Banane Pays Guadeloupe et Martinique : Qu’en est-il exactement ?

«Manjé pwodwi a péyi an nou pou santé an nou !». Ce slogan fait de plus en plus son chemin dans notre Guadeloupe. Nos produits du terroir, en particulier, sont consommés de façon très insatisfaisante, pour différentes raisons. La principale est le prix de revient de production qui impacte le prix de vente aux consomma- teurs. Une autre raison est, incontestablement, la perte de nos cul- tures sur le plan alimentaire qui se traduit par la priorité aux produits venant de l’extérieur. Aujourd’hui, on est réduit à faire découvrir dans les écoles les saveurs de nos fruits et légumes. Le consommateur non averti est cependant surpris de trouver dans les rayons des supermarchés des bananes étiquetées : «Banane Pays Guadeloupe et Martinique», alors que la législation prévoit, depuis de nombreuses années, une traçabilité alimentaire, du producteur au consommateur. Quel est ce pays qui s’affiche au monde par cette appellation ? Nouvelles Etincelles a voulu en savoir davantage pour informer ses lecteurs. Monsieur Philippe Aliani, directeur du Groupement des producteurs de banane de Guadeloupe a bien voulu répondre à ses questions.

Pourquoi une étiquette «BananePays Guadeloupe et Martinique» sur les bananes vendues ?

Philippe Aliane :Ce qu’il faut com- prendre, c’est que quand la Guadeloupe et la Martinique ont décidé de créer ce que l’on appelle les producteurs de Guadeloupe et Martinique, c’était pour se rencon- trer, pour mieux percer le marché métropolitain en termes de vente. Donc, on a un seul et unique cahierdes charges pour tous les planteurs de Guadeloupe et Martinique et la banane est vendue par un seul opé- rateur qui est l’union des deux grou- pements de planteurs de Gua- deloupe et de Martinique. Afin de faire baisser le coup, une seule éti- quette, Guadeloupe et Martinique a été adoptée.

Ce même étiquetage est utilisé en Guadeloupe, en Martinique et pour la France. On ne dit pas aux produc- teurs qui livrent la banane, si elle sera distribuée sur le marché local ou si elle ira France car, on s’est aperçu que, quand il s’agissait de bananes à livrer en Guadeloupe, ils étaient moins exigeants sur la qua- lité et l’hygiène. On avait générale- ment beaucoup de reproches au niveau de la filière.

Donc, on distribue les mêmes bananes sur le marché français et sur le marché local. Par contre, toutes les bannes que vous verrez sur le marché local ne sont pas for- cément de l’Union. Certains plan- teurs vendent des bananes hors du groupement des producteurs.

Donc, je n’ai pas la main sur toutes les bananes. Tout producteur appartenant au groupement utilise le sticker (l’étiquette) de l’Union. C’est-à-dire que, je peux aller dans u supermarché et demander à voir un carton des bananes et vérifier si le producteur qui a livré est bien notre adhérent. Si non, je demande au supermarché de faire attention.

Quelle retombée positive avez-vousconstatée depuis que vous utilisez cet étiquetage ?

87% des bananes que nous produi- sons sont vendues en Europe. Au niveau de la Guadeloupe, la con- s ommation est entre 5 000 et 6 000 tonnes de banane donc, très peu de notre production globale. On trou-ve aussi sur le marché fran- çais des bananes de l’Amérique l atine mais, on aura beau dire, le consommateur français aime bien retrouver la banane des Antilles. A lors, il nous était très important de l’afficher et de la distinguer par Guadeloupe et Martinique. Il nous manque de la banane, tant en Guadeloupe qu’en Martinique, pour vendre sur le marché français et notamment ces derniers mois.

Le consommateur est devenu très tatillon et, il sait que les produits Guadeloupe et Martinique répon- dent aux exigences sanitaires. En effet, les normes que nous appli- quons sont les normes les plus dra- coniennes au monde, nonobstant le problème du chlordécone.

Avez-vous pensé, tout en utilisantla même étiquette, ajouter une mention, par exemple le code du département, pour indiquer la pro- venance, de Guadeloupe ou de Martinique ?

Je ne vous cache pas que, lorsqu’on a créé cette étiquette commune aux deux îles, globalement, la pro- duction bananière allait très mal. On n’entrait plus dans cette ancienne querelle de deux îles soeurs, Guade-loupe-Martinique. Quand je vois les difficultés de tra- vailler entre ces deux îles, indépen- damment du fait que la Guade- loupe produit beaucoup moins de banane que la Martinique, environ deux à trois fois moins, pour nous, ce n’était pas une priorité d’identi- fier la banane.

A titre d’exemple, pour le cyclone Maria, 100% des bananiers avaient été touchés en Guadeloupe. J’avais constaté, mine de rien, que la Gua- deloupe consommait des bananes tant et si bien que, chaque semaine, j’ai dûfaire venir de la Martinique 2 000 cartons soit environ 40 tonnes, et il n’y avait pas assez. Heureusement que j’avais les bana- nes de Martinique ! Les consomma- teurs ne s’en sont même pas aper- çus, en raison de l’étiquette.

Au niveau économique, dans la crise que nous traversons, je suis convaincu que, sans renier ce que l’on est, plus on est uni, plus on est fort. Aujourd’hui, il faut conjuguer les talents, conjuguer les énergies, au lieu de regarder les différences car, la crise aujourd’hui est mon- diale. En étant uni, on peut peser sur le marché.