Se saisir du rapport Magras pour aller vers une évolution statutaire

Michel Magras qui a parti- cipé auprès de son frère Bruno à la vie politique de Saint-Barthélemy, a pris sa retraite politique au mois de septembre dernier. Le sénateur qui ne renou- velait pas sa candidature aurait, comme il a lui-même souligné, été très actif au cours de sa man- dature. Mais c’est sur la question de l’évolution statutaire qu’il s’est nettement distingué.

En effet, il s’est entretenu avec la plupart des chefs de gouverne- ments des territoires dits d’outre- mers afin de présenter un rapport au sénat en vue d’institutionnaliser le concept de statut à la carte pour chacun de ces territoires qui rece- vrait symboliquement l’appellation de «pays d’outre-mers».

Pour apprécier correctement le contenu de ce rapport, il faut bien observer le cadre dans lequel il est présenté : d’abord, il faut convenir qu’il s’inscrit dans le cadre de la fameuse politique de différencia- tion projetée par le président français, et surtout, dans la volonté exprimée par Bruno Magras d’élargir véritablement les compétences actuelles dont dis- pose la COM de St Barthélemy.

Sur le principe, nous aurions pré- féré que nos parlementaires se battent pour faire abroger cette loi inique de 2003 qui fait de nos peuples des populations dans le but de parvenir au plein exercice de notre peuple de son droit à l’autodétermination. De cette façon, il y aurait dans le cadre d’une consultation populaire à choisir entre le statu quo, l’auto- nomie et l’indépendance. Ce sont, chacun le sait, les revendica- tions politiques principales expri- mées dans notre pays.

Cependant, si la politique c’est l’art du possible, les forces politiques du changement peuvent-elles regar- der passer le train sans tenter de s’y embarquer pour lui donner la bonne direction ? Les communistes guadeloupéens qui revendiquent un statut de large autonomie pour la Guadeloupe, et qui savent que cette revendication a un caractère miti- gée puisqu’il y a autonomie et auto- nomie d’un double point de vue (du point de vue de l’étroitesse ou de la largeur des attributions et compé- tences attribuées à celle-ci et du point de vue du contenu progres- siste réel ou pas des programmes qu’on lui assigne) doivent-ils faire la politique de l’autruche ?

Considérant que le pays, depuis près de six décennies, subit une grave crise structurelle, que notre société est en pleine putréfaction, que la principale cause de cette situation tient dans l’inadéquation du statut départemental et l’assimilation avec les besoins et les intérêts bien com- pris de notre peuple, il nous semble judicieux de mettre à l’épreuve la classe politique guadeloupéenne en lui proposant de se saisir de ce rap- port Magras pour aller vers une évo- lution statutaire digne de ce nom.

Ainsi, comme il est pratiquement établi qu’à cause de la pandémie qui perdure, un report des élections départementales et régionales sem- ble probable, il sera possible de convoquer un congrès des élus sur ce thème, lequel congrès, engage- rait le processus de la mise en oeuvre concrète de l’érection d’un statut de large autonomie pour la Guadeloupe par la proposition de l’élection d’un congrès (ou autre assemblée) spécialement chargé d’élaborer ce statut.

Si les Guadeloupéens de bonne volonté, tous les anticolonialistes sincères y compris les nationa- listes qui n’opposent pas l’autono- mie à l’indépendance font preuve de réalisme politique, il est possi- ble pour le pays, d’accéder à la responsabilité vraie, faisant sortir notre pays dans l’enlisement dans lequel il est depuis trop long- temps précipité.

Comme on l’a vu au cours des der- nières élections, même si le person- nel politique commence à changer, rien de fondamental dans la vie des hommes et des femmes qui font le pays ne change.

Nous le répétons avec insistance, c’est le système départementaliste et colonialiste désuet qu’il faut changer. C’est la condition pour réaliser concrètement des transfor- mations de fond dans tous les domaines de la vie économique et sociale des Guadeloupéens.