Adieu Chanzy !

Toutes nos histoires de vie se sont en allées sous le poids de ces machines arrachant, démolissant, écrasant, piéti- nant, et détruisant les blocs parallèles de la Cité Chanzy, là où nous demeurions plus d’un demi-siècle.

La vie à Pointe-à-Pitre à été pour nous, enfants de cette ville, que des histoires de déracinement, de priva- tion, d’annihilement et de confisca- tion de nos repaires, de nos souve- nirs, de nos coins perdus, de nos arbres, de nos rues, de nos aires de jeux, de nos souches et de nos«bik»qui nous donnaient l’espoir d’un marronnage perpétuel, ce qui nous empêchaient d’être des zom- bis du système, des fers forgés du bourreau, des «moun an séri».

Après ces maintes politiques d’urba- nisation à la française et à l’euro- péenne, ces rénovations urbaines à répétition qui n’ont eu que faire de nos modèles de vie, de nos sensibili- tés et de nos «jan nou té ni labitib rété. Nou rété. Nou fè èvè y é nou viv adan y». De toutes nos énergies, ces habitants ont donné une âme à la Cité Chanzy.

De la planche en bois au béton, des«lakou»aux paliers, aux boxes et aux escaliers froids, notre capacité d’adaptation et de résilience nous a permis de dépasser tous les freins qui feraient de nous des décasés mentaux, des désorientés de l’en- fermement

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Nous avons créé du lien social et avons fait de ces ensembles un l ieu de vie et de transcendance de l’espoir «davwa lèspri a lakou- la pa jen té lésé nou». Les habi- t ants ont donné du sien. Les politiques sociales, éducatives et de loisirs ont pris place. (Groupe scolaire Cidemé Salva- tor - Classe maternelle et élé- mentaire, gymnase, crèche, relais associatif, annexe de la police municipale, commerces et une gare routière non loin).

Ce sont les nouvelles directives du gouvernement français au niveau de l’urbanisme qui ont entraînés ce désastre. La deuxième rénovation urbaine de Pointe-à-Pitre est lan-c ée. Les liens se desserrent.C’est la place aux bouleversements de l’être, à l’errance mémorielle et a ux vieux zombis de l’oubli qui ont toujours hantés les Pointois. Nos souches issues de cette terre marécageuse sont déracinées et emportées aux quatre vents vers d es ailleurs incertains. Beaucoup de propriétaires attendent encore leur indemnisation.

Toutes ces décennies de vies sont enfouies quelques parts. Ces mémoires englouties habitent la Pointe-à-Pitre. Elles papillonnent dans l’espace et attendent un lende- main certain. A tous ceux qui ont vécu ces changements.

Djota E. Pauline (Enfant ballotée du terre-plein, à la rue du Bouchonie Lordanie de la Cité Henri puis à Chanzy)