Les rénovations urbaines de Pointe-à-Pitre

Evelyne Pauline dit «Djota» est une de ces Pointoises qui a vécu de l’intérieur, différentes étapes de la rénovation urbaine de la ville de Pointe-à-Pitre. Aujourd"hui encore, elle doit lais- ser pour un nouvel ailleurs la dernière escale où elle s’était enracinée, les Barres de Chanzy, vouées à démolition.

E lle laisse libre court à ses émo- tions, ses sentiments, en par- lant de la vie de cette commu- nauté dans laquelle elle a grandi. Son histoire nous montre que la rénova- tion urbaine de Pointe-à-Pitre n’est pas seulement une question de logements, de bétons, d’aménage- ment de terrain. C’est, avant tout, une question de vie humaine.

En fait, des pages de l’histoire des rénovations de Pointe-à-Pitre res- tent encore ouvertes. Mais, fort heureusement, nous pouvons aujourd’hui trouver un corpus d’analyse sérieux, dans la thèse de doctorat intitulée «La Rénovation urbaine de Pointe-à-Pitre, du départ de Félix Eboué (1938) à la ferme- ture de l’usine Darboussier (1981)», soutenue par le Professeur Roméo Terral le 25 mai 2013 au campus du camp Jacob à Saint-Claude.

Cette thèse rappelle avec justesse que : «Nous ne pouvons comprendre l’histoire de la rénovation urbaine de Pointe-à-Pitre que si nous nous remémorons les conditions d’exis- tence difficile des populations qui résidaient dans les anciens faubourgs situés sur des terrains non assainis».

La construction des grands ensem- bles au début des années 1960 répondait aux exigences de l’épo- que : «Permettre aux populations les plus démunies d’accéder à un logement économique doté du confort moderne (eau potable, élec- tricité, sanitaire, salle d’eau, cuisine intérieure et de faire rentrer l’air et la lumière dans les logements des plus pauvres…».

Pour les décideurs, la priorité c’était l’hygiène, la salubrité, le confort et le progrès pour tous. Ils n’ont donc pas traité les aspects sociaux- cultu- rels et les changements de menta- lité en rapport avec cette mutation de la façon d’habiter. Enfermés dans leur vision, ils ont mis en oeuvre une concep- tion architecturale inadaptée au mode de vie des anciens habi- tants des faubourgs, et l’erreur de jugement des aménageurs est d’avoir voulu dupliquer un modèle urbain totalement étranger et qui ne tenait pas compte des spécificités de la ville aux Antilles.

Malgré tous ces aspects négatifs, on ne peut pas dire que la deuxième rénovation urbaine a été totale- ment un échec.

Les habitants des faubourgs qui ont été décasés pour intégrer ces nouveaux logements y ont adhéré car, pour eux, c’était la sécurité, l’hygiène, la modernité. D’autres personnes sont venues habiter Pointe-à-Pitre, attirées par ces nouveaux logements.

Plus de 50 ans après, les choses ont bien changé, des nouvelles techniques de construction sont apparues, des nouvelles façons de concevoir l’urbanisation et le vivre ensemble aussi.

Normalement, la troisième rénova- tion en cours devrait permettre de corriger les erreurs du passé.