Bouillons de culture

«Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme». A imé Césaire «Discours sur le colonialisme»

Quel candidat à une élection n’a pas accroché la culture commelakdans son zen électoral ?

Tantôt réservée à la seule jeu- nesse, parfois réduite à la simple consommation, régulièrement incarcérée dans un larèld’anima- tion et de loisir, trop souvent embrigadée dans un ghetto popu- liste, la culture souffre en fait, de ce qu’elle doit être, un élément vital dans une société dynamique.

Point n’est besoin de tenter une quelconque définition tant la mul- tiplicité des éléments historiques, sociologiques, anthropologiques, ethnologiques, politiques… parti- cipant à la cons-truction de l’édi- fice, rend impossible tout consen- sus étroit.

Il est clair cependant, que les vic- times des crimes d’acculturation perpétrés par la colonisation contre l’intelligence, l’intégrité et l’identité se doivent, dans une exigence de remounation, de considérer le domaine comme vecteur d’émanci- pation. Dès lors, la culture prend toute sa réelle dimension, elle n’est pas statique et ne peut être réduite, caricature du passé, à une simple expression esthétique de coutume ou de tradition. Trop souvent la chose culturelle est enfermée dans une posture défensive visant l’unique conception de sauvegarde des racines et fonctionne, ce fai- sant, sur l’exclusion.

La particularité coloniale nous impose, certes, d’userde l’arme culturelle comme résistance natu- relle à la déshumanisation issue du traitement de domination, d’infé- riorisation, de dépossession subi par le colonisé, mais nous place égale- ment en obligation de sortir de cet engorgement pour libérer le génie artistique dans sa lutte contre la pla- titude et le misérabilisme.

Nécessité nous dicte d’oeuvrer dans une dynamique de reconstruction, d’élévation, de transgression, de sublimation, d’humanisme vers un universalisme source de construc- tion identitaire et de liberté.

«L’IDENTITÉ EST ENRACINE- MENT. MAIS AUSSI PASSAGE. PASSAGE UNIVERSEL».

Dès lors, il faut sortir de ce «nati- visme culturel» expression d’un refus systématique de valeurs uni- verselles ou de la modernité au motif qu’elles menaceraient nos tra- ditions identitaires. Le slogan «fow plen avan’w débôdé»en est la par- faite illustration qui considère la re-culturation comme un baril dans lequel on déverserait les faits, gestes, pratiques et vécus de nos ancêtres sans distinction des doses de négativité originelle que peuvent contenir certaines des «valeurs» transmises.

En conséquence, il ne peut y avoir«on sèl»quoique ce soit, «ni on sèl mizik, ni on sèl dansé, ni on sèl lang».

La Guadeloupe, pure produit de la colonisation, ne peut cons- truire son entité et ne peut appréhender son identité, selon moi, que par le biais de la notion d’appartenance culturelle. Etre soi et se savoir soi pour conce- voir un nous qui fasse pays. Ce terrain de lutte qu’est la cons- truction identitaire, car il s’agit bien de résistance créatrice, est quête de transformation, d’in- novation, d’émancipation et de… liberté.

On devra forcément prémunir la démarche contre toute forme d’appropriation qui viserait à réduire les éléments empruntés à notre culture à des objets d’esthé- tique et de folklore vidés et dépouillés de leurs sens originel.

La question du culturel me semble donc en liyannaj étroit avec toute velléité de mobilisation et d’organi- sation dans un larèl de revendica- tions et de défense des intérêts bien compris du peuple guadeloupéen.

Puisse le génie culturel transcender nos légitimes visions autocentrées et nous permettre de vaincre l’ac- culturation et l’inculture. Tout un programme culturel.

«On ti tchoké varé an nich a fonmi la, sèten déotwa ké soti vwè ka ki ka pasé. An ka mandé zòt avi a zòt, mwen menm pa méyè ki on dòt ».