Halte à la situation scandaleuse de l’eau !

Le manque d’eau potable aux robinets des Guadeloupéens qui dure depuis des dizaines d’années est aujourd’hui à son paroxysme, alors que nous vivons la pandémie de la Covid-19 et que le premier geste barrière contre le virus est le lavage des mains le plus souvent possible.

D epuis très longtemps, la popu- lation ne cesse de manifester son mécontentement et au- jourd’hui sa colère, son ras le bol, contre cet état de fait. Ses récriminations, ses exigences sont adressées aux élus gua- deloupéens, d’abord les maires qui sont en première ligne, et aujourd’hui les présidents des Communautés d’agglo- mération, parce que responsables de la fourniture de l’eau.

DES DIZAINES DE MILLIONS DÉTOURNÉS

Oui, des élus guadeloupéens ont une lourde responsabilité dans la situation catastrophique du réseau d’eau. Il ne faut pas les absoudre ; et là, je m’inter- roge. N’est-ce pas à une parodie de jus- tice à laquelle on a eu droit, il y a un an, lors du procès de l’eau en Guadeloupe qui a abouti à la condamnation d’un seul élu, et quelle condamnation ? Trois ans de prison dont deux avec sursis et pour le dédommagement, 150 000 euros d’amende ! Où sont passés les dizaines de millions détournés destinés au remplacement des canalisations obsolètes, pour une valeur aujourd’hui estimée à près de 900 millions d’euros ? N’avons-nous pas assisté à un procès bâclé, un procès bidon ?

DES PRINCIPAUX COUPABLES NON VUS AU BANC DES ACCUSÉS

Car, on n’a pas vu les condamnations exemplaires des élus coupables. On n’a pas vu non plus à ce procès, au banc des accusés, les véritables responsables de cette situation de l’eau courante. Je veux parler des entreprises françaises et multinationales, telle la Générale des Eaux, Véolia, qui ont, sans contrôle véri- table des élus et de l’Etat, géré la pro- duction et l’approvisionnement de l’eau en Guadeloupe pendant des dizaines d’années. N"ont-elles pas profité, sans aucune gêne, de la manne financière générée, en s’engraissant sur le dos des Guadeloupéens ?

O n n’a pas aussi vu l’Etat, par certains de ces représentants, qui a laissé faire et qui a donc permis une gestion opaque et mafieuse de la ressource en eau de notre pays.

Mais voilà, la raison du plus fort est tou- jours la meilleure ; la justice française est passée… Circulez, il n’y a plus rien à voir !Les Guadeloupéens vont-ils conti- nuer longtemps encore à être les din- dons de la farce ? Vont-ils longtemps encore accepter cette offense, cet outrage, de l’Etat français à leur égard ?

Nous sommes aujourd’hui confrontés à une double crise sanitaire, celle du Covid-19 et celle du manque d’eau potable aux robinets des Guadelou- péens. Nous sommes face à deux pro- blèmes de santé publique. Qui est res- ponsable de la santé publique dans notre pays ? L’Etat français, bien sûr !

NÉCESSITÉ D’UNE STRUCTURE UNIQUE DE GOUVERNANCE DE L’EAU ET DE L’ASSAINISSEMENT EN GUADELOUPE

L’accès à l’eau est un droit fondamental indissociable du droit à la vie. Le droit d’accès à l’eau est garanti par la conven- tion européenne comme par l’Orga- nisation des Nations Unies qui, en date du 28 juillet 2010, reconnait que : «Le droit à l’eau potable et à l’assainisse- ment est un droit fondamental essen- tiel à la pleine jouissance du droit à la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme». Je m’adresse aux élus de mon pays qui s’honoreraient à s’appli- quer à sortir de cette image de grands enfants, d’incapables, que leur prêtent tous ces hauts fonctionnaires, tous ces ministres et autres chefs d’Etat qui vien- nent parader en Guadeloupe.

La possibilité leur est donnée aujourd’hui de démontrer qu’ils sont capables de faire preuve de hauteur de vue, de responsabilité, en balayant leurs divergences réelles ou supposées, leur ambition de pouvoir illusoire. Dans l’in- térêt supérieur de notre peuple, ils doi- vent mettre en place, de manière la plus urgente possible, cette structure unique de gouvernance de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe, avec en son sein les représentants des usa- gers et des salariés et créer une entre- prise publique de production, de distri- bution de l’eau, et de l’assainissement. Si ce n’était le cas, il y aurait à désespé- rer des élus qui sombreraient ainsi dans l’indignité la plus vile.

SORTIR DE LA POSTURE D’ÉLUS SOUMIS POUR EXIGER UNE JUSTE RÉPARATION

Mais la mise en place de cette structure unique ne peut être que le début de l’engagement moral et politique que le peuple attend de ses élus. Il attend que ses élus prennent enfin la mesure du mépris que l’Etat affiche depuis tou- jours et aujourd’hui davantage, sans aucune retenue, envers eux et les Guadeloupéens. Comment comprendre, alors que la mission gouvernementale qui a fait un audit sur l’eau en 2018 évalue à plus de 600 millions d’euros, la dépense néces- saire pour sortir notre pays de cette situation catastrophique, que l’Etat pré- voit, dans son plan de 100 milliards d’euros pour relancer l’économie fran- çaise, 50 millions d’euros pour résoudre le problème de l’eau et de l’assainisse- ment en Guadeloupe ?

J’appelle nos élus à sortir de la posture de soumis, de mendiants dans laquelle ils se maintiennent trop souvent. Je les exhorte à exiger de l’Etat français qu’il reconnaisse sa responsabilité dans la situation de pays sous-développé, dans tous les domaines, dans laquelle il main- tient la Guadeloupe et qu’il mette les 600 millions d’euros nécessaires à une résolution rapide de la crise de l’eau dans notre pays. Ce serait un début de la juste réparation que nous avons le droit d’attendre de la France.

L’HEURE DE LA RESPONSABILITÉ EST ARRIVÉE

Cette situation abominable que nous vivons n’est que la partie émergée de l’iceberg des problèmes qui assaillent notre peuple et dont la responsabilité de la France est palpable. Je veux parler, entre autres, de l’empoisonnement au chlordécone, de l’exode des jeunes, du vieillissement de la population, de l’ina- daptation de l’école, du déficit de la balance commerciale, du chômage de masse, de la précarité sur tous les plans, du «démounaj» des femmes et des hommes de ce pays ? Etc… Etc.

Je crois qu’il doit être clair aujour- d’hui, pour nos élus comme pour notre peuple, que l’Etat français est disqualifié, que nous ne pouvons plus accepter de le laisser décider à notre place de ce qui est bon pour nous. L’heure de la responsabilité est arri- vée ; Fût-elle partagée !