Pauvreté et condition de vie en Guadeloupe

La note de l’Insee sur les revenus dans les départements d’outre- mer, n’a pas fait grand bruit alors qu’elle offrait des données tout à fait inédites. Pour la première fois l’Insee a publié le taux de pauvreté de chacun des départements, mesuré en utilisant le seuil national fixé à 60% du niveau de vie médian et non le seuil local.

En Guadeloupe, les der- niers chiffres publiés par l’Insee sur la pau- vreté ont affolé bon nombre de Guadeloupéens. Ils révèlent que près de 7 personnes sur 10 qui arrivent difficilement à boucler leurs fins de mois.

Une précarité matérielle et sociale qui classe la Guadeloupe parmi les pays où le sentiment de pauvreté est le plus fortement vécu. Plus de 30% de pauvres, de quoi s’alarmer sur cette situation qui n’offre aucune perspective d’amélioration.

Situation, qui aurait indigné s’il s’agissait de n’importe quel autre département de la France hexago- nale, cela n’a longtemps guère sus- cité de débat. Au fond, la population la plus défavorisée de la Guade- loupe et des autres colonies fran- çaises, du fait de sa «différence», devait se satisfaire d’une norme de niveau de vie inférieure à celle de la «métropole».

En 2018, 41% de la population en Guadeloupe est en situation de privation matérielle et sociale. La privation touche davantage les personnes sans emploi, faible- ment qualifiées et les familles monoparentales.

En 2018, une personne sur cinq en privation sévère. La privation sévère touche trois fois plus les Guadelou-péens que les Français (respectivement 22% et 7%). Les femmes ont plus le sentiment d’être touchées par la privation (47%), contre 37% pour les hommes.

Les nouvelles données de l’Insee permettent de documenter une situation que connaissent bien les observateurs de ces territoires. Alors que les plus pauvres y sont particulièrement démunis, les plus riches y vivent très bien. Ils dispo- sent de revenus très proches de ceux de la France.

Le seuil d’entrée au sein des 10% les plus riches est de 3 100 euros mensuels, supérieur même à celui de la France (3 010 euros) alors que les 10% les plus pau- vres touchent au mieux 630 euros mensuels contre 900 euros en France.

D’un côté, la richesse est accapa- rée par une minorité dont une partie vit d’une économie de rente, faiblement concurrentielle, de l’autre, la plus grande misère persiste, alimentée notamment par de très faibles niveaux de qua- lification et le manque d’emplois pour les jeunes.

En Guadeloupe par exemple, 45% des moins de 35 ans, 48% des peu ou pas diplômés et 83% des chô- meurs ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté. Les prestations sociales et l’écono- mie informelle, même si elle n’est pas quantifiable, font vivre des mil- liers de foyers et amortissent par- tiellement les difficultés. Elles font baisser les statistiques de fait du taux de pauvreté.

Les niveaux de pauvreté, même revus, ne prennent pas en compte les différences du coût de la vie. Selon l’Insee, les prix sont supé- rieurs à ceux de la France de 12% en Guadeloupe. Les populations survivent en se serrant la cein- ture, loin des normes de consom- mation du continent.

Par ailleurs, elles activent logique- ment toutes les autres solutions de «débrouille» indispensables, de l’en- traide familiale ou amicale au travail non déclaré notamment.

Cela empire. On le ressent notam- ment au niveau du recours aux aides alimentaires. Si la tension sociale reste silencieuse, la situation reste très préoccupante, l’actualité de la crise sanitaire ne fera qu’aggraver les choses. Les réponses monétaires si elles sont importantes et néces- saires ne sont pas suffisantes.

La question du modèle écono- mique que nous voulons pour le pays est plus que jamais une exi- gence absolue.