Le patrimoine de la Guadeloupe Un aspect de l’économie à ne pas négliger

Par définition, le patrimoine est tout ce qui appartient en propre à un individu, un pays, une col- lectivité, une entité. Il constitue sa richesse. Une richesse qui peut s’acquérir par le travail, par héritage, par don, par donation, par legs, voire par les jeux de hasard mais aussi, hélas ! Par usurpation, exploitation de l’homme par l’homme. Ce patri- moine est susceptible de varia- tions dans le temps et peut être de différentes natures.

En ce qui concerne un pays, en l’occurrence la Gua- deloupe, il faut prendre en compte toutes les formes possi- bles, tant matérielles qu’immaté- rielles du Patrimoine et qui se décli- nent notamment, à notre avis, sous différents aspects : culturels, géo- graphiques et historiques.

SOUVENT UN ENJEU ÉLECTORALISTE

Ce patrimoine commun est appelé théoriquement à contribuer au développement de l’activité touris- tique du pays, donc à son dévelop- pement économique, à condition évidemment qu’il soit mis en place une politique d’exploitation, d’en- tretien et de sauvegarde, qui ne peut s’arrêter après avoir réalisé une promesse de campagne électorale. Or, c’est toujours le cas dans cette Guadeloupe. Trop souvent, des sites ne sont que des enjeux électo- ralistes.Réhabilités ou entretenus au lendemain d’une élection, ils sont vite laissés à l’abandon par «manque de moyens», après qu’on ait fait «un coup» pour impressionner son électorat. On peut penser que, tel a été le cas, par exemple, du moulin de Bézard à Capesterre de Marie-Galante, qui a fait rêver les visiteurs pendant un certain temps et qui, aujourd’hui, a retrouvé son piteux état de vestiges séculaires abandonnés.

DES LIEUX CHARGÉSD’HISTOIRE, PARFOIS DE LÉGENDES ET DE MYTHES

Saisissant l’opportunité des Jour- nées Européennes du patrimoine du samedi 19 et du dimanche 20 septembre 2020, nous avons choisi de faire un cliché sur un site qui a été, durant des décennies, à l’ori- gine de tant de récits mystérieux, oraux ou écrits, réalités vécues ou légendes, entretenant dans la population guadeloupéenne une peur réelle à se trouver ne serait- ce qu’à proximité.

Cet encore le cas de l’habitation Zévallos à Le Moule, plus connue sous l’appellation de «maison han- tée de Zévallos». Que s’est-il vérita- blement passé dans cette maison, depuis ses premiers occupants ? Aucune preuve de ces revenants, ces fantômes, ces manifestations sonores qui ont empêché qu’elle soit occupée durant des générations.

Nous nous limiterons à donner l’in- formation administrative actuelle la concernant.Il convient néanmoins de rappeler que cette habitation Zévallos fut une ancienne exploi- tation agricole sucrière fondée au 19 ème siècle, sur laquelle a été éri- gée la première usine centrale sucrière de l’archipel, en 1844, par la Compagnie des Antilles. La maison d’architecture coloniale elle-même a été érigée entre 1868 et 1871. Cette centrale cessera son activité en 1901, à cause de son endettement dû aux fluctuations du sucre à l’échelle internationale.

Après plusieurs tentatives de recon- version sous forme de distillerie, d’abord par un particulier, puis par un syndicat d’ouvriers agricoles et ensuite par l’usine Sainte-Marthe, elle s’arrête définitivement et tombe dans l’abandon. La maison, avec son environnement indus- triel, est inscrite néanmoins aux monuments historiques de la France en 1987 puis classée depuis le 24 septembre 1990.

UN GESTE DE SAUVEGARDEQU’IL FAUT SALUER

L’entrepreneur de travaux publics et ancien propriétaire de la distil- lerie Delisle, Rosan Debibakas, ne reste pas indifférent face à ce site chargé d’histoire de la Guade- loupe et sur lequel ont travaillé tant les nègres que les Indiens. Il en fait donc l’acquisition en 1999, et devient le vingtième proprié- taire du site.

I l faut saluer ce geste de sauve- garde, en dépit de toutes les souf- frances générées par l’exploita- t ion et l’oppression qu’ont vécues les esclaves et la communauté indienne sur ce domaine sucrier. U ne donation a été faite par la suite aux deux fils Eric et Patrick Débibakas qui sont à l’origine de la création d’une association fami- liale «Les Amis de Zévallos» pour la gestion et la réhabilitation du site. Madame Beausir Maggy assure la gestion financière en tant que trésorière et sa fille, madame Vestris Isabelle, est la pré- sidente. Il n’est pas superflu de souligner que cette présidente, diplômée de Sciences politiques, avec une licence de Lettres à la Sorbonne et qui prépare un doc- torat de politique public, est en capacité de savoir où frapper pour trouver les fonds nécessaires à la réhabilitation du bâtiment et d’une partie de ses équipements, notamment la cheminée, soit environ trois millions sept cent cinquante mille euros.

L’association espère pouvoir attein- dre ses objectifs car, l’habitation Zévallos a été déclarée le meilleur site emblématique à visiter au monde et retenue, le 30 juin 2020, parmi les dix-huit sites embléma- tiques de la troisième édition de la mission pour la sauvegarde du patri- moine en péril, confiée par le Président de la République Emma- nuel Macron, à Stéphane Bern. Donc, un certain financement est attendu du Loto du patrimoine, par le biais de la Fondation du patri- moine. En outre, l’association pourra compter sur d’autres parte- naires : le ministère de la culture et de la communication, la Région Guadeloupe, la ville de Le Moule, des mécènes et les éventuelles recettes générées par des manifes- tations telle que «l’adoption d’une brique virtuelle» pour la réhabilita- tion de la cheminée dont une pre- mière édition a été déjà réalisée.

En conclusion, une équipe très engagée et très motivée pour la préservation de ce pan d’histoire de la Guadeloupe. Il ne reste qu’à émettre le voeu que les diffé- rentes collectivités de la Guade- loupe mettent en place une poli- tique générale de sauvegarde des sites car, il est impensable que, contrairement à d’autres pays, les visites de ces nombreux sites tou- ristiques soient gratuites.

Nous remercions la Trésorière, madame Beausir Maggy qui a bien voulu nous entretenir sur ce dossier.