Incivilité, «ensauvagement» : Qui est coupable ? Qui est responsable ?

Lors d’un entretien exclusif accordé au journal Figaro, le 24 juillet 2020, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré : «Nous assistons à une crise de l"autorité. Il faut stopper l"ensauvagement d"une certaine partie de la société. Il faut réaffirmer l"autorité de l"État, et ne rien laisser passer».

C ette déclaration a soulevé l’indi- gnation à l’Assemblée nationale, même dans les rangs de la majorité présidentielle et sur les réseaux sociaux.

Sortie par un ancien mentor de Nicolas Sarkozy, elle ne peut surprendre. Gérald Darmanin ne précise cependant pas si ce coup d’arrêt sera réalisé au «karcher dès demain», comme l’avait affirmé son mentor pour «la cité», mais souligne, dans une «certaine partie de la société française».

Le ministre de l’Intérieur qui, avec tous les «marcheurs» ou presque de la République En Marche, s’approprie résolument les thèses du Front National de Marine Le pen, n’utilise pas naïvement l’adjectif «certaine». Il sait qui il vise en parlant d’«ensauvage- ment». Cet adjectif n’a ni la valeur d’une fraction, ni celle d’un pourcen- tage de la population française.

Certains pourraient penser légitime- ment qu’il s’agirait de communautés, d’ethnies, d’étrangers ou autres. Et, ils n’auraient pas tort, après avoir entendu cette autre déclaration de Gérald Darmanin : «Quand j’entends le mot «violences policières», personnellement, je m’étouffe». Heureusement pour lui, il s’en sort à bon compte de son étouffe- ment. D’autres n’ont pas eu cette chance, en France ou en Amérique.

Nous, nous entendons surtout des composantes, des sous-ensembles de la population française, mis à l’index. En effet, refusant de regarder l’échec de la politique de Gouver-nements succes- sifs, y compris celui auquel il appartient depuis 2017, il n’hésite pas à ajouter, pour bien caractériser ses cibles : «On observe un risque très fort d"entrisme dans la vie politique et syndicale. Il y a de l"entrisme associatif et parfois même des essais d"entrisme dans la fonction publique. Donc, il faut lutter contre cette taqiya, cette dissimulation».

Pour l’édification de nos lecteurs, il convient de rappeler que «l’entrisme» est un terme de l"histoire du Léninisme et du trotskisme. De philosophie Marxiste, il est à la base de la lutte des classes, pour des meilleures conditions des travailleurs.

Ainsi le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, endosse sa veste de rabat- teurs d’électeurs de droite et surtout d’extrême droite, pour tenter de sauve- garder toutes les chances d’une réélec- tion d’Em-manuel Macron, en 2022.

Gérald Darmanin est-il bien inspiré pour expliquer tous les dégâts que connait la société depuis quelques décennies et que l’on qualifie de déviances, d’incivilité, de violences, de criminalité et aujourd’hui d’ «ensauva- gement», par de telles réflexions qui risquent de provoquer des effets tout à fait contraires à ce climat sociétal serein, d’équité, de justice et de paix, attendu depuis si longtemps ?

Sans aucune réserve, nous disons, non ! Non, tant que le monde capitaliste et ultra-libéral ne comprendra pas qu’il est de plus en plus urgent de partager les richesses de cette planète.

Nous disons, non ! Car, ces «ensauva- gés» ne sont pas sortis de terre comme des champignons, en l’espace d’une nuit. Ils se sont enracinés tout au long des quatre dernières décennies, par des lois et dispositions législatives qui ont mis à mal l’éducation parentale.

I l faut s’interroger. A quelques excep- tions près, nos jeunes gouvernants actuels, nés peu avant 1968 et posté- rieurement, formés par le système édu- catif permissif à l’extrême peuvent-ils :

- Comprendre que l’autorité parentale était la garante de l’autorité des éduca- teurs à l’école, des adultes en général dans le voisinage, dans la rue et les lieux de culte, la garante de l’autorité de l’Etat, jusqu’à la majorité à 21 ans ? Ainsi s’acquéraient toutes les valeurs de la citoyenneté.

- Comprendre qu’on ne peut se réfugier derrière le principe de la liberté de la vie privée, quand il s’agit d’affaires de moeurs, alors qu’investi d’une fonction publique, on a le devoir de donner l’exemple ?

- Comprendre que des scandales politico financiers sont à l’origine de la perte de repères et décrédibi- lisent l’Etat, ses représentants et la politique en général ?

- Comprendre que l’être humain, dès sa naissance, agit par imitation, et qu’un «dressage éducatif», bien compris comme un réflexe éducatif à l’instar de la succion, dès les premières années, s’avère nécessaire. La littérature rap- porte quelques cas vécus d’enfants éle- vés par des animaux ou abandonnés à la vie animale avec des animaux, ont adopté tous les comportements natu- rels sauvages de ces animaux, y compris leurs cris. Avec beaucoup de difficultés, d’amour et d’empathie, ils ont été «des- sauvagés», après avoir été accueillis dans la société civilisée humaine. Les «ensauvagés» sont donc coupables mais, pas responsables.

Alors, il faut ouvrir les yeux sur toutes les dispositions législatives qui régen- tent cette société, qui génèrent des iné- galités et des exclus, des marginaux, des laissés pour compte, des révoltés, depuis des décennies.

La banalisation de la violence que l’on semble découvrir a fait «son lit» depuis plus de 40 ans.

En matière d’éducation plus particu- lièrement, il faut revenir et rapide- ment, avec courage, sans aucun esprit passéiste, aux fondamentaux. Mais, commençons par les adultes, les parents. Vous avez, vous aussi les gouvernants, des urgences à intégrer dans ce domaine, vous qui êtes issus de la «modernité».