Plan de relance pour l’Outre-Mer : De la poudre aux yeux !

Un milliard et demi d’euros, c’est le socle de la déclinaison du plan de relance pour les Outre-mer, sur les 100 milliards du plan national français. Un socle de ce qui a déjà pu être fléché, pour financer des réno- vations de réseaux d’eau, de bâtiments publics, de routes, de la transformation agricole et auquel pourrait s’ajoutent les différents appels à projets.

R amenés aux populations res- pectives sur le territoire de la France et dans les Outre- mer, ces chiffres mettent en exer- gue un écart important de traite- ment entre les populations de l’Hexagone et celles des Outre- mer : une dotation trois fois moins importante par habitant dans les territoires d’Outre-mer.

LE FRANÇAIS EST-IL ÉVALUÉAU TRIPLE DE L’ULTRA-MARIN DANS LE BUDGET DE L’ETAT ?

La France compte environ 67 mil- lions d’habitants, dont 2.7 millions dans les Outre-mer français. Le Premier ministre de la France a indi- qué consacrer 100 milliards d’euros pour le plan de relance, et le Ministère des Outre-mer a précisé que sur cette enveloppe, 1,5 mil- liards d’euros, a minima, seraient fléchés pour les Outre-mer. Ce qui, ramené au nombre d’habitants, représente 1 555 euros par habi- tant pour la France, contre 555 euros par habitant dans les Outre- mer, soit environ trois fois moins.

Des montants qui ont été indiqués, sans autres explications que les secteurs qui seront privilégiés dans les fléchages

. Le Français serait-il évalué au triple de l’ultra-marin dans le budget de l’Etat français ?

Ce mode de calcul et ses finalités s’avèrent donc injustes et discrimi- natoires. Il convient, dans un pre- mier temps, de les dénoncer, sauf qu’ils ne nous surprennent pas lorsque l’on sait que les intérêts et les préoccupations de l’Etat français sont loin des nôtres.

Il n’a pas de chiffrage par terri- toire, à défaut d’identifiés des axes, comme prioritaires pour les départements et régions d’Outre- mer (Drom). Il faudra attendre le vote du projet de loi de finances 2021, dans les prochaines semai- nes, pour connaître la répartition exacte de l’enveloppe ultramarine par territoire.

Contrairement à l’effet d’annonce escompté par le gouvernement, le programme «Relance France» d’un milliard cinq (1,5 Mds) est large- ment insuffisant pour prétendre à répondre à une volonté manifeste de redémarrage du secteur éco- nomique, singulièrement en Gua- deloupe. Le financement du pro- gramme court sur trois ans, de 2020 à 2022, dont un effort finan- cier annuel très moyen.

UN SAUPOUDRAGE CLIENTÉ- LISTE PLUTÔT QUE DES RÉELLES OPTIONS STRATÉGIQUES

En réalité, ce plan du gouvernement répond, avant tout, à une double vision de court terme : d’une part, on privilégie les applications et les projets industriels «immédiats», voire des dépenses courantes recy- clées, par rapport à des investisse- ments structurants à moyen et long terme ; d’autre part, on choisit volontairement le saupoudrage clientéliste plutôt que des réelles options stratégiques qui auraient e xigé une authentique compréhen- sion du monde du travail et des besoins des branches afin de hiérar- c hiser les priorités. Donc, aucune préoccupation de l’économie.

Ainsi, seuls 50 millions d’euros sont ainsi inscrits pour l’ensemble des O utre-mer. Ils seront à répartir, notamment, entre la Guadeloupe, la Martinique et Mayotte qui co- nnaissent une situation critique en la matière. «Cinquante millions, c’est à

peine ce qu’il conviendrait de mobiliser chaque année pendant 10 ans, en Guadeloupe seulement, pouraméliorer durablement la situation», martelait Josette Borel Lincertin, présidente du Conseil départe- mental, dénonçant vivement l"in- suffisance des moyens à la réno- vation des réseaux d"eau et d"as- sainissement.

La question des 400 millions pro- mis par l’Etat dans le cadre du plan d’urgence pour l’eau semble totalement passée au stade des promesses vaines.

Le ministre de l"Agriculture a précisé les objectifs du volet «Transition agricole, alimentation et forêt» du plan. Un volet qui s’élève à 80 mil- lions pour les Outremers.

Avec ce montant, destiné à la diversification des cultures, la modernisation des abattoirs, et le renouvellement des agroéquipe- ments, le plan de relance du sec- teur agricole, est loin de convain- cre et de répondre aux préoccupa- tions du secteur, qui est largement déconnecté des vrais besoins des agriculteurs. «Ces 80 millions sont insuffisants aux yeux des syndicats, notamment quand l’Etat parle de relance et de relocalisation pour a tteindre la souveraineté alimen- taire», précisait Alex Bandou, Secrétaire général de l"UPG.

Enfin, 50 millions d’euros seront af- fectés à la mise aux normes des b âtiments publics, dans le cadre du plan séisme Antilles. La situation géographique de ces territoires est marquée par l’éloignement de la France, leur relatif isolement et, sauf pour la Guyane, leur insula- rité fait qu’ils sont particulière- ment exposés aux aléas naturels, mais de manières différentes. Il convient de noter, à cet effet, que le plan prévoit que l’Etat rénovera e n priorité ses bâtiments, en par- ticulier les hôpitaux.

En conclusion, ce prétendu plan de r elance n’est rien d’autre qu’un plan de modernisation qui n’apportera rien à notre quotidien. Le grand patronat et les entreprises tirent la part belle dans les mesures propo- s ées. Il en résulte que c’est de la poudre aux yeux pour notre éco- nomie. Il convient de prendre notre destin en main pour cons- truire la Guadeloupe de demain. Et pour cela, il faut s’appuyer sur nos nombreux potentiels que la crise sanitaire a décelés.