VAKANS O PÉYI :L’Habitation Pirogue et la mare au punch

Sur l’île de Marie-Galante à 5 kilo- mètres de Grand-Bourg, l’Habita- tion Pirogue tient son nom des Indiens Caraïbes, premiers occu- pants de ses terres sur lesquelles ils fabriquaient leurs embarcations dans des troncs de gommiers. Face à l’Habitation qui connait son apogée entre 1800 et 1813, une mare de vingt-cinq mètres de diamè- tre, profonde d’un mètre cinquante, pourvoit aux besoins de la maison et du domaine. Les lavandières s’y retrouvent pour échanger les der- niers potins et le bétail s’y désaltère.

ELECTIONS LÉGISLATIVES DE 1849

Pirogue appartient à un créole, maire de Grand-Bourg, où pour la 1 ère fois, les esclaves affranchis vont voter.

DEUX LISTES ABOLITIONNISTES S’AFFRONTENT

Celle de Victor Schoelcher et du Martiniquais Auguste-François Per- rinon, (premier Antillais entré à l’Ecole Polytechnique). Abolition- nistes et républicains, ils sont soute- nus par Alonzo, ancien esclave devenu premier adjoint de Grand- Bourg-Ville. Sur l’autre liste, figurent Cyril- Charles-Auguste Bissette, un Li- bre martiniquais, ainsi que le man- dataire des hommes de couleur de la Guadeloupe : Jean-François Mondésir-Richard. Parti-sans de l’ordre Royaliste, ils sont soutenus par les grands planteurs et le maire.

DES BULLETINS FANTÔMES

Le 25 juin 1849, second jour du scrutin, Jean-François Germain, maire adjoint de Grand-Bourg- Campagne, (un affranchi devenu le secrétaire du Comité Républicain de l’île), découvre qu’on a remis aux électeurs des bulletins de vote en faveur de Bissette et Mondésir

. Or, parmi les votants, des illettrés ne peuvent s’apercevoir de la supercherie.

Germain récupère ces bulletins, les remplace par ceux de Schoelcher et Perrinon. Le maire fait enlever l’urne et fait arrêter et escorter Jean -François Germain jusqu’à Grand- Bourg. Ses partisans suivent récla- mant sa libération. Voyant que la situation dégénère, la milice après sommations tire sur la foule au Morne Tartenson, sur la route reliant Grand-Bourg-Ville à l’Habita- tion Pirogue. Suite à ces évène- ments, le morne est rebaptisé Morne Rouge.

LA MARE AU PUNCH

Les manifestants se rendent à l’Habitation Pirogue qu’ils mettent à sac. Puis ils se rendent à l’usine et rassemblent barils de sucre et ton- neaux de rhum qu’ils déversent dans la mare, la transformant en un punch géant.

La nouvelle se répand dans l’île, au son des conques de lambis. Les liba- tions durent trois jours, un prêtre et des religieuses venus pour apaiser les tensions sont pris à partie et une religieuse reçoit un coup de sabre sur le sein. La mairie et des Habitations sont incendiées.

Le Commandant militaire demande des renforts à la Guadeloupe et à la Martinique. Le Gouverneur de la Guadeloupe Fabvre et le Contre- Amiral Bruat, Gouverneur Général des Antilles débarquent avec la troupe. Plus de cent personnes sont arrêtées, il s’ensuit un procès : «l’Affaire de Marie-Galante». En 1882, l’usine aux terres de 148 hec- tares s’équipe de machines à vapeur tandis que le moulin reçoit un méca- nisme en fer horizontal. Les machines s’arrêtent en 1961.

Textes : Angel St Benoit - Maisons créoles