Pour une révolution mentale (1 ère partie)

La passivité affecte notre société d"une façon telle qu"on en est à se deman- der, à juste titre, si les sacrifices consentis par nos devanciers pour la promotion de l"homme guadelou- péen avaient été sans laisser de traces dans la mémoire collective. Aujour- d’hui, on se garde de s’interroger. On fête toute l"année. On s"abîme dans le divertissement. On se complaît dans l"insouciance et l"évasion comme si un tel comportement signifiait la néga- tion de notre existence en tant qu’être pensant.

LES ANTILLO-GUYANAIS SE CONSIDÈRENT PROFONDÉ- MENT FRANÇAIS, ET DE FAÇON CONCOMITANTE GUADELOUPÉEN, MARTINIQUAIS, GUYANAIS

Il est vrai que ceux qui nous gouver- nent s’ingénient à extirper de notre cerveau l"idée que nous ne sommes pas un peuple, -à notre endroit il s"agit de la France dans sa diversité- que la tutelle est consubstantielle à notre être, et que par conséquent nous n"avons pas une histoire, une culture, ni le sentiment d"être unis par une communauté d"intérêts, une manière qui nous est propre de réa- gir devant les situations ; puisque les médias et la télé en particulier nous imposent une perception de la vie à travers le prisme de la réalité euro- péenne, comme si la géographie pourtant omniprésente dans notre environnement ne faisait pas partie de notre univers, ne rythmait plus notre vision du monde.

Nous n"avons de cesse d"évoquer le personnage politique extraordinaire que fut Gerty Archimède, ce qui est parfaitement légitime, si l"on s"en tient à notre vie politique locale, tout en oubliant cependant le com- bat héroïque que dut mener Rosan Girard, parfois au péril de sa vie, face à la domination française séculaire.

Voilà ce qui motive mon propos. Je suis arrivé à cette amère constatation : les Antillo-Guyanais donnent au reste du monde l"impres- sion que c"est chez eux seulement que la colonisation s"est effectuée et que s"est institutionnalisé le colonia- lisme. Ils se débattent désespérément dans cette ambivalence qui consiste à se considérer français, profondé- ment français, et de façon conco- mitante guadeloupéen, martini- quais, guyanais.

D"où cette ambiguïté qui bloque toutes les problématiques concer- nant notre devenir. En me référant à l"objectivité historique et en suggé- rant une lecture événementielle à la lumière de ma subjectivité, ce dua- lisme s’est accentué, me semble-t-il, après l"élection du général de Gaulle à la présidence de la République, en septembre 1958, au moment où celui-ci était accompagné de son ministre des Affaires culturelles de l"époque, André Malraux, après les élections. Au cours de ce voyage, Aimé Césaire avait proposé un moratoire au Président, arguant du fait que le peuple martiniquais n’était pas prêt pour l"indépen- dance ; pendant que Rosan Girard bataillait dur en Guadeloupe jusqu"aux législatives d"octobre 1958, dont le découpage électo- ral, élaboré à son désavantage, fabriqué sur mesure, contribua à son élimination politique. Cela signifiait, tout simplement, qu"on pouvait naviguer dès lors, entre l"intégration pure et simple et la départementalisation adaptée.

Deux ans plus tôt, le même Aimé Césaire avait rompu avec le Parti Communiste Français, très exacte- ment en novembre 1956 ,par la célè- bre «lettre à Maurice Thorez» en agissant en homme de Lettres, figure illustre de la littérature antillaise, mais ignorant de ce fait la conception marxiste des rapports de classe inhé- rents au fonctionnement de toute collectivité organisée, et les méca- nismes y afférents.

LA BÉVUE DE CÉSAIRE, CONJUGUÉE À LA TRAHISON DES COMMUNISTES DE POINTE-À- PITRE : UN FREIN À L"ÉVOLUTION DE NOTRE PAYS

Trente-trois ans plus tard en 1991, consécutivement à la disparition de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), il advint que la municipalité de Pointe-à-Pitre, contre toute attente, rompit délibérément avec le marxisme, feignant d"ignorer que dans le contexte spécifique de nos pays, les idéaux du marxisme- léninisme, abstraction faite des pays d"Europe de l"Est devenus réfrac- taires, s"appliquaient indifféremment à tous les peuples colonisés, étant considérés par ceux-ci comme une thérapie pour leur libération.

Heureusement qu"il y a eu de la part de Karl Marx, à un moment de l"his- toire cette approche originale et géniale des relations sociales mar- quées du sceau de la justice sociale ! De ce fait, la bévue de Aimé Césaire, conjuguée à la trahison résolue des communistes de Pointe-à-Pitre, devait constituer un frein à l"évolution de notre pays; puisque, quoiqu"ils fis- sent, nos anciens camarades étaient acculés à cheminer avec les forces réactionnaires conservatrices oppo- sées à tout changement. Il en est résulté une stagnation du mouve- ment progressiste. Et c"est ce qui caractérise l’immobilisme dans lequel nous sommes aujour-d"hui, et qui témoigne des tergiversations de nos élus actuels dont les motivations n"ont rien de commun avec la condi- tion des travailleurs et les inquiétudes du monde progressiste.

Cela s"explique par le fait que les forces d"opposition et de contes- tation ne sont représentées ni dans la presse (exception faite de notre journal) ni dans les assem- blées locales ou au Parlement français. Le peuple travailleur, par conséquent, est exclu des ins- tances délibératives et ne dispose plus de représentants nominaux : les élus communistes notoire- ment connus comme défendant les intérêts des masses populaires.