CARL et la CANGT ont déjà voté leur déli- bération d’adhésion au syndicat. La CAGSC et Cap Excellence l’ont modifié et les autres EPCI n’ont pas encore délibéré.

Le CTAP avait fixé au 30 juin la date butoir pour que toutes les délibéra- tions soient votées et dans les mêmes termes. Certainement les élections sont passées par là et le dossier reste encore ouvert.

2- Le syndicat mixte ouvert

Sauf revirements pour des raisons d’ambition politiciennes, l’autorité organisatrice du service public de l’eau à l’échelle de la Guadeloupe sera un syndicat mixte ouvert. Le projet de statuts sur lesquels les adhérents doivent se prononcer, énoncent dans son article 1 :

«Il est institué entre la Région Guadeloupe, le département de la Guadeloupe, la Communauté d’ag- glomération Cap Excellence, la Com- munauté d’agglomération Grand Sud Caraïbe, la Communauté d’agglomé- ration du Nord Basse-Terre (hors ter- ritoires des communes de Petit Bourg et Goyave) et le Syndicat intercom- munal d’alimentation eau et Assainis- sement (SIAEG), ci-après dénommés les «membres», un Syndicat mixte ouvert dit à la carte.

Ses missions et compétences sont précisées dans son article 5 :

5.1- Mission à la carte : Missions d’études relatives à la gestion de l’eau sur le territoire de la Guadeloupe.

5.2- Mission à la carte : Missions pour la préservation de la res- source eau.

5.3- Compétences obligatoires «Eau potable» pour les EPCI - Production eau potable - Distribution eau potable

5.4- Compétences obligatoires «Assainissement» pour les EPCI - Assainissement collectif - Assainissement non collectif Dans son titre 5 qui traite des disposi- tions financières, les statuts affichent clairement son modèle de gestion : - Article 14 : Opérateur du syndicat L’opérateur propre du syndicat sera une régie multi-service à personnalité morale et autonomie financière.

Les contrats de délégation de service public (DSP) en cours sont transférés au syndicat.

Cette orientation si elle se concrétise répondra aux deux des trois exi- gences que nous avons formulées pour le fonctionnement d’un vérita- ble service public de l’eau en Guadeloupe. Il reste la question pas la moins importante qui conditionne la réussite de ce projet d’une nouvelle gouvernance de l’eau : la transpa- rence et la démocratie. Nous y reviendrons dans un prochain article.